Au fil des élections le taux d’abstention chez les jeunes se maintient à un très haut niveau, voire augmente, esquissant ainsi ce qui risque de devenir la règle demain. Une abstention majoritaire aux différentes élections compromettrait gravement le fonctionnement démocratique de notre pays. A court terme, cette pratique abstentionniste pénaliserait gravement la prise en compte des jeunes, d’une priorité jeunesse par la représentation nationale. Il y a aujourd’hui urgence à remédier à cette situation, à mettre à l’ordre du jour un véritable choc de citoyenneté pour renouveler le contrat démocratique entre les jeunes et la République. Le plan "Priorité jeunesse" du gouvernement esquissait un certain nombre de perspectives qui, incontestablement, peuvent contribuer à renforcer la participation citoyenne des jeunes. Sa mise en œuvre reste modeste et porte plus sur la reconnaissance et l’encouragement de l’engagement que sur le renforcement de la participation des jeunes à la représentation et à la décision politique. Les Conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (CESER) n’ont pas été dotés de collèges jeunes. Le principe électeur éligible aux élections professionnelles a été écarté. La participation des jeunes à l’élaboration des politiques publiques de jeunesse est marginale. Reste l’effort incontestable pour développer et valoriser l’engagement des jeunes à travers le développement très volontariste du service civique. Depuis, le Ministère de l’Education nationale par la voix de Najat Vallaud-Belkacem et dans le contexte de l’après 11 janvier a relancé la nécessité de la mise en place d’un véritable parcours citoyen de l’école élémentaire à la terminale. C’est la mesure 3 des « 11 mesures pour une grande mobilisation de l’école par les valeurs de la République ». Tout cela est va certes dans le bon sens. Favoriser la participation des jeunes et relancer l’éducation à la citoyenneté est nécessaire. Cependant, on ne saurait faire l’impasse sur le fait que la participation passe aussi par la participation électorale qui demeure un enjeu fondamental dans un système de démocratie représentative.
Des mesures pour créer un choc de citoyenneté
Une série de mesures ont été pour partie esquissées à travers le rapport commandité par l’ANACEJ sur « Les jeunes et le vote » de Michael Bruter et Anne-July Clary. 1) Vote à 16 ans qui partout où il a été introduit favorise la participation électorale des jeunes. 2) Vote anticipé ou possibilité de le jour de voter dans quel que bureau que ce soit 3) Simplification des procédures d’inscription et de vote par correspondance ; la mobilité des jeunes encouragé par ailleurs et souvent nécessaire rend souvent difficile l’exercice du droit de vote. 4) Redéfinition de l’éducation civique à travers la mise en œuvre des méthodes interactives et en faisant place au lycée au débat politique. 5) Non cumul des mandats à la fois sous la forme de non cumul de mandats mais aussi de non possibilité de faire plus de deux mandats consécutifs afin d’avoir un élargissement et un renouvellement plus rapide de la représentation politique. 5) Valorisation de la « première fois » où l’on vote, au delà de la cérémonie autour de l’inscription sur les listes électorales relancée par le Plan priorité jeunesse. Au delà de ces mesures, on ne saurait faire l’impasse sur l’ouverture de droits de vote aux résidents étrangers. L’exclusion d’une très grande partie de ceux-ci continue à peser lourdement sur le rapport d’une grande partie de la jeunesse des quartiers populaire, le plus souvent française, mais dont les parents se voient exclus du vote, ce qui rend naturellement très difficile la valorisation de l’exercice de la citoyenneté et le développement de l’attachement aux valeurs démocratiques
Inscrire le renouvellement du pacte civique à l'agenda politique
De façon plus générale comme le souligne le rapport de l’ANACEJ, il est important de développer de façon systématique les débats au lycée en période électorale : « Les jeunes rejettent, en effet, une information prescriptive en faveur d’une information interactive qui les intéresse et leur permette de former leurs propres opinions, notamment via les débats organisée à l’école ou les Voting Advice ». Telle est aujourd’hui également la position du Forum Français de la jeunesse (FFJ) qui regroupe les organisations de jeunes dirigées par des jeunes qui à travers son Avis n°4 « Le vote et la participation des jeunes en France » (février 2014) demande que l’apprentissage du débat politique soit organisé tout au long du cursus scolaire et que soit institué une véritable « démocratie scolaire », aujourd’hui à peine esquissée dans les textes régissant la vie scolaire et très rarement mis en œuvres (voir notamment la circulaire de l’Education nationale du 24 octobre 2010 « Responsabilité et engagement » concernant la vie scolaire) . « Est démocratique une société qui se reconnaît divisée, c’est à dire traversée par des contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque citoyen dans l’expression de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage », écrivait Paul Ricoeur. En ce sens, le principe même de la démocratie appelle à l’élargissement de ceux qui sont associés à la définition de l’arbitrage. Or, aujourd’hui ce nombre diminue de façon inquiétante. Ce phénomène affecte tout particulièrement les jeunes générations et par là laisse mal augurer de l’avenir de la démocratie. Il est urgent de mettre à l’agenda politique la question du renouvellement du pacte civique. Ceci ne saurait se limiter au développement de la démocratie participative, donnée par ailleurs essentielle. Cela passe aussi par une série de mesure telles qu’elles sont esquissées par le rapport de l’ANACEJ quand aux conditions de l’exercice du droit de vote et de faciliter la réflexion citoyenne chez les jeunes hors de l’école comme à l’école et y compris en période électorale.
Jean-Claude Richez, administrateur de l’Afev
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