(Re)donner aux adolescents le goût des mots

Lecture Jeunesse Journée du Refus de l’Échec Scolaire

Depuis 1974, l’association Lecture Jeunesse vise à développer la lecture, l’écriture et l’expression orale des adolescents et des jeunes adultes, afin de lutter contre les inégalités culturelles et le décrochage scolaire. C’est le sens de notre engagement car la maîtrise de la lecture, condition nécessaire de la réussite scolaire, de l’insertion sociale et professionnelle est une des clefs de l’épanouissement et de l’émancipation personnelle, elle ouvre l’accès à la connaissance, et à la construction d’une pensée autonome protégeant des obscurantismes et du complotisme. Observatoire de la lecture et de l’écriture des adolescents, Lecture jeunesse expérimente et déploie des projets de terrain en concertation avec les professionnels et des partenaires œuvrant pour les jeunes.

Agir spécifiquement pour les adolescents

En 2022, 11,2 % des participants à la Journée défense et citoyenneté (JDC) rencontrent des difficultés dans le domaine de la lecture. Près de la moitié d’entre eux peut être considérée en situation d’illettrisme et plus d’un jeune sur dix n’a qu’une maîtrise fragile de la lecture. Nous croyons qu’il est possible de faire bouger les lignes si nous analysons les facteurs d’échec et de réussite.
Lecture Jeunesse a fait le choix dès sa création de se concentrer sur les 11-19 ans, et particulièrement sur les publics les plus fragiles, les plus éloignés des pratiques culturelles de référence. Cette spécialisation, qui fait notre spécificité, part d’un constat : le décrochage des pratiques de lecture est net vers 12 ans, cette désaffection touche davantage les garçons que les filles, les moyennes cachent des inégalités profondes selon les origines sociales et les niveaux d’instruction des parents, selon les territoires, en métropole et en outre-mer. Il n’y a donc pas UN public adolescent, mais DES adolescents et adolescentes.
Prenant appui sur les résultats des recherches scientifiques et sur l’observation des pratiques réelles des adolescents, Lecture Jeunesse met en place des dispositifs aptes à déclencher des envies et des besoins de lire. Nous livrons ici quelques réflexions issues de cette expérience dont certains éléments peuvent être transposables dans d’autres contextes par d’autres acteurs. Nous pouvons ainsi identifier quelques leviers.

Journée du Refus de l'Echec Scolaire

L'édition 2023 de la Journée du Refus de l'Echec Scolaire se tiendra à Paris mercredi 27 septembre sous le thème « Tous égaux devant la lecture ? ». Une après-midi d’échanges qui vise à explorer la question des inégalités en matière d'accès et de pratiques de la lecture des jeunes

 

Participer

Désacraliser l’acte de lire et rendre les adolescents acteurs

Nos dispositifs reposent sur la mise en place de médiations où les adolescents sont actifs ; nous visons ainsi à leur redonner confiance en leurs capacités, à valoriser leur créativité en encourageant la lecture et l'écriture à travers des productions laissant place à leur imagination et à leur initiative. Nous avons en particulier évalué la pertinence de mettre les jeunes en situation de production pour les réconcilier avec l’écrit et les rendre fiers de leurs réalisations. Le lien écriture/lecture s’avère
fructueux. De plus, en développant à la fois leurs compétences numériques et leurs capacités créatives, nous les aidons à consolider des compétences transversales telles que l'autonomie, l'initiative, l'engagement et le respect des opinions d’autrui.
Il nous paraît également primordial de créer des espaces d’échanges autour de la lecture, car celle-ci est souvent perçue par les jeunes exclusivement comme une activité solitaire, à un âge où ils apprécient d’être avec leurs pairs. Désacraliser l’acte de lire en mettant la lecture au service d’un projet commun crée une dynamique, rend la lecture vivante. La rencontre avec des auteurs s’inscrit dans cette dynamique. En s’emparant de cette pratique de façon collective, les adolescents prennent confiance en eux, apprennent à argumenter, à partager, à se concerter, à négocier ; en affirmant leurs propres goûts, ils peuvent devenir de véritables prescripteurs. Pour autant, l’adulte n’est pas absent ; encadrant ces activités, il connaît ses objectifs, guide les jeunes en leur laissant une part d’autonomie, partage avec eux questions et tâtonnements, met en valeur l’expérience des adolescents, leurs compétences, leurs acquis. Les actions sont évaluées.

Promouvoir la littératie, la lecture sous toutes ses formes, l’écrit dans tous ses états

Pour faire face à la désaffection de la lecture à l’adolescence, et plus positivement pour donner aux jeunes accès à la culture d’aujourd’hui ainsi qu’à la culture « classique », nous abordons la lecture au travers de la diversité des écrits (fictionnels, documentaires, utilitaires…) et des supports, imprimés et numériques. Certains présupposés des jeunes sont à dépasser : lire ne se résume pas à lire des livres imprimés, des romans, de la fiction. La recherche de l’information pertinente sur Internet, la confrontation des sources, l’éducation à un usage raisonné du numérique, mettent en jeu la lecture. La lecture en classe n’est donc pas que l’affaire des professeurs de français et des professeurs documentalistes ; cette perception incite à développer des projets pluridisciplinaires et pluriprofessionnels (associer les bibliothécaires, des partenaires extérieurs du monde scientifique, économique, culturel…). La connaissance et la prise en compte des goûts et des pratiques culturelles des adolescents permet d’établir des passerelles entre la réalité souvent méconnue et sous-estimée de ce qu’ils « font » en dehors de l’Ecole et les objectifs légitimes de dépassement, d’enrichissement et d’élargissement de leur culture. Dans cette perspective, nous avons, par exemple, ces dernières années accordé une importance particulière aux sciences ; l’écologie, le climat, la biodiversité, les questions de bioéthique etc. accrochent l’intérêt des jeunes ; l’acquisition d’une culture scientifique et technique est une dimension incontournable de l’éducation artistique et culturelle pour tous et toutes.

Former les professionnels qui sont au contact direct et quotidien avec les adolescents

Les bibliothécaires, les enseignants et les animateurs sont au contact direct des adolescents ; ce sont eux qui les guident au quotidien dans la découverte et la maîtrise des écrits. La formation continue de ces professionnels revêt de ce fait une importance cruciale, d’autant plus que nous vivons une période de rapides transformations technologiques (numériques, IA…), sociales et culturelles qui bousculent les modalités de transmission et de médiation. Nous sommes convaincus que l’impact des projets en faveur de la lecture des jeunes est d’autant plus fort que les adultes qui les mettent en œuvre sont bien formés, pas seulement aux fondamentaux de leurs métiers mais aussi aux transformations des modalités de médiation, aux évolutions des publics, à la connaissance des environnements sociaux et culturels dans lesquels ils exercent et où vivent les jeunes qu’ils encadrent.
C’est pourquoi Lecture Jeunesse considère que les médiateurs sont les premiers bénéficiaires de ses plans d’actions, au travers des projets de terrain mis en œuvre
avec eux mais aussi directement par le biais de son offre de formation continue et de ses publications. Notre ligne d’intervention se caractérise par l’accent mis sur le
partage des expériences et des pratiques professionnelles. Nous insistons, pour les raisons évoquées plus haut, sur la nécessaire connaissance des cultures jeunes, hors milieu scolaire, et sur la spécificité et la diversité des publics adolescents. Faire confiance aux jeunes dans leurs choix de livres par exemple, c’est reconnaître leurs
besoins sans les juger, mais leur faire expliciter leurs goûts, leur proposer plus de titres pour élargir leur vision, c’est leur ouvrir les possibles (les chroniques de livres
publiées par Lecture Jeunesse constituent un outil de référence ; plus de 700 titres sont analysés par des comités de lecture interprofessionnels chaque année). Il s’agit
par les formations d’accompagner les professionnels et de les aider à faire évoluer leurs pratiques professionnelles en les sensibilisant à la complexité de l’adolescence
et à la gestion des situations délicates, en actualisant des connaissances, en fournissant des références et des outils concrets et transférables.

Pour aller plus loin sur les questions des pratiques culturelles et émergentes liées au public adolescent

découvrez les travaux menés par l’Observatoire de la lecture et de l’écriture d…

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L'Afev et la lecture