Parents pauvres, pauvres parents ? Un dossier à lire dans la revue L'école des parents  

L’école des parents, revue indépendante portée par la Fnepe, nous invite dans son n° 649 à travailler nos représentations sur le sujet de la pauvreté. Extrait de l’enquête d’ouverture de ce dossier : « Grandir dans la pauvreté ».

Dès les années 1960, le sociologue Pierre Bourdieu montrait comment les inégalités scolaires s’installent très tôt dans le parcours des enfants et découlent en grande partie de leur origine socio-économique. Soixante ans plus tard, une étude menée par des chercheurs en psychologie sociale de l’université de Poitiers et du CNRS vient apporter un nouvel éclairage sur les mécanismes à l’œuvre.*

Ne pas se faire remarquer

Selon les chercheurs, le niveau de langage ne suffit pas à expliquer cet inégal accès à la parole : ils avancent plutôt l’hypothèse d’une socialisation plus ou moins favorable à l’aisance orale au sein de la famille. « Dans les familles précaires, à la différence de ce qui se passe dans les familles aisées, les parents ne poussent pas leurs enfants à exprimer leurs points de vue, leurs goûts, leurs émotions, à développer leur individualité ou à se mettre en avant. Ils les incitent plutôt à ne pas se faire remarquer, à ne pas faire “leurs intéressants”. En raison des contraintes matérielles et de l’incertitude de leurs conditions de vie, ils ne leur transmettent pas l’idée qu’ils peuvent agir sur le monde mais plutôt qu’ils doivent s’adapter et suivre les règles car “dans la vie, on ne fait pas ce qu’on veut” », explique Sébastien Goudeau, maître de conférences en psychologie à l’université de Poitiers, coauteur de l’étude.

Et puis en classe, les petits élèves qui sont partis en week-end, ont pris le TGV ou visité un musée ont forcément plus de choses à raconter que ceux qui ne sont pas sortis de chez eux, faute de moyens pour financer des loisirs.

Autre élément frappant : les enfants perçoivent ceux qui parlent le plus comme étant plus sages, plus intelligents et plus sympathiques. « Il est probable que cette interprétation conduise les enfants qui parlent le moins à se percevoir eux-mêmes comme moins sages, moins intelligents et moins sympathiques. De quoi déclencher, comme nous l’apprennent de nombreux travaux en psychologie, des réactions de stress, d’anxiété et de pensées négatives qui interfèrent avec les apprentissages », avance-t-il.

 

Le poids de la honte sociale

Pour un enfant, grandir dans la pauvreté rime souvent avec humiliation. « Dans le bas de l’échelle sociale, l’habillement, la corpulence, la distance aux normes d’hygiène reflètent la pauvreté des familles et sont une cause fréquente de stigmatisation », lit-on dans Enfances de classe. Des vêtements un peu trop grands ou trop petits, froissés, troués, sentant l’humidité, des douches ou des bains pas assez fréquents, l’obésité (désormais identifiée comme un indice de pauvreté), un logement insalubre dans lequel on ne peut pas inviter les copains : des éléments plus que suffisants pour qu’un enfant pauvre se retrouve au ban du groupe de pairs, raillé, isolé dans la cour de récréation. Un rejet qui peut engendrer de la résignation et une mésestime de soi, mais aussi de la colère et de la révolte contre cette injustice. « Plusieurs études anglo-saxonnes montrent une difficulté des enfants pauvres à s’insérer parmi leurs pairs, avec une tendance à entretenir avec eux des relations conflictuelles. Du fait notamment du stress chronique qu’ils vivent au quotidien », commente la psychologue Chantal Zaouche Gaudron. Assister au désarroi des parents recevant des courriers comminatoires pour des impayés, subir des restrictions d’eau et d’électricité, vivre sous la menace d’une expulsion dont on ne sait pas exactement quand elle va intervenir crée en effet beaucoup d’angoisses chez les enfants. « Sans compter le cuisant sentiment de honte quand, à la suite d’une expulsion, par exemple, une famille se retrouve sur le trottoir avec ses sacs et ses meubles. Ces humiliations-là marquent durablement le psychisme des enfants », constate Manuel Domergue, de la Fondation Abbé Pierre.

 

Une disponibilité psychique moindre

La pauvreté affecte également les inter­actions parents-enfants. « Les parents qui subissent un stress permanent du fait de conditions de vie relevant plutôt de la survie ont une disponibilité psychique moindre. Ils témoignent de moins de réactivité à leur égard, communiquent moins avec eux, les incitent moins à raconter leur journée, les encouragent moins », explique Chantal Zaouche Gaudron.

 

Fnepe

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Ressources complémentaires : L’école des parents a aussi publié, en avril 2024, un dossier consacré à l’orientation scolaire

* La revue L’école des parents est coéditée par la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs et érès. La Fnepe rassemble 40 Écoles des parents et des éducateurs et actions labellisées EPE et accompagne les parents, les familles et les jeunes au quotidien dans 57 départements.

Journée du Refus de l'Echec Scolaire

L'édition 2024 de la Journée du Refus de l'Echec Scolaire se tiendra à Paris mercredi 25 septembre à l'auditorium du journal Le Monde sous le thème « La parentalité à l'épreuve des inégalités ». Une après-midi d’échanges qui explorera ces enjeux cruciaux et proposera des pistes de réflexion et d'action.

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