JRES 2023 : La bibliothèque idéale ?

association lecture enfants Afev

En introduction de la présentation de chacun des intervenants à la 16ème Journée du Refus de l’Echec Scolaire (JRES), l’animateur et journaliste Emmanuel Davidenkoff leur a demandé « quel livre avait déclenché quelque chose de très fort dans [leur] rapport à le lecture », quand ils étaient « enfants ou ados ». Tour d’horizon de leurs réponses…

C’était, pour lui, l’occasion aussi de « constituer un panthéon d’auteurs, au fil de cette JRES. » Les réponses, d’ailleurs, ont été nombreuses et variées, éclairantes aussi pour le public qui assistait, sur place ou à distance, aux échanges.

Marie Desplechin, autrice et marraine

« Je suis incapable de n’en trouver qu’un, parce qu’il y en a eu beaucoup. Des livres de lecture, des livres de mes parents… Mais j’ai des souvenirs très forts de lectures que nous faisaient nos parents, notamment de ma mère nous lisant Le Père Ubu [d’Alfred Jarry]. Je devais avoir huit ans, les autres six et quatre ans, et vous aviez quatre enfants déchaînés, parce que c’est plein de gros mots – ils disent « Merdre » tout le temps, et « Je vais t’enfoncer du petit bout de bois dans les oneilles ». Alors là, la joie de la lecture… Et c’est patrimonial, quand même ! »

Carlo Barone, sociologue

« Pour moi, c’était Robinson Crusoé [de Daniel Defoe]. J’ai voyagé des centaines de fois dans cette île, j’ai construit avec lui la cabane, je me projetais beaucoup… Il faut s’identifier. Pour moi, ça a vraiment beaucoup nourri mon imagination. »

Serge Boimare, ancien enseignant et psychopédagogue

« Le livre qui m’a le plus influencé, je dirais que c’est Croc-Blanc de Jack London. J’avais entre huit et neuf ans, j’étais en classe de CE2, et c’est l’instituteur qui, tous les jours, à la fin de la journée, nous lisait pendant dix minutes/un quart d’heure les épisodes de ce livre, les uns après les autres. C’est ce qui m’a sans doute donné envie d’encourager les enseignants à lire dans leurs classes. »

Isabelle Delaplace, Déléguée générale de la Fondation FDJ

« Un livre qui m’a particulièrement marquée, à six ans, c’est Le Petit Prince [d’Antoine de Saint-Exupéry]. »

Emmanuel Ethis, recteur de l’académie de Bretagne

« Roméo et Juliette [de William Shakespeare], parce qu’y figure une phrase qui m’a poursuivi toute ma vie :"Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer (…) Si l’amour est brutal avec vous, soyez brutal avec lui ; écorchez l’amour qui vous écorche, et vous le dompterez." J’ai lu ça à cinq ans, en venant d’un milieu très populaire, et je me suis dit : "J’aimerais parler comme ça tout le temps !" »

Aurélie Filippetti, ancienne Ministre de la Culture

« Moi, j’aimais lire le Dictionnaire – c’était un Robert, puis j’ai demandé L’Encyclopédie Larousse que j’ai eue en plusieurs épisodes : de la lettre A à F, puis de G à M, etc. C’était merveilleux, c’était un voyage, parce que ce n’est pas linéaire. Je le lisais par sauts, d’une entrée à une autre, ce qui était magique puisque je ne savais jamais ce que j’allais trouver d’une fois sur l’autre. »

Régine Hatchondo, Présidente du CNL

« Moi, c’est La petite fille aux allumettes [de Hans Christian Andersen] qui est le premier que j’ai écouté en boucle, qui m’a donné aussi le plaisir de pleurer – car ce peut être un plaisir, aussi, de pleurer. »

Eunice Mangado-Lunetta, directrice des programmes à l'Afev 

« Je vais parler du livre qui ne m’a pas touchée enfant, mais un peu plus tard : Martin Eden, de Jack London. D’ailleurs, je tiens à dire que je suis totalement parvenue à m’y identifier, tout en n’étant pas un homme. Il y a donc aussi cette idée : on peut aussi s’identifier, même quand le personnage n’est pas exactement son semblable. »

Insa Sané, auteur, rappeur et slameur

« Moi, c’était Les Châtiments et Les Contemplations de Victor Hugo. Je n’y ai rien compris : je n’avais que huit ans. Je pensais même vraiment que « Demain, dès l’aube » était un poème d’amour, et je n’avais pas compris qu’il y avait de la mort dedans. Mais ça m’a ému. C’est comme une bonne chanson en anglais, à laquelle on ne comprend rien mais qui nous touche. Le tout, c’est le rapport au rythme, aux sonorités. Victor Hugo est très fort pour travailler sur le rythme. (…) Hugo, je le lisais à haute voix, pour moi, pour faire marrer mes potes, pour séduire les filles. C’est ça aussi, lire ! »

Anaïs Sautier, autrice et ancienne salariée de l’Afev

« Sans l’ombre d’une hésitation, J’ai hâte de vieillir de Brigitte Smadja [L’Ecole des loisirs, 1993]. C’est vraiment un roman magnifique, que j’ai lu, relu, re-relu, au point qu’il m’a donné envie d’écrire pour la jeunesse. »

Sophie Van der Linden, autrice et critique littéraire jeunesse

« Mon entrée dans la littérature jeunesse, c’est Claude Ponti. Il m’a donné envie d’écrire, et d’écrire sur la littérature jeunesse. C’est plutôt intéressant, car Claude Ponti est en train de devenir, au travers d’études sociologiques, le symbole d’une lecture élitiste. Pourtant, ce que l’on remarque sur le terrain – aussi bien les bénévoles que les bibliothécaires -, c’est que s’il s’agit d’une œuvre extrêmement dense, pleine d’habitus culturels, il s’agit là vraiment d’une œuvre dans laquelle les enfants rentrent, plongent… et puis, pour reprendre les mots de Michel Desmurget, c’est une œuvre qui change la vie, véritablement. »

Sylvie Vassalo, Directrice du SLPJ

« Je vais tricher un peu, et citer le livre qui a beaucoup compté quand j’ai été maman : c’est Loulou, de Grégoire Solotareff [L’Ecole des Loisirs, 2001]. »

 

Propos recueillis par François Perrin

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