REET : 2èmes Rencontres de l’expérience étudiante et des territoires

REET Afev

Au cours de l’après-midi du 16 mai dernier, à l’Université de Strasbourg et dans le prolongement des réflexions amorcées lors du séminaire du réseau des collectivités locales pour l’ESRI (organisé par l’AVUF et les associations du bloc local), se tenait la deuxième édition des Rencontres Expérience étudiante & Territoires (REET) de l’Afev, sous le titre « Les étudiants engagés, accélérateurs de la transformation territoriale ? » Après une brève introduction, deux tables-rondes ont permis à toute une série d’acteurs de l’engagement étudiant d’aborder des sujets tels la lutte contre les inégalités éducatives, contre le décrochage citoyen ou la transformation des modes d’habiter.

En introduction de ce temps animé par Sandrine Martin, Directrice de l’Enseignement supérieur et de la Jeunesse à l’Afev, c’est Guillaume Libsig, adjoint en charge de la vie associative, de la politique événementielle et de la politique jeunesse pour la Ville de Strasbourg et administrateur de l’ANACEJ , qui a pris la parole. Il a ainsi rappelé la « tradition universitaire très forte et très ancienne » de sa ville, avec « un campus complètement intégré à la ville » et une population étudiante représentant « 5 à 10% de la population totale. » Les questions principales à ce sujet sont donc les suivantes : « Comment "faire ville" ensemble, avec cette population qui est souvent de passage, et comment faire au mieux pour répondre aux besoins et aux attentes des étudiants, tout en leur demandant également de participer un peu aux dynamiques locales. »

Sur cette base, il a constaté que localement, « le lien à l’Afev est très riche, avec une section locale très active, qui est complètement intégrée à l’ensemble de nos dialogues institutionnels et sur le terrain » : multiplication des « implantations locales pour faire de plus en plus "d’aller vers" », développement des Kaps et de « tout ce qui est en lien avec la promotion immobilière »… Prenant la parole après lui, Sandrine Martin a remercié les partenaires et indiqué pourquoi son association organisait des temps comme celui-ci : « Parce que pour nous, l’expérience étudiante constitue un moment très privilégié dans le parcours des étudiants, et parce que l’Afev est issue de la politique de la ville. Ainsi, pour nous, le lien entre le territoire et l’engagement des étudiants est essentiel. » D’où le souhait de « réunir un maximum de structures qui mobilisent les étudiants et ont un lien avec les territoires », et de donner l’occasion à tous « d’échanger au maximum, aussi bien dans la salle qu’avec les gens qui nous suivent en visio. »

Engagement, égalité et citoyenneté

S’est alors enclenchée la première table-ronde, intitulée « Lutter contre les inégalités éducatives et le décrochage citoyen en développant l’engagement étudiant », qui réunissait Guillaume Libsig, la vice-Présidente "Vie universitaire" de l’Université de Strasbourg (UNISTRA) Angéline Okombi, le Responsable "Plaidoyer et communication" d’Animafac Corentin Larmoire Roussel et Fanny Sarron, Déléguée territoriale de l’Afev Strasbourg . Cette dernière est revenue brièvement sur l’histoire et le développement de son association à Strasbourg, « où elle est implantée depuis 2016 », et sur les spécificités de ce territoire. A retenir en particulier, le fait que « l’arrivée de l’Afev à Strasbourg s’est faite sur une volonté double de l’Université et de la ville, qui avaient une envie commune que leurs étudiants s’engagent » et que « parfois, les dispositifs étatiques particuliers mis en place sur les QPV ne suffisent pas ; il faut réussir à faire un pas de côté. Or c’est ce que va proposer un étudiant engagé et bénévole. »

Elle a ensuite insisté, à ce titre, sur le double intérêt de valoriser aussi bien la dimension bénévole de l’action que la relation entre pairs, avant de déclarer : « Si on a dix étudiants qui interviennent sur un quartier de 20 000 habitants, ce n’est pas la même chose que si on en a 100, 200, 300, 600… Les bénévoles sont des gouttes d’eau qui forment l’océan, puis ce sont nos techniques de mise en place qui permettent ensuite de faire de la transformation. » Angéline Okombi, de son côté, a rappelé à quel point la notion d’engagement était vaste : « On peut être bénévole d’une association, on peut être réserviste ; il peut y avoir un engagement citoyen, un engagement plus académique. L’engagement est un terme très vaste, qui englobe beaucoup de choses. » Elle a alors brossé le portrait de la myriade d’associations actives sur son université, œuvrant en particulier à la « connexion étudiante », et a présenté le projet Noria, « spécifique à l’Université de Strasbourg », qui constitue, via la visite d’ambassadeurs étudiants dans des lycées, « une nouvelle approche de l’orientation post-bac, en permettant de ne pas penser qu’aux étudiants actuels, mais aussi aux étudiants futurs. »

Sur le sujet particulier de l’innovation sociale, Angéline Okombi a enfin insisté sur le fait que « l’étudiant engagé, non seulement arrive à agir pour les étudiants et pour la jeunesse, mais arrive également, par les idées nouvelles qu’il peut apporter, à agir pour nos établissements, pour les différents acteurs publics. » Ce qui lui permet, « par toutes ses actions, qu’elles soient sociales, académiques, d’accompagnement, de soutien, de toucher concrètement toute la communauté. » Sandrine Martin a alors donné la parole à Corentin Larmoire Roussel, « pour Animafac, autour de la question du service civique étudiant et d’une formidable opportunité qui n’est pas assez saisie : la césure. » Pour lui, il est évident que « cette possibilité de s’engager, sur une période personnelle, avec une indemnité, peut constituer une première étape efficace » dans un parcours d’engagement à plus long terme, et permet « à de nombreux étudiants de voir le monde un peu différemment. »

En effet, le service civique leur offre « la possibilité de rencontrer d’autres personnes, d’expérimenter un peu le monde extérieur et de se sensibiliser avec une réalité différente de celle qu’ils connaissent sur les bancs de la fac. » Ainsi, « depuis bientôt quinze ans, on se rend compte que les personnes qui en ont fait l’expérience sont beaucoup plus engagées dans la démocratie - aussi bien locale que nationale ou européenne -, et s’intéressent beaucoup plus fortement que les autres à la vie politique. » Par ailleurs, la césure est désormais bien plus valorisée qu’autrefois, y compris par les entreprises, comme « une opportunité de découvrir autre chose. » Dernier intervenant de cette table-ronde, enfin, Guillaume Libsig a livré sa vision d’élu local sur « ce que peuvent représenter les étudiants engagés sur le territoire », et sur la façon « dont la collectivité et les élus valorisent cet aspect-là. » Il a alors rappelé que même si sa ville générait beaucoup de tourisme, « 26% de sa population vit sous le seuil de pauvreté – soit le même niveau d’inégalités qu’une ville comme Marseille. »

Ce fait, la collectivité « a choisi de le mettre de plus en plus en lumière, afin de pouvoir y répondre. » D’où l’importance de renforcer sans cesse « le dialogue avec les associations étudiantes » et « de créer de la coopération, de la coordination » pour éviter, dans un objectif commun de lutte contre la précarité (y compris étudiante), de laisser perdurer « des situations de confrontation, de compétition entre acteurs associatifs. » A ce titre, « un lien concret est désormais porté par le service ESRI », avec en sus « un dispositif historique qui s’appelle Strasbourg aime ses étudiants , créé il y a quelques années », qui se présente aujourd’hui comme « une plateforme de coopération et de coordination. » À la suite de ces prises de parole, les échanges avec la salle ont été très nourris, sur l’ensemble des thématiques abordées par ces premiers intervenants.

Présence étudiante et transformation urbaine

Dans un deuxième temps, pour la seconde table-ronde animée par Jérôme Sturla, Directeur du développement urbain à l’Afev, il a plutôt été question de l’idée de « transformer les modes d’habiter en développant l’engagement étudiant » - soit d’interroger « les impacts urbains de la présence d’étudiants sur un territoire. » Sur ce thème étaient présents Thévy Lok, Coordinatrice/facilitatrice du tiers-lieu messin de l’Afev -  la Dragonne  -, Maxime Larroumets, animateur de réseau Ile-de-France du Réseau étudiant pour une société écologique et solidaire (RESES) et Yoann Sportouch, fondateur et Directeur de l’agence LDV Studio Urbain et rédacteur en chef de Lumières de la Ville. Et c’est Thévy Lok qui a ouvert la discussion (avec un peu plus tard une intervention de Virginie Hugault, Déléguée régionale Grand-Est de l’Afev) en braquant les projecteurs sur le quartier prioritaire de La Patrotte, au nord de Metz, où est implantée La Dragonne. Un quartier prioritaire « un peu isolé, et qui connaît d’importantes difficultés », avec en outre une particularité : « Il concentre beaucoup de foyers d’hébergements d’urgence et d’habitats intercalaires pour personnes soit en demande d’asile soit réfugiées. » L’Afev s’y est donc implantée en 2012, d’abord via le mentorat, des Kaps, puis des volontaires « qui interviennent dans une école maternelle où 75% des enfants viennent de foyers d’hébergement et 86% sont allophones. »

En 2019, elle y a même ouvert La Dragonne, un « très grand local situé au pied des tours d’immeubles et juste à côté des écoles où l’on intervient », qu’elle a décidé d’ouvrir pleinement au public : événements, ateliers, activités… Ainsi, aujourd’hui, « l’Afev est vraiment devenue une actrice du quartier », à part entière, organisée autour « d’un lieu de ralliement, d’un lieu de mixité sociale où se rencontrent les enfants, les étudiants et les familles. » D’autant qu’alors que 70% des adultes de la Patrotte n’ont pas le bac, pour eux, « pouvoir disposer, à proximité immédiate et au quotidien, d’un lieu occupé par trente étudiants crée clairement une ouverture des possibles. » À la suite de cette intervention particulièrement enthousiaste, Maxime Larroumets est quant à lui revenu sur les actions très concrètes de son réseau de plus de 200 associations étudiantes, tournées vers « les projets écologiques et humanitaires » - avec, en sus, le désir de parvenir au chiffre de « 100% de campus durables et engagés. »

Pour ce faire, le RESES poursuit trois missions principales : « Essayer de mettre en réseau les associations membres (…), outiller les étudiants [notamment via des formations disponibles gratuitement] (…) et lancer beaucoup de plaidoyers, faire du lobbying pour tenter de faire bouger les lignes, changer les lois. » Parmi d’autres actions, il a en outre évoqué l’organisation des « semaines étudiantes de l’écologie et de la solidarité » (avec une remise de trophées et un accompagnement y compris financier) et même du « printemps de la transition écologique » de l’Université Paris-Cité , dont l’objectif est avant tout « de multiplier des actions inscrites dans le temps, pérennisées. » Dernier intervenant, enfin : Yoann Sportouch, qui était venu avec deux casquettes. D’abord, celle de rédacteur en chef « d’un support numérique qui est ressource sur la question de la Ville » (Lumières de la Ville), puis celle de Directeur « d’une agence qui intervient sur les questions d’aménagement urbain » (LDV Studio Urbain).

Plus précisément, il a présenté cette dernière structure comme une « agence de prospective urbaine spécialisée sur la programmation de l’usage », qui travaille « à la fois avec les collectivités, les opérateurs, les bailleurs sociaux et les aménageurs. » Il a par ailleurs déclaré que « s’il y a aujourd’hui quelque chose que je regrette, c’est que dés lors qu’un nouveau projet urbain se développe, l’ensemble des jeunes (étudiants compris) y est assez peu associé. Et ça, c’est terrible. » Illustrant sa réflexion d’exemples concrets (par exemple le campus d’HEC à Jouy-en- Josas oule site de Paris-Saclay), il a milité en faveur de « l’urbanisme des besoins, de l’urbanisme du care – une forme d’urbanisme totalement d’actualité, où il s’agit de répondre aux besoins d’aujourd’hui. » Un concept particulièrement parlant aussi quand il est question d’un public étudiant, soit aujourd’hui « un public vulnérable, qu’il faut accompagner tant sur la question financière que sur celle de l’isolement, du manque de liens... »

Pour lui, « jusqu’à présent, on a beaucoup réfléchi à la manière dont on peut générer de la créativité dans les villes grâce aux étudiants. Demain, il faudra que l’on réfléchisse en plus à la meilleure manière de répondre réellement aux besoins des étudiants. » Ce qui n’est pas, à ses yeux, suffisamment pris en compte actuellement. Ces propos ont ensuite donné lieu à une nouvelle séance de questions/réponses particulièrement riche, jusqu’à la clôture des travaux.


François Perrin

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