L’Accompagnement vers la lecture (AVL) est l’un des dispositifs de mentorat mis en place par l’Afev, à destination d’enfants entre la dernière section de maternelle et le CP. Retour en chiffres et en témoignages sur un programme qui ne cesse de se développer, et dont les bénéfices ne font, au niveau des partenaires comme des bénéficiaires, plus aucun doute.
Programme de mentorat développé par l’Afev, l’Accompagnement vers la lecture (AVL) met en contact, autour du jeu et de l’objet-livre, un(e) étudiant(e) bénévole et un enfant de grande section de maternelle (ou de CP) en situation de fragilité, préalablement identifié par un partenaire de l’association. Il intervient donc très tôt dans le parcours scolaire de ce dernier, à un moment-charnière, et vise notamment à lui donner « envie d’apprendre et d’entrer dans l’écrit », tout en lui permettant de « développer son langage, sa confiance en soi »… Ceci afin de combattre les disparités qui peuvent apparaître, entre les enfants, très tôt dans la scolarité, notamment sur la maîtrise du langage ou le rapport au livre.
Une évaluation d’impact
En 2022-2023, ce sont ainsi près 2 800 enfants qui ont bénéficié de ce programme sur l’ensemble du territoire - soit 667 de plus que l’année précédente, grâce à un partenariat avec la Fondation FDJ . Au deuxième trimestre 2022 a d’ailleurs été réalisée à ce sujet une évaluation d’impact, sur la base de 216 entretiens quantitatifs avec des mentors (dont une très large majorité sont des femmes), et 13 entretiens qualitatifs (étudiants, mères de famille, bibliothécaire et directeur d’école maternelle).
Il ressort de ces entretiens une foule d’informations en termes d’impact : pour les enfants accompagnés, 82% des mentors ont relevé une évolution du langage et du lexique, 72% une meilleure capacité de concentration et d’attention, 54% une plus grande aisance dans le rapport à l’école. En outre, 70% d’entre eux estiment que ce dispositif renforce ou stimule chez les enfants une envie d’apprendre, et ils sont encore 40% à avoir remarqué qu’ils sont plus à l’aise dans une médiathèque après qu’avant le début du programme. Sur un autre terrain, tous semblent s’accorder pour juger très positivement l’influence de l’AVL sur la confiance en soi des jeunes bénéficiaires.
Mais ce dispositif semble encore présenter d’autres aspects éminemment positifs, qu’il s’agisse de renforcer les liens avec les familles (« 94% des mentors ont eu l’occasion d’échanger avec les parents » et « 66% (…) ont pu valoriser l’évolution de l’enfant auprès de ses parents »), de faire évoluer les pratiques de lecture familiale (« Maintenant, j’achète des livres, m’assois à côté [de mon fils] et lui lit une histoire, j’essaie de lui apprendre l’alphabet », indique une maman), d’accoutumer enfants et familles à la fréquentation de la médiathèque… Par ailleurs, les mentors eux-mêmes sont prompts à constater tout ce que cette expérience a pu leur apporter : sentiment d’être utiles, développement de compétences... voire impact sur leur choix d’orientation, sur leurs pratiques d’engagement, comme l’a indiqué Julie, mentore à Albi : « J’avais déjà fait plein de choses au niveau associatif, mais jamais avec des enfants. »
Retours d’expérience
Interrogées cette année, plusieurs mères d’enfants accompagnés en Seine-Saint-Denis – dont certaines allophones - reviennent volontiers sur certains de ces aspects. Radhia, par exemple, explique : « Avant l’Afev, quand mon fils était petit, on faisait les devoirs avec lui. Mais pas beaucoup, parce que moi, je ne connais pas le français. (…) On ne faisait pas beaucoup de lecture de livres, que des devoirs faciles… » Theja, quant à elle, a pu constater que « les enfants ont changé, la maîtresse a dit qu’il y avait des progrès. Pour moi aussi c’est bien, je suis contente, parce que j’ai besoin de bien parler français et j’ai pu parler avec les bénévoles, cela m’a beaucoup aidé à progresser. » Du côté d’Amal, toute disposée à recommander l’AVL à des proches, le son de cloche est au diapason : « Maintenant, ma fille aime lire. Avec la bénévole, elles empruntent des livres à la médiathèque, les amènent à la maison. Ma fille attend qu’elle vienne, c’est super. Et moi, j’ai des discussions tous les samedis, elle me dit les choses qu’elles ont faites. » Et Radhia de conclure, au sujet de son fils : « Il a beaucoup changé dans sa tête, il a grandi ! Il est trop content, il a aimé ses bénévoles les deux années, elles sont très gentilles. (…) C’est vrai, il a changé. Il est grand maintenant, j’ai remarqué. »
Témoin sur un temps plus long, Philippe Gontard, Directeur de l’école maternelle Maurice Rouvier (Paris XIVème, située en Réseau d’éducation prioritaire), était déjà intervenu à ce sujet lors d’une conférence organisée le 27 mars dernier à l’Assemblée nationale. Son établissement, qu’il dirige depuis 2009, a en effet démarré son partenariat avec l’Afev, dans le cadre du programme AVL, en 2011. Depuis lors, 10 élèves de grande section en bénéficient en moyenne chaque année, sur un ensemble de 35 écoliers à ce niveau en 2023. « Nous essayons dans un premier temps de cibler les familles qui pourraient correspondre au profil proposé, explique-t-il, puis nous organisons une première rencontre. » Tout ceci repose en effet « sur un triangle vertueux entre l’école, la famille et l’association : c’est un réel partenariat, un travail en confiance. » Ceci, pour une école dans laquelle beaucoup d’enfants « sont présents sur les temps périscolaires, tous les jours de la semaine, y compris pendant les vacances – et font donc des journées de 8h30 à 18h30 à l’école. »
Il a donc été question au départ de « cibler des enfants qui restaient sur ces temps périscolaires, pour leur proposer une relation privilégiée, de qualité, avec un bénévole et un accès à la bibliothèque du quartier. » Désormais, d’autres élèves bénéficient également de cette action, qui – spécificité locale – ne passe « quasiment pas par de l’accompagnement à domicile », mais « directement à la bibliothèque. » Ainsi, l’AVL proposé dans cette école maternelle présente plusieurs avantages : « D’abord, un accompagnement à la parentalité – on fait par exemple faire aux enfants une carte de bibliothèque s’ils n’en disposent pas ; ensuite, on constate que les élèves ciblés, parfois agités ou manquant de confiance en eux, se mettent à parler plus facilement, à prendre confiance en eux, à fréquenter le coin bibliothèque de la classe… » Par ailleurs, « l’école renforce ainsi son lien avec les familles », tandis qu’au niveau des bénévoles, « il y a une prise de conscience sociale, sur les conditions de vie et d’éducation de certaines familles, et une prise de confiance sociale sur leur propre capacité à aider les autres ! Dans ce triangle vertueux, tout le monde est gagnant. »
Ces derniers mots de Philippe Gontard entrent en résonance immédiate avec ceux prononcés par Antoine Raisseguier, chef de file Cité Educative pour la Ville de Saint-Ouen-sur-Seine, à l’issue de la conférence dédiée à la lecture et organisée début juin par l’Afev et ses partenaires en cette commune de Seine-Saint-Denis. Pour qualifier la Cité Educative, il avait en effet parlé d’une « alliance éducative entre tous les acteurs du territoire, qui avancent tous dans la même direction : le combat contre les inégalités. » Une démarche, en somme, à la fois partenariale, constructive et militante. Et ce n’est sans doute pas pour rien que la lecture et l’accompagnement vers celle-ci constitueront le thème central de la prochaine Journée du refus de l’échec scolaire (JRES), qui se tiendra le 27 septembre prochain à Paris.
François Perrin
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