Tribune. Le mentorat est une chaîne humaine invisible à l’œil nu, qui relie des milliers de personnes dans le monde. Le « mois international du mentorat », qui se déroule chaque année en janvier en Allemagne, en Espagne ou encore aux Etats-Unis, a pour but de le rendre plus visible et d’en célébrer les bienfaits.
Dans notre société française fragmentée, particulièrement discriminante en termes d’éducation, environ 44 000 personnes se rencontrent régulièrement, échangent en présentiel ou à distance, cheminent ensemble sur un temps parfois long – une à plusieurs années.
22 000 mentors de tous âges, du lycée à la retraite, accompagnent autant d’enfants et d’adolescents qui reprennent confiance en eux, en l’avenir, et retrouvent le goût d’apprendre. Autant d’étudiants et de jeunes diplômés qui comprennent mieux l’orientation et les métiers qui s’offrent à eux, en bénéficiant d’un réseau qui leur faisait défaut pour trouver un premier emploi. Autant de jeunes disposant désormais de « rôles modèles » à leurs côtés et dont le champ des possibles s’élargit, parfois de façon spectaculaire.
Des bénéfices également pour les mentors
Les bénéfices du mentorat ne concernent pas seulement les mentorés. Les mentors sont unanimes : cet engagement les a, eux aussi, transformés. Certains expliquent la façon dont leur engagement les a menés vers une prise de conscience des inégalités, tout en leur donnant le sentiment d’être utiles. D’autres évoquent la satisfaction de rendre ce dont ils ont bénéficié ou de faire don de ce qui leur a manqué. D’autres encore affirment que le mentorat a un impact sur leur façon de recruter au sein de leur entreprise.
Les mentors développent aussi des compétences psychosociales – les fameuses « soft skills » – spécifiques à cette relation interpersonnelle forte : communication, créativité, organisation, capacité à transmettre, empathie… Ces compétences sont précieuses. Pour les plus jeunes, elles sont complémentaires de leur formation académique. C’est aussi dans ces contextes d’engagement que le jeune adulte apprend à se connaître. Il n’est pas rare d’entendre les mentors étudiants expliquer que leur engagement les a fait évoluer dans leur propre parcours d’orientation. Pour les plus expérimentés, le mentorat permet de découvrir ou redécouvrir avec joie des talents. Ces compétences sont de plus en plus valorisées par les recruteurs, puis dans l’évolution des individus au cours de la vie active.
Comment permettre que ces acquis soient davantage pris en compte par l’éducation nationale et par le ministère de l’enseignement supérieur ? Certes, un long chemin a été parcouru ces dernières années : l’engagement des lycéens est maintenant valorisable dans Parcoursup, et depuis la loi égalité et citoyenneté, les universités ont le devoir de reconnaître les compétences extracurriculaires développées par les étudiants.
L’impact social du mentorat est d’ores et déjà puissant. Mais dans un pays marqué par la fragilité d’une partie de sa jeunesse et les inégalités en termes d’accès au diplôme et à l’emploi – particulièrement dans les banlieues et les territoires ruraux – il doit devenir encore plus structurant. Au regard des besoins sociaux, du désir d’engagement manifeste chez les Français et de l’urgence à recréer du lien social, il nous faut maintenant aller plus loin. La généralisation du mentorat doit devenir un pilier d’une société de l’engagement.
En cette journée internationale du « Thank your mentor », les huit associations membres du Collectif mentorat, qui travaillent déjà de façon coordonnée, appellent à ce que le mentorat devienne une priorité des politiques publiques – sociale, éducative et d’insertion professionnelle – et soit mieux reconnu en termes de compétences acquises. Ainsi pourrons-nous répondre de façon structurelle aux besoins sociaux et mentorer 200 000 jeunes sur l’ensemble du territoire national.
Premiers signataires : Salomé Berlioux, Présidente de Chemins d’avenirs ; Yazid Chir, Président de l’association NQT – Nos Quartiers ont des Talents ; Ericka Cogne, Directrice générale de l’Institut Télémaque ; Laure Dethomas, Directrice générale de Proxité ; Aurélie Goin et Matthieu Lantier, Présidente et directeur des opérations de l’Entraide scolaire amicale ; Christophe Paris et Eunice Mangado-Lunetta, Directeur général et directrice des programmes de l'Afev ; Julie Tartarin, Directrice de Socrate ; Boris Walbaum et Benjamin Blavier, Coprésidents d’Article1.Partager cet article