Nedjib Sidi Moussa : Centralité de la question algérienne en France

Afev Lecture au Faubourg

Jeudi 13 avril au matin se tenait la deuxième séquence de 2023 de l’initiative Lecture au Faubourg, coorganisée par l’Afev et le cabinet Temps Commun. Après Laetitia Vitaud en février, c’est cette fois le chercheur en science politique Nedjib Sidi Moussa qu’a rencontré ce collectif, autour de son dernier essai, Histoire algérienne de la France (PUF, 2022).

Indiquant d’entrée que certains participants avaient trouvé cet ouvrage « un peu difficile, mais particulièrement intéressant », l’animateur Philippe Campinchi (co-fondateur de Temps Commun) a invité, après un premier tour de table, Nedjib Sidi Moussa à fournir quelques éléments de son parcours personnel avant de présenter plus précisément le produit de ses recherches sur l’histoire et la mémoire mutuelle des relations entre France et Algérie

La centralité de la question algérienne

Né à Valenciennes en 1982, ce docteur en science politique, enseignant dans un collège classé REP, publie, depuis la fin de sa thèse - qui portait sur « des trajectoires de dirigeants indépendantistes du courant de Messali Hadj, pionnier du nationalisme algérien » -, des ouvrages autour de « la centralité refoulée de l’histoire algérienne en France, de l’indépendance à aujourd’hui » et, en parallèle, sur « la cristallisation des débats, des passions, autour de la question musulmane » (La fabrique du musulman, Libertalia, 2017). Ce qui a suscité de vives réactions, notamment « dans les milieux universitaires, militants et médiatiques... »

Pour lui, « en France, quand on parle de l’Islam, ou plus largement des questions qui divisent et clivent notre société, on en revient toujours, d’une manière ou d’une autre, de manière implicite ou explicite, à la question algérienne – au rapport de la société française à la société algérienne, de l’Etat français à l’Etat algérien. » Pour interroger cet état de fait, il a échangé avec de nombreux spécialistes de la question, nourri qu’il était déjà, à l’origine, « de toute une littérature du courant anticolonialiste au sens large. » Et en veillant toujours « à regarder des deux côtés de la barricade. » Ses réflexions ont été également nourries par les ouvrages Mâle décolonisation de Todd Shepard, Un temps pour haïr de Marc Weitzmann, et (a contrario) L’islamisme en France de François Burgat, sur lesquels il est revenu.

Représentations et identités

Sur cette base lui est venue l’idée d’écrire « une histoire des représentations – y compris nauséabondes -, en France, du Musulman, du Berbère et de l’Arabe des années 30 à 2001. » Des représentations qui avaient toutes pour point commun de reposer sur une forme d’obsession, de fascination, voire sur des fantasmesy compris sexuels »). Et ce, tout particulièrement après 1962, autour de la figure du « travailleur algérien en France », avec en sus, à l’extrême-droite, un passage « du désir de gagner la bataille de l’Algérie française à celui de gagner la bataille contre la France algérienne. »

Il est ensuite revenu sur la structuration des « sept chapitres qui composent le livre », conçus comme « des études de cas », dans lesquels il a essayé « de confronter des sources contradictoires » [extrême-droite vs extrême-gauche], qui ont en commun de placer « l’Algérie, les Algériens, de manière explicite, forte et incontournable », au centre des enjeux, dans une démarche identitaire. Il a alors été également question des conséquences, des deux côtés de la Méditerranée, de la guerre civile algérienne des années 90 (et des attentats du GIA en 1995 à Paris) – clivage « manichéen » entre « éradicateurs » et « réconciliateurs/dialoguistes » en Algérie comme en France -, et des évolutions de la pensée comme des confrontations à ce sujet dans les dernières années…

Richesse des échanges

Dans la longue séance de questions/réponses qui a suivi, les participants à cette visioconférence ont abordé, avec Nedjib Sidi Moussa, une très grande variété de sujets. Parmi ceux-ci, par exemple, « la figure des femmes algériennes », une forme « d’orientalisme érotique » inscrite dans les fantasmes et la division entre « la femme arabe à protéger (souvent de son père, de son frère, de son mari) » et « l’homme arabe considéré comme un danger potentiel pour la société, à tous points de vue. » 

Autre thématique : le décalage entre l’intégration "naturelle" par les jeunes d’un arrière-plan historique sur l’antisémitisme ou l’esclavage sub-saharien, mais d’une stricte contemporanéité quand il est question des Algériens ou des Arabes. Il a également été question, par exemple, de la chape de plomb mémorielle et des secrets de famille, de la mémoire des anciens appelés français de la Guerre d’Algérie, ou - de manière plus fertile encore - des interactions entre relations franco-algériennes et construction européenne.


François Perrin
 

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