Au Havre, une journée pour éduquer à l’esprit critique

Charlie Hebdo Afev

Le 12 novembre, avant la soirée de rencontre avec la rédaction de Charlie Hebdo, une après-midi de sensibilisation aux médias et à l’esprit critique avait été organisée, à destination d’élèves du lycée Porte Océane et du collège Jacques Monod, sur le campus du Havre de Sciences Po Paris. Grâce à des ateliers animés par l’Afev et Génération Charlie et à l’implication d’étudiants de Sciences Po, ces jeunes ont découvert à la fois un site universitaire d’excellence et les enjeux de l’information et les défis de la liberté d’expression – soit une immersion unique au cœur des enjeux citoyens et académiques.

L’événement, imaginé par l’Afev en collaboration avec Génération Charlie et le campus havrais de Sciences Po, s’inscrivait dans une démarche pédagogique innovante, mettant en lumière la puissance des partenariats. Alexandra Duhamel, Déléguée régionale de l’Afev Normandie, en raconte la genèse : « Tout est parti d’une idée formulée dans le cadre des Cités éducatives, avec une ambition claire : sensibiliser les jeunes des quartiers populaires à la citoyenneté et à la culture. »

Cette initiative a également permis d’ancrer des pratiques déjà expérimentées par l’Afev. « Le mentorat est au cœur de notre action, et cette journée en est une prolongation naturelle. Nous souhaitons que les étudiants de Sciences Po, grâce à leur savoir, puissent devenir des relais éducatifs pour des lycéens curieux mais parfois éloignés de ces questions », explique-t-elle, rappelant au passage que « chaque année, nous avons entre 30 et 40 étudiants de Sciences Po qui sont mentors. »

La dimension collective a également été mise en avant : « Ce projet a mobilisé une vingtaine d’étudiants, des volontaires en service civique et plusieurs associations partenaires, notamment Génération Charlie (par l’entremise de Philippe Debruyne, DG de la société éditrice du journal). L’implication de tous a permis de créer un espace dynamique et stimulant. »

Ateliers thématiques : comprendre les médias et leurs enjeux

L’après-midi s’est articulée autour de plusieurs ateliers animés par l’Afev, Génération Charlie et des étudiants du campus, auxquels les lycéens ont participé en roulements. L’un des objectifs principaux était, par ce biais, de sensibiliser les jeunes participants aux enjeux de la désinformation et des biais médiatiques.

L’atelier animé par Génération Charlie consistait par exemple à réfléchir à propos du dessin de presse et de ses multiples significations. Juliette Le Bihan, représentante de l’association, a décrit la démarche : « Nous avons commencé par leur montrer des caricatures emblématiques, issues de Charlie Hebdo, en leur demandant ce qu’elles évoquaient pour eux. » Les élèves ont ensuite travaillé en petits groupes pour discuter de leur perception des dessins et tenter de les interpréter : « Certaines caricatures ont suscité des réactions vives, notamment celles abordant des sujets sensibles. Cela a permis d’entamer des débats constructifs sur la liberté d’expression et ses limites. »

Un autre atelier d’éducation aux médias et à l’information, proposé cette fois par l’Afev, portait notamment sur la lutte contre les fake news. Les participants ont appris à repérer les signes de désinformation et à analyser des cas concrets, tout en découvrant les mécanismes de propagande et les dynamiques des réseaux sociaux. « Ces exercices ont été particulièrement utiles pour leur montrer comment se protéger contre la manipulation de l’information », soulignait, à son issue, un volontaire en service civique ayant animé ce temps. Concrètement, il s’agissait notamment, lors de quiz, d’évaluer si des affirmations proposées reposaient sur des "faits" ou des "opinions", voire relevaient de la "théorie du complot", de la "propagande", de la "désinformation", du "trolling", du "canular"… ou de l’information vérifiée et objective.

Une immersion éducative au cœur de Sciences Po

En plus des ateliers, les lycéens ont eu l’occasion de découvrir le campus de Sciences Po au Havre. Encadrés par des étudiants, ils ont exploré les salles de cours, les espaces de vie et les particularités de cet établissement unique, totalement anglophone, riche en étudiants étrangers et tourné vers la zone Asie/Pacifique.

Lors d’une intervention en amphithéâtre, Michaël Hauchecorne, Directeur du campus, a insisté, face aux lycéens, sur l’importance de la curiosité dans le parcours éducatif : « Ce que nous attendons d’un étudiant, c’est d’abord une capacité à se poser des questions et à chercher des réponses. Or vous avez démontré aujourd’hui que vous disposiez de cette
qualité essentielle
. »

Il a également tenu à souligner que cette journée ne s’apparentait pas une simple visite académique, mais constituait une opportunité pour les jeunes de réfléchir à leurs aspirations futures : « Ce type d’événement vous permet de vous confronter à des enjeux concrets et de vous préparer à ce qui vous attend dans l’enseignement supérieur. »

Les défis de la liberté d’expression : des débats essentiels

L’une des grandes forces de cette après-midi de découverte et d’échanges a résidé dans la liberté offerte aux participants d’exprimer leurs opinions, même sur des sujets délicats. Juliette Le Bihan raconte : « Certains élèves ont été touchés par des caricatures qu’ils avaient vues sur les réseaux sociaux, comme celles liées au procès de Mazan. Ces réactions, parfois intenses, nous ont permis de discuter avec eux du rôle de la satire et de son objectif : interpeller, choquer parfois, mais toujours pour faire réfléchir. »

Paul, un autre membre de Génération Charlie, a lui aussi noté l’importance de ces échanges : « C’est essentiel de rappeler que la satire n’est pas là pour plaire, mais pour poser des questions. Ces débats sont parfois inconfortables, mais ils ouvrent des perspectives. » D’ailleurs, poursuit-il, « nous avons vu à quel point ces ateliers aident à dépasser les incompréhensions autour de la liberté d’expression. Les discussions ont été franches, mais toujours constructives. »

Un projet collectif pour inspirer les jeunes

Alexandra Duhamel a salué l’implication des différents acteurs dans cette initiative : « Les étudiants de Sciences Po, les volontaires et les associations ont su créer une atmosphère bienveillante, où chacun a pu s’exprimer librement. C’est cette dynamique collective qui rend ce projet si riche. »

De son côté, Michaël Hauchecorne a encouragé les lycéens, après ce temps-fort, à poursuivre leur réflexion : « Vous avez montré aujourd’hui que vous étiez prêts à engager un dialogue constructif sur des questions complexes. C’est exactement ce que nous cherchons à développer ici, à Sciences Po, et plus largement dans nos sociétés. »

Cette journée a ainsi permis de poser les bases d’une réflexion sur les médias, la liberté d’expression et l’esprit critique, tout en offrant aux lycéens une immersion unique dans l’univers de Sciences Po. À travers des débats, des ateliers et des rencontres, ces jeunes ont pu s’approprier des outils pour mieux comprendre le monde qui les entoure et envisager leur rôle en tant que citoyens éclairés.

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