Ancien chercheur et préfet, diplômé de philosophie et de sciences économiques, passé par l'Ecole Normale Supérieure et l'ENA, Yannick Blanc est depuis juin 2016 le président de l'Agence du service civique, où il a succédé à François Chérèque. Pour l'Observatoire de la jeunesse solidaire, il a accepté de réagir aux résultats de l'enquête annuelle Audirep pour l'Afev, à paraître le 3 avril prochain.
Quel est votre sentiment à la lecture de cette enquête Audirep pour l'Afev ? Une remarque préalable : nous parlons d'un sondage portant sur 500 personnes, il faut donc relativiser les pourcentages, et regarder plutôt l'ordre des priorités exprimées. Ceci établi, on relève de grands enseignements de ces résultats. D'une part, concernant les champs de préoccupation prioritaires de la jeunesse, on retrouve ici ce qu'avaient exprimé l'enquête récemment organisée par change.org, et surtout celle sur le bonheur, avec 53 000 répondants, de Générations Cobayes, à savoir un intérêt tout particulier pour la santé et l'environnement. Or ces deux thématiques sont très largement absentes des propositions des candidats à l'élection présidentielle. Il faut rappeler aux politiques que les citoyens expriment un certain nombre d'attentes dans des domaines où, pour l'instant, prédominent lobbies, préjugés et vieilles habitudes. Un deuxième constat général ? Oui, l'importance accordée à l'orientation. Aujourd'hui, le service public de l'orientation est en ruines, il a été confié aux conseils régionaux qui tardent à le prendre en charge. Pourtant, les jeunes en service civique font de ce dernier un outil d'orientation à part entière, et tous accordent désormais beaucoup d'importance à l'apprentissage et à l'expérience... ce qui devrait servir d'inspiration à ceux qui auront à rebâtir le service public de l'orientation. Sur ces questions, on remarque très vite dans votre sondage que sur la question de la formation, l'enjeu d'un parcours ne se résume plus à la transmission et à l'accumulation de connaissances – aisément accessibles via le monde numérique – mais concerne aussi l'orientation, l'apprentissage, la relation à autrui, la solidarité et la citoyenneté. Cela témoigne d'une demande de pertinence et de qualité en matière de parcours éducatif, et même d'autorité - mais bien loin de l'idée de mettre tout le monde en uniforme. Le mot « autorité », aujourd'hui, signifie surtout de la lisibilité dans le cadre d'action. Ce qui me permet au passage de souligner, sur ce point comme sur d'autres, la très grande cohérence des réponses : la demande de citoyenneté dans le parcours de formation est en cohérence avec la demande de participation citoyenne dans l'exercice de la démocratie, etc. Une cohérence aussi vis-à-vis de la vie professionnelle ? Les sociologues vous diraient que vos répondants sont idéal-typiques de ce qu'ils appellent l'individu relationnel : équilibre vie privée/vie professionnelle, importance de la qualité des relations au travail, désir d'un apprentissage permanent à travers l'expérience professionnelle... En tant qu'individus, les jeunes se définissent comme des gens qui effectuent un parcours dont ils attendent qu'il soit lisible, « apprenant », et qu'il valorise les relations interpersonnelles avec ceux qui les entourent. Autant de réponses consistantes par rapport à la perplexité à l'égard de la jeunesse de nombreux responsables d'entreprises... voire politiques. On n'est pas dans le n'importe quoi, dans le zapping, dans « l'insoutenable légèreté de la jeunesse du XXIème siècle »... Les jeunes ne sont ni perdus, ni flottants, mais au contraire très en demande d'être écoutés et pris en compte. Avez-vous relevé d'autres éléments instructifs ? Oui, leur souhait d'interdire de candidature à une fonction élective quelqu'un qui a été condamné : la dimension éthique d'un candidat légitime désormais pleinement sa capacité à représenter, ce qui est un message extraordinaire. Cette capacité reposait autrefois sur l'appartenance – les députés représentaient des catégories de citoyens : ouvriers, catholiques, avocats, etc -, et parlaient la même langue que leurs électeurs. Comme ce n'est plus le cas, l'éthique devient un prérequis de la confiance que je peux accorder à mon représentant. C'est très fort. Enfin comment réagissez-vous au fait que les jeunes se déclarent plutôt favorables au service civique, mais opposés au fait de le rendre obligatoire ? Cela vient rectifier un chiffre de 2015, qui indiquait que deux tiers des jeunes étaient favorables à l'obligation. Entre-temps, la notoriété comme l'expérience acquise du service civique ont progressé chez les jeunes, et son idée même s'est profondément implantée, ce qui constitue pour moi un résultat très positif. Universaliser le service civique est une idée qui séduit largement, mais on veut pouvoir choisir sa mission ; par conséquent, les jeunes rejettent toute idée d'obligation administrative. Propos recueillis par François PerrinPartager cet article