« La lecture, elle adorait ça, mais il n'y avait pas de livres à la maison »

Trois jeunes engagés auprès d'enfants défavorisés témoignent sur les ressorts qui leur permettent de lutter très concrètement contre les inégalités.

 

Juliette, 21 ans, bénévole à Nancy parle de l’importance de la pratique de la langue et de la connaissance du vocabulaire à l’Ecole, qu’elle a remarqué dans le cadre de son accompagnement d’une enfant en CE2

« Son vocabulaire m’a étonné. Elle ne connaissait pas certains mots assez courants. Quand on allait au musée ou dans la rue, qu’on regardait autour de nous, elle ne connaissait pas, par exemple, le nom des oiseaux. Elle avait une capacité d’apprendre mais il y avait beaucoup de vocabulaire qu’elle n’avait pas et, du coup, je pense que ça se ressentait à l’école pour la compréhension des consignes ou simplement des textes. A l’école, si on n’ose pas demander quand on ne comprend pas, très vite on est bloqué. La lecture, elle adorait ça, ça se voyait, mais il n'y avait pas de livres à la maison donc forcément ça réduit le vocabulaire. Donc on est allé à la bibliothèque de temps en temps. Je lui ai offert deux livres. Je me rends compte qu’elle a progressé en lecture pendant l’année, ça c’est clair. Je pense que l’école a joué mais nos sorties aussi. »  

Adrien, 24 ans, kapseur à Metz, évoque la question de l’ouverture culturelle et de la mobilité comme un critère d’inégalité face à la réussite éducative, vécue dans le cadre de son accompagnement d’une enfant de 10 ans (sa voisine)

« Elle a jamais essayé beaucoup de sports. Là où elle habite, les garçons font du foot et les filles font de la danse et s’ils n’aiment pas, ben ils font pas de sport. Donc je l’ai emmenée à la patinoire et là bingo, elle a adoré ça. Du coup maintenant je l’accompagne dans les démarches pour s’inscrire en septembre à la patinoire. Si je n’avais pas été là, elle n’aurait jamais découvert la patinoire. Maintenant se pose la question de la mobilité : comment aller du quartier jusqu’à la patinoire ? On a regardé au niveau des bus, il y a des correspondances… C’est assez compliqué pour une gamine de 10 ans. Si elle habitait dans le centre ou dans un quartier un peu mieux desservi, la question ne se poserait pas. »  

Noémie, 22 ans, bénévole à Saint-Etienne, a accompagné une enfant en grande section de maternelle. Elle nous parle de l’importance du cadre de vie et des conditions de travail dans la réussite scolaire.

« Elle habitait avec sa mère, dans une seule pièce d’un appartement partagé avec pleins d’autres familles. L’intégralité de leur lieu de vie c’était juste cette pièce, à la fois la chambre, le bureau, le salon, tout… La maman n’avait pas conscience qu’il allait falloir, à partir du CP, que sa fille se concentre, qu’elle soit tranquille, qu’il n’y ait pas la télé allumée à côté, qu’elle ne soit pas assise sur un lit tout mou avec son cahier dans la main… Avec la maman, on a instauré une espace dans cette pièce ou sa fille allait pouvoir s’installer, elle a fini par trouver un bureau pour sa fille. Et nous, avec la petite, on a travaillé sur le fait de devoir se cadrer, arriver à faire abstraction, éteindre la télé… On est allé à la bibliothèque pour se rendre compte qu’il y avait aussi d’autres endroits où aller si vraiment elle était coincée chez elle. » Crédit photo ©Letizia Le Fur

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