L’Afev, avec le soutien de l’association marseillaise Citizen Campus, recevait en ses locaux parisiens, le 5 décembre dernier – Journée mondiale du bénévolat et du volontariat -, un groupe de jeunes engagés venus de France, de Belgique et d’Espagne. L’occasion de réfléchir ensemble à l’engagement (ses motivations, ses racines, ses formes, sa signification, son avenir) tout en partageant connaissances et pratiques, avec la volonté de renforcer la consistance comme la réalité d’un engagement envisagé à l’échelle européenne.
Le 5 décembre dernier à l’Afev, un groupe de jeunes engagés européens, venus de France, de Belgique et d’Espagne, avaient été réunis pour une journée d’échanges, dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne et de la Journée mondiale du bénévolat et du volontariat. A la manœuvre, Yasmina Lamraoui, salariée de l’Afev et membre du CA du réseau marseillais Citizen Campus – avec l’appui de Laura Soullier et Neylan Topkaya, chargées de projet au sein de cette dernière association, et de Célia Hernandez, Chargée de mobilisation digitale et de l’animation de la communauté à l’Afev.
Un accueil soigné
Reçus à Paris dès la veille au soir, cette petite dizaine de jeunes avaient eu l’occasion de partager un premier temps convivial, d’abord en présence de la Présidente de l’Afev Clotilde Giner puis entre eux, avant d’attaquer la journée à proprement parler. Venus de Bruxelles (pour la DT de l’Afev Bruxelles Julie Pace et les bénévoles Fadwa et Dorcas), de Barcelone (les volontaires en Service Civique Carlyne et Tao), de Perpignan (les anciennes engagées Angèle et Eléonore), de Lorient (l’ancienne ambassadrice de l’Afev Lilou) ou de Marseille (Laura, Neylan Sofiane pour Citizen Campus), ils ont pu dans un premier temps – après un tour de table et un icebreaker – écouter ce qu’avaient à leur dire Christophe Paris, Directeur général de l’Afev et un duo lié à la SNCF : Laetitia Gourbeille, Déléguée générale de la Fondation SNCF et Sylvie Humbert, Directrice Marketing et Distribution internationale pour la Direction Europe de SNCF Voyageurs.
Le premier a insisté sur l’importance de « retravailler la question de l’engagement, le sens de l’engagement », et la meilleure façon de « le valoriser, l’améliorer » - y compris en remettant en place « du plaidoyer, du lobbying » sur le sujet. Et rappeler, ainsi, que « les jeunes s’engagent » et que, « quand ils le font, c’est utile » - que ce soit, concernant l’Afev, « en France, à Barcelone, à Bruxelles et peut-être prochainement à Bologne. » Laetitia Gourbeille, quant à elle, a présenté sa fondation – « active depuis 27 ans » -, qui vise à apporter « un soutien financier, un soutien de projet et un soutien moral, aussi » à des structures associatives « sur le long terme. » Ceci à la fois « afin de permettre aux jeunes de construire leur chemin de vie », et pour « construire les engagements de la jeunesse, dans le cadre de la transition écologique. »
Définir l’engagement
Pour la suite, Julie Pace avait préparé un temps d’expression autour de l’engagement, au moyen d’un photo langage. Celui-ci a été particulièrement riche, dans la mesure où chacun, à tour de rôle, avait l’occasion de choisir – parmi toutes celles proposées – une image représentant selon lui ou elle l’engagement, et une autre symbolisant au contraire la négation de celui-ci. Ce qui a permis d’aborder un grand nombre de thématiques.
Par exemple, Sofiane a rappelé qu’il existait « différentes formes d’engagement », et qu’il était toujours possible de s’engager, sous des formes très variées, « dans nos vies de tous les jours. » D’autant qu’il a pu le constater : « Je vois de plus en plus de jeunes s’engager. L’engagement touche de plus en plus de jeunes, et je trouve ça beau. » Reste qu’il faudrait que « les jeunes soient davantage soudés, pour faire entendre, ensemble, leurs voix. » Ayant découvert le milieu associatif à l’occasion de son parcours universitaire, « avec du bénévolat de l’Afev, deux heures par semaine, en accompagnant un jeune à Marseille », Sofiane est désormais engagé au sein du collectif de jeunes Citizen Campus depuis 2021. Pour l’avenir, il souhaite « davantage encore [se] consacrer à cela », pour contribuer à susciter « un élan de solidarité, un renouveau de celle-ci – notamment en donnant aussi la parole à des gens issus des minorités. »
Au moment de choisir ses images, Lilou – forte de son expérience en tant que volontaire en Service Civique à La Rochelle - a lancé un débat autour de l’importance de pérenniser l’engagement, notamment en fidélisant les engagés bénévoles. Un exercice toujours compliqué à mettre en œuvre, qui complique bien souvent le travail de ceux qui les accompagnent au quotidien. Originaire de Charente-Maritime, Lilou a initié un processus de réorientation universitaire au moment de la crise sanitaire, tout en intégrant une association de street medics à La Rochelle.
L’année suivante, elle effectue un Service Civique sur le pôle local de l’Afev, en tant que mentor et autour du projet des Freegan boxes (collecte et distribution de produits alimentaires et d’hygiène gratuits pour les étudiants). Elle continue en tant que mentor à Poitiers, puis devient ambassadrice, participe sous cette étiquette à une rencontre européenne en Bulgarie … et rejoint cette fois Lorient, pour une Licence en Sciences de la transition écologique et sociétale. Sur place, elle recommence, en lien avec l’Université, à « donner chaque semaine deux heures de [son] temps, au sein d’une maison de quartier, pour aider des collégiens et des lycéens à faire leurs devoirs. »
Au fil de cet échange matinal, il a également été question, pêle-mêle, de la façon parfois biaisée dont les médias parlent de la jeunesse (véhiculant une image dégradée de celle-ci), de l’utilité (ou non) de la manifestation ou des réseaux sociaux comme modes d’expression, des différentes formes de communautés d’engagement (y compris le scoutisme), de la nuance entre simple adhésion et engagement associatif, des différences internationales en termes de valorisation universitaire de l’engagement, du continuum de l’engagement tout au long de la vie, du défraiement des bénévoles et – plus généralement – du financement des associations comme des engagés…
Sur ce dernier point, parce qu’elles avaient assisté à l’intégralité de cet atelier, Laetitia Gourbeille a expliqué le rôle des fondations dans ce paysage, avec l’ambition de répondre à la question : « Comment, ensemble, y compris au niveau européen, construire quelque chose de plus grand que nous, pour le bien commun ? » Sylvie Humbert, quant à elle, a rappelé qu’il n’y a « pas que les individus qui donnent de l’argent aux associations - mais aussi les entreprises (…) Or c’est aussi grâce à ces dons que vous parvenez à réaliser plein de choses. On ne ferait pas l’un sans l’autre. »
S’engager aujourd’hui
Après le déjeuner – lui aussi partagé -, Célia Hernandez a animé un world café sur l’engagement, formant trois petits groupes qui ont tourné d’une table à l’autre autour de trois thématiques : "Quelles sont les formes d’engagement possibles ?" ; "Sur quelles thématiques s’engage-t- on ?" ; "Pourquoi s’engager ?". Sur la première question, en fin d’atelier, Carlyne a notamment évoqué, lors de la restitution, les réseaux sociaux, les nouveaux médias, la nécessaire « cohérence entre notre quotidien et les différentes formes d’engagement », le boycott, la valorisation de lieux dédiés à l’engagement, les notions d’accompagnement, d’engagement informel ou encore celle de loyauté. En outre, à l’entendre, « si les formes d’engagement ont changé, le fond… pas forcément. »
Toujours très engagée (notamment du fait de son cadre familial) dans le monde associatif, d’origine espagnole mais ayant grandi en région lyonnaise, Carlyne a toujours eu « une vraie volonté de travailler avec le milieu de l’éducation populaire, pour une éducation qui soit pour tous les jeunes, accessible à tous et à toutes pour toutes les tranches d’âge. » Curieuse de découvrir « d’autres perspectives, de travailler avec des jeunes venant de cultures différentes, dans des cadres différents », elle est ensuite partie travailler en Service Civique pour l’Afev à Barcelone – où elle a découvert des réalités très éloignées de ce qu’elle avait pu connaître en France, lors de ses expériences passées.
Des restitutions ont ensuite eu lieu sur les deux autres points : les motivations puis les terrains d’engagement. Ce qui a notamment donné l’occasion à Fadwa d’expliquer en quoi il est parfois difficile de « voir en quoi nous sommes les héritiers des luttes passées, ce qui crée une sorte de cassure », tandis que « la confiance en les institutions s’émousse. » Ainsi, alors même « qu’on a envie de croire en l’avenir, on baigne dans un climat très négatif, avec un manque de confiance généralisé. » Il y a ainsi « une tension entre le monde auquel on aspire et le monde dans lequel on vit actuellement. »
Se définissant comme « plutôt introvertie », Fadwa est Bruxelloise, et si elle a « personnellement toujours voulu [s]’engager », elle n’avait connu jusqu’ici que des modèles d’engagement très collectifs, avec lesquels elle n’était pas particulièrement à l’aise. Or, quand elle se met à la recherche d’un stage, sa cousine Fatima, salariée de l’Afev à Dunkerque, lui apprend qu’un pôle va ouvrir à Bruxelles. Intéressée, elle s’inscrit dans le programme-pilote de l’association – en tant que mentor, étudiante à l’Université libre de Bruxelles -, puis en devient stagiaire, accompagnant ainsi, activement, l’ouverture de ce pôle outre-Quiévrain.
Réfléchir ensemble
L’après-midi – et donc la journée - s’est ensuite achevée avec un "Kfé cité" animé cette fois par Neylan Topkaya, de Citizen Campus. Encore une fois par petits groupes, les jeunes engagés présents ont tiré au sort une identité – mentionnant en particulier un pays européen d’origine -, puis avaient pour tâche d’imaginer une action en lien avec une thématique donnée (enfance/éducation, mixité sociale/genre, problématiques de jeunesse), prenant en compte les réalités politiques, règlementaires et sociétales des différents pays proposés. Tout ceci présentait le triple intérêt de faire l’état des lieux des situations propres à une multitude d’états-membres de l’Union européenne, d’envisager le meilleur moyen d’agir et de communiquer, et enfin de permettre aux participants de mettre sur pied, de A à Z, un projet dédié.
A l’issue de cette journée, nous avons demandé à certains de ces participants de revenir sur cette expérience très forte en enseignements.
Ainsi, Sofiane confie avoir « adoré la journée. J’ai trouvé que le fait qu’on soit tous d’horizons différents, avec des visions très variées, a vraiment nourri les échanges. Ça a vraiment été riche en informations, et en idées. Et puis, on l’a vu, ça ne se passe pas toujours dans les pays voisins comme chez nous – il y a d’autres lois, d’autres procédés. Et franchement, c’est ça aussi qui était intéressant. »
Pour Fadwa, « cette journée, c’était un gros challenge pour moi, parce que j’ai beaucoup de mal à aller vers les autres, à m’inclure dans un groupe. C’était donc très intimidant, mais je l’ai bien vécu, et je trouve que c’était très intéressant pour Dorcas et moi de voir ce qu’est un réel engagement, sur une dynamique de groupe. »
Enfin, de son côté, Carlyne estime que « cette journée a bien reposé les bases, nous a aidé à réfléchir sur "Pourquoi on était dans l’associatif", en rappelant bien que c’était aussi une lutte politique, un engagement politique. Parfois, on a l’impression que tout s’arrête à nos projets, à court terme, alors qu’en fait non : on fait partie d’un ensemble beaucoup plus grand. D’un ensemble qu’on peut aussi envisager au niveau européen. Tout ceci dépasse, en effet, largement l’Hexagone. »
François Perrin
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