Marraine de la 16ème Journée du Refus de l'Échec Scolaire (JRES) : Tous égaux devant la lecture ?, qui se tiendra le 27 septembre prochain, la journaliste, écrivaine (dont Danbé avec Aya Cissoko en 2011, chez Calmann-Levy) et autrice de livres pour enfants (dont L’école de ma vie en 2017 ou La Capucine en 2020, à l’Ecole des loisirs) Marie Desplechin a accepté, en juillet, de répondre aux questions du Lab’Afev.
Vous avez accepté d’être la marraine de cette Journée du Refus de l’Echec Scolaire, d’où vous vient votre sensibilité aux inégalités, en particulier celles concernant l’accès à la lecture ?
M.D. Je ne sais pas… Peut-être un reste d’enfance. Les enfants sont très sensibles à l’injustice, et pas seulement quand elle les concerne. Ils ne se sont pas encore « habitués » à l’ordre établi, ou imposé. Ils s’étonnent : "C'est pas juste, c’est trop injuste !". Et ils ont raison. Pour ce qui est de la lecture, je la considère comme une puissance, une liberté, et comme un privilège. On peut choisir de s’en priver, de ne pas l’exercer. Mais pour cela, il faut en posséder la pratique. Or pour une quantité d’enfants, ce n’est pas le cas. Je considère qu’ils sont spoliés.
En tant qu’autrice, vous posez-vous la question du public qui vous lit et notamment des enfants/jeunes dits « éloignés du livre » ?
M.D. Ah oui. Je m’efforce (dans beaucoup de mes livres) d’écrire simple et clair, de construire des phrases équilibrées et pas trop longues, de choisir des mots précis et usuels. Quand j’ai écrit « L’école de ma vie », je pensais à une petite fille qui ne parvenait pas à entrer dans la lecture. J’y répète les mots et les structures de phrase, pour rendre la lecture plus familière. Mais ce n’est jamais une privation. J’aime beaucoup moi-même qu’on écrive clair et précis, pour tous les âges. Et puis je place toujours des mots dont je sais qu’ils sont nouveaux pour les enfants. Parce que découvrir un mot, lui trouver un sens dans son contexte, est un plaisir délicieux... à condition de n’être ni noyé, ni exclu.
Vos romans abordent souvent des sujets de société. Vous refusez pourtant de vous poser en autrice « militante » et dites que ce qui compte avant tout, c’est de « partager des bonnes histoires ». Vous n’avez pas plus envie que cela de convaincre vos lecteurs ?
M.D. Quoi qu’on écrive, on écrit dans son temps, on choisit sa langue, on imprime sa vision. Il n’existe pas de texte, même dans son insignifiance, qui puisse s’affranchir de dimension politique et morale, dans son intention comme dans ses conséquences. À moins d’avoir une idée à développer ou une information à partager (ce qu’il m’est aussi arrivé de faire), je ne vois pas l’intérêt de vouloir « passer un message ». L’histoire est le message. L’écriture est le message.
Vous rencontrez beaucoup d’enfants et d’ados qui vous lisent : avez-vous l’impression qu’ils ont changé depuis trente ans ?
M.D. Pas tant que ça. Ils désirent toujours les mêmes choses, le regard, la reconnaissance, la confiance. Ils ont toujours peur des mêmes choses, le rejet, l’échec, le mépris. Ils sont toujours travaillés par les mêmes soucis familiaux, sociaux, amicaux, professionnels (car élève, c’est une sorte de profession !) qui peuvent les envahir et les déborder. Je n’ai encore jamais eu le sentiment qu’ils étaient étrangers, inaccessibles ou différents.
Entretien, juillet 2023
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