A Lille, l’engagement des jeunes à l’honneur des Rencontres de l’Afev

Le jeudi 24 avril 2025, l’Afev réunissait à Lille, au siège du Conseil Régional Hauts-de-France, de nombreux acteurs engagés autour d’un événement valorisant l’engagement des jeunes comme levier de transformation sociale. À travers cinq tables rondes thématiques et un village de l’engagement, cette rencontre a mis en lumière la manière dont les actions menées par les jeunes – du mentorat à l’innovation sociale en passant par l’insertion professionnelle – participent à faire évoluer les territoires urbains et ruraux de la région. Retour sur quelques temps forts de cette après-midi particulièrement dense… et rythmée !

En ouverture de cette première rencontre régionale, Jérôme Sturla, directeur du développement urbain à l’Afev et du Lab’Afev, a rappelé le sens donné à cette journée : mettre en lumière la richesse et la diversité des actions portées par l’Afev en Hauts-de-France. Conçue avec Cédric Laigle, Délégué régional, cette initiative visait à refléter l’ancrage territorial fort de l’association dans une région composite, propice au développement d’un sentiment d’appartenance. À travers cinq tables-rondes comme autant d’entrées thématiques, l’événement a été pensé comme un « voyage impressionniste dans l’écosystème Afev local », révélant en filigrane la force de son implantation régionale : « L’idée de cette journée, c’est de voyager à travers la région Hauts-de-France et de voyager au sein des différents dispositifs que propose l’Afev. »

Mot d’accueil : L’engagement comme levier de transformation

La première prise de parole a donné le ton : celui d’un engagement personnel devenu moteur collectif. Clotilde Giner, Présidente de l’association, est revenue sur son propre parcours, débuté par un engagement étudiant à Lille auprès d’enfants du voyage. Cette expérience fondatrice, vécue « comme un voyage pour aller dans un autre monde », l’a marquée durablement : « Le mentorat et l’engagement, de manière plus générale, sont devenus vraiment une boussole dans ma vie. » Son témoignage a illustré comment une première action bénévole peut devenir un fil rouge professionnel et citoyen. De la Hongrie à l’Angleterre en passant par l’Allemagne, elle a poursuivi son implication auprès de publics marginalisés, tout en restant fidèle à l’Afev, d’abord comme bénévole, puis administratrice et aujourd’hui Présidente. Un engagement « toujours inspiré par celui des jeunes et des équipes de terrain » qui l’inspirent et lui donnent sens : « Le sens que je donne à mon action en tant que présidente, je le tire du sens que vous, vous donnez à votre action. »

Dans la continuité de cette ouverture biographique, Eunice Mangado-Lunetta, Directrice des programmes de l’Afev, a rappelé l’ADN inchangé de l’association : croire dans le pouvoir transformateur de l’engagement des jeunes. Elle a souligné que cet engagement, loin d’avoir été affaibli par les crises récentes, a au contraire été amplifié : « On a vu se décupler l’envie d’engagement. [...] Les jeunes ont envie de s’engager. Plus que jamais. » Pour elle, l’Afev est aussi une réponse à un enjeu majeur : celui du sentiment d’impuissance politique. En participant à des actions concrètes, les jeunes retrouvent un pouvoir d’agir sur leur environnement. Avec plus de 2 000 jeunes engagés chaque année en Hauts-de-France, l’association y déploie une palette d’initiatives adaptées aux réalités locales : mentorat à distance dans les zones rurales, projets d’ancrage territorial avec Phénix, accompagnement des lycéens ou des décrocheurs avec Apprentis Solidaires. « Parfois, nos programmes viennent des territoires. Et ça, c’est possible uniquement si l’on a la confiance de nos territoires. » Elle a également salué le professionnalisme des équipes salariées, capables de mobiliser massivement la jeunesse, et les partenaires institutionnels, dont la Région Hauts-de-France.

Gwenn-Aëlle Geffroy, inspectrice académique et référente de l’Afev pour l’Académie de Lille, a conclu ce premier temps en soulignant l’importance de ces partenariats pour l’Éducation nationale. Face à un désengagement croissant des élèves, accentué par la crise sanitaire, elle voit dans l’engagement une clé éducative : « Développer l’engagement, c’est développer des compétences essentielles à la fois scolaires et non scolaires. » Elle a insisté sur les bienfaits du mentorat entre pairs, qui permet aux élèves de renouer avec l’école dans une relation de confiance : « Le mentoré se sent accompagné, épaulé, écouté par un pair qui est plus proche de lui qu’un adulte. [...] Il vient dessiner un horizon atteignable, incarné et proche. » Pour elle, les projets portés avec l’Afev permettent de créer un écosystème vertueux, associant école, familles, associations et territoires, en faveur de la réussite éducative et de l’émancipation des jeunes : « C’est une union des forces pour développer un esprit citoyen, pour lutter contre le décrochage et aussi contre la polarisation des esprits. »

Par ces regards croisés – celui d’une militante devenue Présidente, d’une cadre engagée à l’échelle nationale et d’une représentante de l’institution scolaire – s’est dessinée une vision commune : celle d’une jeunesse actrice de son avenir et d’un engagement qui transforme non seulement les individus, mais les territoires dans leur ensemble.

Deux prises de paroles particulièrement remarquées

C’est avec une émotion manifeste qu’Antoine Sillani, vice-Président du Conseil régional Hauts-de-France, s’est exprimé à l’issue des tables-rondes. Devant un hémicycle rempli de jeunes engagés, l’élu a livré un discours personnel et puissant, à la hauteur des enjeux abordés tout au long de la journée. Originaire de Maubeuge, il a partagé une conviction profonde : celle de la capacité de chaque jeune à réussir, malgré les obstacles sociaux, géographiques ou symboliques. « Il n’y a pas de fatalité », a-t-il martelé, citant plusieurs fois l’action de l’Afev comme levier d’émancipation.

Revenant sur une restitution d’enquête Afev qu’il avait entendue à Valenciennes en 2023, Sillani a souligné ce que cette expérience avait réveillé chez lui : « Vous m’avez alors raconté mon histoire. » Il a particulièrement salué le travail de l’Afev sur les freins culturels à la réussite, notamment dans des territoires comme la Sambre-Avesnois : « Vous êtes la seule association qui a mis en avant ce frein. […] Quand on vient de là, on a une conviction : c’est qu’on ne peut pas réussir. » Face à cette résignation intériorisée, il voit dans l’engagement et l’accompagnement portés par l’association une réponse directe : « Ce que vous faites, c’est dire aux jeunes qu’on peut réussir dans la vie. » Ce discours de soutien s’est doublé d’un hommage au travail de terrain : « Ce que vous faites, c’est du service, avec une particularité : c’est d’être aux côtés de notre jeunesse. » Et d’insister sur la nécessité de continuer à faire confiance aux jeunes et à ceux qui les accompagnent.

Quelques minutes plus tard, un jeune du public, Pierre, a spontanément pris la parole, confirmant par son propre parcours les mots de l’élu. Originaire de l’Artois, il a raconté avec une très grande sincérité comment l’Afev avait modifié sa trajectoire : « Au collège, on m’a mis dans des cases, on m’a laissé à l’écart. À l’Afev, on ne m’a pas mis dans des cases. On m’a vraiment aidé à réussir, dans ma vie de tous les jours. » S’adressant directement à un référent local, il a ensuite ajouté, la voix tremblante : « Yassine, tu m’as sorti de la galère. Tu m’as aidé à réussir mes projets de vie. » Ce témoignage poignant a cristallisé en quelques phrases tout l’enjeu de la journée : rendre visibles les talents invisibilisés, bousculer les destins assignés, et rappeler avec force que l’émancipation est possible. 

Dans ces deux prises de parole, l’une sous une forme institutionnelle, l’autre de manière plus intime, s’est exprimée une même volonté : croire en la jeunesse, lui ouvrir le champ des possibles, et construire avec elle un avenir plus juste.

Conclusion : pour un engagement systémique

La dernière séquence de cette rencontre régionale s’est ouverte avec une carte blanche confiée à Alexis Alamel, géographe et chercheur à Sciences Po Rennes, spécialiste du logement étudiant. Face à une salle attentive, il a proposé une lecture originale de l’action de l’Afev à travers le prisme de sa discipline, en décrivant l’association comme « un artisan du lien social », au service des territoires. Comparant la structure à une « boîte à outils du géographe », il a détaillé les échelles d’intervention de l’Afev, de la rue à la région, du palier d’immeuble à l’université, mettant en lumière la profondeur de son ancrage territorial : « La carte de l’Afev à l’échelle des Hauts-de-France est imposante. On a parlé de Dunkerque, Béthune, Amiens, l’Avesnois, Saint-Quentin… Tous les départements sont représentés. »

Pour lui, l’Afev agit comme une « boussole », un mot revenu plusieurs fois dans la journée, qui oriente les trajectoires de jeunes en quête de sens. Il a insisté sur le rôle de cette expérience d’engagement, non seulement comme tremplin éducatif ou professionnel, mais aussi comme levier de transformation personnelle : « On a eu un témoignage assez poignant sur comment l’Afev peut se révéler en tant que tremplin, non pas nécessairement professionnel, mais d’un point de vue humain, tout simplement. » À ses yeux, cette dimension humaine – faite de partage, de convivialité, de rencontres entre jeunes, entre bénévoles, partenaires institutionnels ou habitants – constitue l’un des ressorts les plus puissants de l’association. Il a aussi souligné l’effet « booster » que peut avoir l’Afev sur les territoires, notamment dans les quartiers populaires où ses actions favorisent le lien social et contribuent à la mixité.

En écho à cette vision géographique, Sandrine Martin, Directrice à l’Afev en charge de l’enseignement supérieur et de la jeunesse, a livré une conclusion engagée et sans détour. Revenant sur les freins à la mobilité sociale, elle a évoqué « le fameux ascenseur social "très années 90" » désormais « bloqué depuis dix ans », comme le souligne le dernier rapport de la Cour des comptes, devenu son « nouveau livre de chevet ». Si certaines politiques publiques ont pu permettre des parcours individuels de réussite, « pour la plupart des jeunes, non », a-t-elle tranché. Pour elle, il est urgent de passer à l’échelle, de démultiplier l’impact des projets existants : « Ce qui est possible aujourd’hui sur quelques expériences, on devrait pouvoir le rendre systémique, en alliant des politiques publiques nationales mais aussi locales. »

Elle a plaidé pour une alliance renforcée entre politiques nationales, collectivités locales et acteurs de terrain, avec comme levier principal l’engagement des jeunes : « On aimerait que ce ne soit pas 2 000 étudiants qui s’engagent dans les Hauts-de-France, mais bien plus : 4 000 ou 6 000. Vous verriez alors des évolutions très, très fortes. » Elle a aussi tenu à rappeler que les jeunes, loin d’être désengagés, manifestent une volonté d’agir, à condition qu’on leur en donne les moyens : « Faisons-leur confiance, donnons-leur un cadre et un écosystème favorable pour qu’ils puissent s’engager. »

En défendant cette vision ambitieuse, elle rejoint le constat formulé plus tôt dans la journée par plusieurs intervenants : l’engagement n’est pas seulement une réponse à des besoins sociaux, c’est un moteur d’émancipation, un facteur d’égalité et un catalyseur de citoyenneté. « On croit vraiment qu’il n’y a pas de fatalité », a-t-elle insisté. Et de conclure en exprimant un vœu : « Aller vers cette convergence d’acteurs encore plus forte, et pouvoir démultiplier l’engagement des jeunes. »

Par leur complémentarité, les interventions d’Alexis Alamel et Sandrine Martin ont esquissé une perspective claire : celle d’une jeunesse dont l’engagement, reconnu, accompagné et amplifié, peut transformer en profondeur les territoires. Un message fort, porteur d’espoir, mais aussi de responsabilité collective.

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