Mercredi 17 novembre dernier marquait le premier de quatre jours d’inauguration du tiers-lieu éducatif La Dragonne, installé au cœur du quartier de La Patrotte à Metz, en lieu et place de l’annexe abandonnée d’un centre social. Porté par l’Afev, ce projet, construit sur un temps long et désormais ouvert depuis deux ans, a associé à son consortium de gestion l’association NQT et le CRIBIJ, et fédéré les efforts collectifs d’une multitude d’acteurs… tous présents ce matin-là autour des différents intervenants ayant pris tour à tour la parole au micro.
S’il ne fallait retenir qu’une chose de ce premier temps d’une semaine d’inauguration, mercredi 17 au matin dans le quartier de La Patrotte, ce serait l’affluence impressionnante d’officiels, acteurs et bénéficiaires locaux qui se concentraient, à l’heureuse surprise des organisateurs, en ce nouveau lieu d’échanges et d’action. Intitulé La Dragonne, d’après le résultat d’un vote soumis aux habitants, cet espace ne se contente pas d’adresser un clin d’œil au Graoully, l’animal mythique associé à la ville de Metz. Son nom fait ainsi également référence au « petit objet qui permet de ne pas faire tomber un objet, et de faire le lien » : une dragonne, donc, pour n’abandonner personne et susciter de nouvelles interactions au pied des coursives alentours.
Un consensus opérant
« Nous sommes très émus », a ainsi déclaré Camille Erbstein, Déléguée territoriale de l’Afev Metz, avant de passer la parole aux différents intervenants. Parmi ceux-ci, le Directeur adjoint de l’association, Tanguy Tollet, qui a confirmé que « l’équipe était très touchée par ce qui se passe aujourd’hui », rappelant que si l’Afev existe depuis trente ans « sur le pari qu’une jeunesse existe, qui a soif d’engagement », il est toujours important pour elle « de rappeler que l’on ne peut rien faire seul. »
C’est le 1er février 2012 que se tenait la première réunion entre cette association et la ville de Metz, « pour parler de notre implantation sur ce territoire. » Il aura donc fallu, selon lui, « 9 ans, 9 mois et 15 jours pour construire un projet de lutte contre les inégalités, structurant, sur une ville ; pour s’inscrire sur un territoire et y tisser des liens partenariaux forts, afin d’aboutir à l’inauguration d’un lieu comme La Dragonne. » Il a qualifié ce tiers-lieu éducatif de « symbole de notre capacité commune à innover, à penser les choses un peu différemment pour répondre aux nouveaux enjeux sociétaux (…), à rendre concrète la conviction que l’ensemble de nos actions, mises bout à bout, constituent un vrai outil de lutte contre les inégalités. »
Pour autant, « tout ceci n’est qu’un début. » A son tour, le Délégué général Grand-Est de l’association Nos quartiers ont du talent (NQT), Olivier Perreaut, a rappelé la genèse de sa rencontre avec l’Afev en 2018, et la conviction dès cet instant « que nous étions complémentaires, au point d’avoir conclu cette année un partenariat national » entre les deux structures. Concernant ce projet à proprement parler, « cela correspondait exactement à ce dont nous avions alors envie : être présents dans le cœur de Metz, travailler avec les autres et proposer un lieu ouvert. »
Camille Erbstein a ensuite remercié les nombreux autres partenaires ayant permis la réalisation de ce tiers-lieu éducatif : la Ville de Metz (pour la mise à disposition des locaux) ; l’Agence nationale de cohésion des territoires (pour une subvention de trois ans) ; la Région Grand-Est et le département de Moselle ; Metz mécènes solidaires (représentée par sa Déléguée générale Aurélie Reder, qui a insisté sur son goût pour « les écosystèmes résilients au niveau local »), la Fondation Batigère et demathieu bard initiatives.
Concernant les acteurs territoriaux, le maire de Metz François Grosdidier, par ailleurs Président de l’Eurométropole et vice-Président de la Région, était également présent, en compagnie d’autres élus parmi les plus concernés (Marc Sciamanna, Ferit Burhan, Jacqueline Schneider…). Rappelant qu’avant même son élection à la mairie, il avait accompagné l’Afev « pour permettre la colocation d’étudiants sur quartier de la Patrotte », il est revenu sur les spécificités de ce territoire et s’est réjoui que l’association « aille encore plus loin aujourd’hui, avec ce projet. » Selon lui, si un maillage d’acteurs existe bel et bien, « cette dimension que vous apportez sur l’engagement des étudiants dans les quartiers est essentiel. » D’abord « parce que les jeunes parlent souvent mieux aux jeunes que nous, ont les arguments pour entraîner ; parce que les étudiants présentent une forme d’exemplarité sans être présomptueux », mais aussi « parce que cela leur permet de ne pas rester dans leurs couloirs individuels, comme le système les y incite parfois. »
A ce titre, le choix de l’association de « travailler en réseau », de faire en sorte que les nombreux acteurs « travaillent ensemble, avec bien sûr l’Etat et les collectivités locales prescriptrices, mais aussi une analyse partagée des besoins, le souhait de couvrir ceux qui ne le sont pas, d’éviter les redondances et de se coordonner », lui apparaît particulièrement efficient. Ceci, afin de « prendre les jeunes comme ils sont, pour les amener à devenir comme ils doivent être et comme ils doivent savoir faire à la fois dans la société, dans le monde de l’entreprise ou dans les services publics. » Un « long parcours », selon lui, au cours duquel « il doivent être accompagnés » sans être découragés par de trop nombreuses ruptures. Le tout, qui plus est, « en agissant pour les habitants, mais aussi avec les habitants. »
Ainsi, « c’est à la fois cette générosité et cette exigence, mêlées et équilibrées, que l’on retrouve dans La Dragonne », dont il a parié qu’à la différence du terrifiant Graoully, elle saurait se montrer « bienveillante et hyperactive. » Pour conclure cette séquence de discours, le sous-préfet de Metz et Secrétaire général de la Préfecture de Moselle, Olivier Delcayrou, a tenu à féliciter « la continuité républicaine des élus », dans leur soutien à un projet qui a « dépassé les mandats. » Représentant de l’Etat, il est revenu sur l’importance des tiers-lieux sur l’ensemble des territoires, et sur le souhait désormais du gouvernement de les accompagner de manière moins prescriptive qu’autrefois, y compris « dans l’outillage méthodologique » (d’où, notamment, l’appel à manifestation d’intérêt Nouveaux lieux / nouveaux liens en 2019). Il a en revanche braqué les projecteurs sur « quelques points de vigilance » : « La capacité collective à faire de la Fabrique des territoires une tête de réseau de l’ensemble des tiers-lieux », y compris en « faisant le lien entre le rural, le périurbain et les quartiers » ; parvenir aussi « à porter la réussite éducative et l’excellence dans ces quartiers. »
Revenant ensuite sur les difficultés spécifiques rencontrées par ces territoires depuis le déclenchement de la crise sanitaire, il a félicité l’Afev pour la manière dont elle avait su s’adapter à cette situation, « notamment en créant ou en maintenant un lien en période de confinements » - et confirmé le fait que l’Etat continuerait à lui apporter son soutien – y compris financier – tant, pour lui, « en plus du vivre-ensemble », il est important de favoriser toutes les initiatives relevant du « faire ensemble. » Des actions quotidiennes, et appréciées Installée à Metz depuis 2012, comme l’a rappelé Camille Erbstein, l’Afev propose désormais 250 binômes de mentorats et 50 binômes de mentorat d’accueil, dont 180 élèves accompagnés cette année sur la Patrotte. Par ailleurs, des étudiants kapseurs habitent le quartier où ils développent des projets ; 2 volontaires travaillent à proximité immédiate, pour l’amélioration du climat de l’ensemble scolaire Colucci ; et une première promotion de 10 jeunes "Apprentis solidaires" débutera sur place dès janvier prochain.
Ainsi, « ce tiers-lieu éducatif vient compléter un écosystème innovant, performant et singulier » d’actions déjà menées sur ce territoire spécifique : « Ouvert à tous, il permet d’accueillir des publics variés, qui peuvent ainsi apprendre et échanger ensemble, afin que ces échanges créent de nouvelles choses. » La coordinatrice de La Dragonne, Paola Maldonado, a ensuite détaillé l’ensemble des projets mis en place ou envisagés pour cet espace, « organisés autour de cinq leviers, qui visent à apporter un parcours éducatif et citoyen, de la maternelle à la vie active » : éducation/orientation, numérique, culture, citoyenneté et cadre de vie – en veillant à chaque fois à associer des acteurs associatifs confirmés (comme miXYtés sur le numérique ou l’association Bouche à Oreille pour la culture).
Parmi toutes ces actions, elle est enfin revenue sur l’aménagement du lieu en tant que tel, réalisé grâce aux compétences conjuguées du menuisier Yannick Neuvilliers, de la décoratrice d’intérieur Jennifer Gaspard, de l’architecte Jean-François Padoux via Passerelles et compétences, des ergonomes de l’Agestra (médecine du travail), des associations solidaires Gasole Metz (Arts et Métiers de Metz) et Apsis Emergence, de Genaro Studio et de l’entreprise Lookline. Preuve que « si cela prend du temps, il est toujours très satisfaisant de constater qu’on ne fait jamais aussi bien qu’en réunissant de nombreuses personnes autour de la table. »
Parmi toutes les actions désormais mises en œuvre depuis ce lieu, aussi bien sur Metz-Nord que sur tous les QPV et sur Woippy, un Parcours vers l’insertion professionnelle (en huit ateliers gratuits, en présentiel, à destination d’une dizaine de demandeurs d’emploi de tous âges) est proposé le mercredi matin, animé par l’association NQT. Cette dernière, membre du consortium, était également représentée en cette matinée par Kevin Aubin, chargé de mission, qui en a détaillé le fonctionnement : « Nous travaillons bien sûr le CV et la lettre de motivation, mais aussi le savoir-être, la gestion du stress, la préparation aux entretiens, la question de la mobilité, le recours aux bons outils, la découverte de nouveaux secteurs d’activités… en faisant intervenir à chaque fois des professionnels dans les différents domaines. »
Le premier parcours, proposé comme une « phase d’essai » entre octobre et décembre 2021, permettra de perfectionner le dispositif pour une mise en place récurrente, dès l’année prochaine, « pour le plus grand nombre possible de demandeurs d’emploi du quartier et des alentours. » Sur un autre terrain, La Dragonne constitue déjà un lieu-ressource pour Sema, habitante de la Patrotte depuis trois ans (et en France depuis cinq ans), qui était présente à l’inauguration en compagnie de deux de ses trois enfants de 11, 9 et 5 ans. D’origine albanaise, elle et ses enfants fréquentent quotidiennement cet espace : « Demandeurs d’asile, nous ne connaissons pas bien la culture française, mais les étudiants d’ici l’expliquent et la racontent à mes enfants, pour leur faciliter l’insertion à l’école. » A ce titre, notamment fière d’un fils « qui est désormais le meilleur de sa classe », et d’une fille « qui ramène des 20 sur 20 », elle souligne également à quel point cette aide a été précieuse lors des confinements, pour le travail à distance : « On recevait les exercices sur tablette numérique, et sans explication c’était difficile. Les étudiants ont été très présents pour aider mes enfants. » En outre, elle y bénéficie également d’une assistance administrative et numérique : « Tout est aujourd’hui plus facile, et c’est grâce à eux. Je conseille vraiment à tous les parents de prendre contact avec l’Afev. »
François Perrin
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