Lettre aux engagés de l’Afev

Notre pays vient de traverser un moment particulièrement marquant et qui restera inscrit dans notre histoire tant par son aspect tragique avec l’assassinat ciblé de 17 femmes et hommes que par la mobilisation populaire et citoyenne en France, en Europe et partout dans le monde. Comme l’indiquait en titre, le communiqué de presse publié par l’Afev le vendredi 9 janvier : « ils nous ont tiré dessus ! », oui, au-delà de l’horreur injustifiable de cet acte d’un autre temps, ils ont attaqué ce qui constitue les fondements même de notre projet associatif. Cette idée que chaque personne est et doit rester libre de ses actes, de sa parole, de ses croyances. Tout notre projet est fondé sur l’engagement individuel. L’engagement participe à responsabiliser chacune et chacun d’entre nous. Ce qui ne nous empêche pas, bien au contraire, d’inventer en interne ou avec d’autres de nouvelles formes de solidarités collectives (cf. la structuration du réseau des engagés en interne ou du Forum Européen des Jeunes Engagés en externe). Mais c’est bien à partir d’un individu libre, conscient et responsable que nous construisons toutes nos actions. Cette attaque faite à la liberté de parole en tuant des journalistes et donc à la liberté tout court est donc tout naturellement pour l’Afev inconcevable ! Nous ne supportons pas les inégalités qui sont subies par un trop grand nombre de nos concitoyens et particulièrement dans les quartiers populaires. Notre projet repose sur l’égalité des droits et non l’égalité des chances. C’est à dire, une attention permanente portée à chaque individu pour lui permettre d’accéder et de maintenir un même niveau de dignité. Nous récusons toute inégalité qui reposerait sur le sexe, l’origine ethnique, la croyance, l’origine sociale, la couleur de peau... Cette attaque faite à l’égalité en tuant des gens en fonction de leur croyance, leur niant leur intégrité même d’être humain, donc d’homme à égalité de dignité est insupportable ! Comme nous voulons rester libre et que nous prônons l’égalité, nous sommes forcément SOLIDAIRES ! Car tout ça ne peut se garantir qu’en étant unis et attentionnés envers autrui. Nous voulons vivre et faire ensemble. Ce que vous faites, vous engagés solidaires de l’Afev tous les jours dans près de 350 quartiers, tournés 100 % auprès de ceux qui traversent des difficultés en est la meilleure illustration. Notre réponse est et ne peut être que la fraternité, c’est à dire considérer l’autre comme son égal et avancer ensemble afin de participer à résoudre les problèmes dans un échange où chacun se nourrit de l’autre. Cette attaque visant des femmes et des hommes car ils sont journalistes, policiers ou juifs est pour nous révoltante car elle nie toute fraternité ! Ces caricaturistes revendiquaient bien naturellement le droit à l’humour qui n’est pas de l’incitation à la haine qui tombe elle sous coup de la loi, comme certaines interventions de Dieudonné concernant les juifs ou de Eric Zemmour concernant les « noirs et les arabes ». Nous avons le droit de tout dire, à condition de ne pas inciter à la haine, de ne pas faire l’apologie des crimes contre l’humanité, de ne pas tenir des propos antisémites, racistes et homophobes. Précisons que le délit de blasphème n’est plus un crime en France depuis la Révolution française, et que se moquer des religions n’est en rien se moquer des gens qui croient ! Chacun a ensuite le droit d’en rire ou pas, de poursuivre en justice les auteurs devant les tribunaux si il se sent outragé, mais c’est la loi qui y répond et non le meurtre, la violence ou l’intimidation, car nous vivons dans un état de droit ou la loi Républicaine prime sur toute autre chose. Personne ne mérite de mourir pour ça ! Nous sommes choqués d’entendre des propos qui amoindriraient ces actes odieux en disant que finalement, « ils l’avaient bien cherché », ou en ne respectant pas la minute de silence en hommage aux victimes. Pour autant, l’Afev doit écouter ceux qui ne sont pas Charlie. Nous devons collectivement nous interroger sur ce qui nous sépare et ce qui pourrait nous rassembler. Ne nous satisfaisons pas de ce moment, certes historique, qui a vu des millions de citoyens, toute sensibilité politique confondue, se rassembler pour défendre la liberté d’expression. Nous devons aller plus loin et prendre le temps du dialogue, au-delà de nos différences, et nous interroger sur l’idée que nous nous faisons de la République, de la citoyenneté, de la laïcité en combattant tout amalgame islamophobe. À l'Afev, il y a une place pour TOUS les jeunes qui veulent s'engager, sous réserve que nous arrivions à faire corps ensemble, avec nos différences et nos identités respectives qui fondent notre richesse collective, en acceptant de ne pas faire de nos croyances individuelles un obstacle au faire et au vivre ensemble. C'est notre façon d’incarner et de faire vivre la laïcité. Aussi devons-nous être aux côtés des enseignants et des parents dans ces moments où nous devons faire preuve de fermeté face à l’inacceptable et de pédagogie pour expliquer encore et encore, car nous sommes un mouvement d’éducation populaire et que nous prendrons toute notre place dans ce nécessaire effort L’Afev est une structure qui agit. Vous agissez. Vous êtes déjà en action pour une société plus juste et plus solidaire. Vous êtes les pionniers de cette nouvelle façon de faire société ensemble qui doit émerger de ce drame. Chacun doit maintenant faire plus individuellement et collectivement pour y prendre part. Nous vous invitons tous au dialogue et à l’échange avec les jeunes que vous suivez que vous rencontrez, à porter, expliquer et à défendre les valeurs qui fondent notre engagement. Nous vous invitons à organiser seul ou en groupe, en lien avec les enseignants les parents, les acteurs de quartiers, des espaces de dialogue et d’échange. Nous vous proposons de vous accompagner, nous mettons à votre disposition, notre site Zone d’Expression Prioritaire et l’ensemble de nos outils de communications pour relayer et diffuser, vos témoignages et vos écrits ainsi que ceux que vous nous ferrez. Vous pouvez compter sur mon entière mobilisation et ma disponibilité partout où vous le jugerez. Thibault Renaudin, secrétaire général de l’Afev Crédit photo Flickr CC Maya-Anaïs Yataghène

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