Université d’été de l’Afev : Quelle société de l’engagement ? - Deuxième journée

Du 2 au 4 juillet dernier, sur le campus de l’Université Paris-Nanterre, se tenait l’Université d’été de l’Afev. L’occasion, en trois journées aussi riches en échanges que conviviales et festives, d’accueillir quelques grands intervenants venus parler des mutations contemporaines des formes et définitions de l’engagement. Deuxième journée bien chargée, entre conférence et tables-rondes. C’est au lendemain d’une première soirée animée par les associations nanterroises Zy’va et Article Xque s’est tenue une deuxième journée particulièrement dense. Entre les temps consacrés aux neuf « parcours spécifiques » (thématiques, proposés sur les trois jours) ou aux « bilans et perspectives » de l’Afev (Approche globale, Universités et DémoCampus, Mentorat), des séances plénières émaillaient la journée. La première, intitulée « Compétences et engagement », visait à mettre en avant, pour la reconnaissance de l’engagement, la plateforme REEC de l’Afev et le programme So Skilled développé par l’Université Paris-Nanterre. Animée par Eunice Mangado-Lunetta, Directrice des programmes de l’association, cette table-ronde a d’abord donné la parole à Lucile Le Fèvre, Directrice territoriale de l’Afev 92.  Cette dernière a présenté la plateforme de l’engagement solidaire (ouverte en 2012 au sein de la Maison des Etudiants de l’Université Paris-Nanterre) et des « bonus aux diplômes »(2014-2019 ; aujourd’hui, 375 inscrits sur le campus, dont 75 bénévoles). L’enjeu de ces dispositifs ? « Développer le sentiment d’appartenance à une communauté, et apprendre à savoir parler de son parcours d’engagement. » De fait, aujourd’hui, « à CV équivalent, il faut savoir identifier et valoriser son savoir-faire comme son savoir-être, mais également savoir les illustrer. » Concrètement, Christophe Bréchet, vice-Président en charge de la formation et de la vie universitaire pour l’Université Paris-Nanterre, a ensuite présenté le projet « So Skilled », et un duo composé de Nathalie Chèze, enseignante/chercheuse en mathématiques à Paris-Nanterre, et Fiona Soler, directrice du mentorat à l’Afev, à la fois la plateforme « Reconnaissance de l’engagement étudiant et des compétences » (REEC, dispositif expérimental, en phase de lancement sur cinq universités pour la rentrée 2019-2020) et le bilan de compétences associé. Autant de projets « très réjouissants, et même excitants » selon Eunice Mangado-Lunetta, qui correspondent à la fois à une « bascule historique » et à un « alignement des planètes » entre prise de conscience des universités et expertise d’acteurs bien implantés comme l’Afev. La conférence suivante marquait un temps fort, selon la Délégué territoriale de Toulouse Inès Donischal, puisqu’il s’agissait, avec la prise de parole d’Orlane François, présidente de la Fage de la « première rencontre entre l’Afev » et cette Fédération des associations générales étudiantes, visant à mettre en relation des « expertises complémentaires » en matière d’engagement. Une première historique soulignée avec humour par Sandrine Martin, Déléguée régionale Nouvelle Aquitaine à l’Afev, en vertu de son passé de militante au sein de l’Unef-Id, syndicat historiquement « rival » de la Fagesur les campus. Orlane François a introduit son propos en se montrant à son tour très enthousiasmée par l’idée de pouvoir « prolonger ensemble ces travaux, aussi bien nationalement que territorialement » avec l’Afev. Après avoir présenté sa fédération, « première organisation étudiante de France, décomposée en fédérations de territoires et en fédérations par filières », elle a indiqué que « pour la Fage, depuis notre création en 1989, il est question de mener à la fois une mission de syndicat étudiant – la défense collective et individuelle des étudiants – et une action d’innovation sociale - une réponse par le projet et le discours politique à des problématiques propres à la jeunesse. » Selon elle, son organisation propose « plusieurs portes d’entrée : un étudiant va pouvoir s’adresser à nous parce qu’il veut organiser une soirée, mettre en place une action solidaire sur le territoire, ou encore être élu dans un conseil de l’Université. » Elle a également évoqué la « très grande évolution de la structure depuis trente ans, avec une représentation beaucoup plus large, 2000 associations adhérentes – c’est-à-dire 300 000 adhérents », avant de critiquer la vulgate selon laquelle les jeunes « ne s’engageraient plus : ce n’est pas qu’ils s’engagent moins, qu’ils ne s’engagent pas, mais qu’ils s’engagent autrement », comme l’a analysé la chercheuse Anne Muxel. Concernant l’engagement associatif, « les jeunes aujourd’hui vont vouloir s’engager sur un sujet spécifique. »Or la question qui demeure est la suivante : « Comment peut-on aujourd’hui aider chaque jeune à s’engager ? Comment peut-il s’informer sur les formes possibles de son engagement ? » Elle a alors plaidé pour une meilleure information sur ces sujets, un meilleur « aménagement des cursus, donnant une plus grande place à l’engagement »puis, à terme, sur une meilleure reconnaissance de l’engagement et des apprentissages propres développés à cette occasion. « Il s’agit donc, a-t-elle conclu, de changer le regard sur les jeunes qui s’engagent, puis de valoriser les efforts de ceux qui agissent. Ceci afin de répandre l’idée que le temps apparemment « perdu » pendant des actions d’engagement, est en fait du temps gagné, qui confère aux acteurs une plus-value. » Cette conférence a ensuite donné lieu à un grand nombre de questions/réponses. En fin d’après-midi, une dernière table-ronde organisée par Jade Coudert, Responsable des partenariats privés à l’Afev, était consacrée à la thématique « Entreprises et engagement », en présence de Simon Bitaudeau, Responsable Mécénat et investissements citoyens chez les Entrepreneurs pour la Cité, Catherine Luquet, Responsable du domaine Education pour la Fondation SNCF et Laure Vicard, Responsable Programmes et Territoires au sein d’United Way L’Alliance. Le premier a d’abord détaillé les raisons de l’intérêt actuel des entreprises pour le mécénat (parmi lesquelles des exigences croissantes en matière d’enjeux sociaux et environnementaux de la part aussi bien des clients que des pouvoirs publics, sans oublier les collaborateurs eux-mêmes), puis décrit l’évolution des fondations d’entreprise au fil du temps (d’un statut passé de « danseuses du Président » à des structures totalement intégrées à la stratégie globale, avec souvent un siège au Comité Exécutif, et jusqu’à de véritable « joint-ventures sociales »), comme tout le panel de leurs moyens d’action : engagement des collaborateurs sous diverses formes (dont le mécénat de compétences, ponctuel ou régulier), soutien financier… Catherine Luquet a ensuite indiqué que « l’engagement [était] à la fois créateur de valeur, de sens pour les salariés, et donc facteur de performance économique. »De fait, des programmes originaux et motivants comme SNCF au féminin,dont elle a la charge, permettent à la fois de fédérer le personnel autour d’une thématique, de motiver les équipes voire « d’attirer les talents. » Elle est aussi revenue sur les notions de « mécénat de compétences et d’engagement »,en parlant d’exemples concrets mis en place au sein de la SNCF (avec par exemple des collaborateurs donnant de leur temps, en accord avec l’entreprise, pour aider des associations), mais aussi d’actions spécifiques comme la mobilisation de « gilets rouges, en cas de perturbation du trafic ferroviaire », le hashtag « teamSNCF » pour les Ambassadeurs recrutés sur les réseaux sociaux, etc. Elle a conclu son propos en esquissant la possibilité de remplacer le « R » de « RSE » - « un peu incantatoire »- par le « E » de l’Engagement, pour imaginer un « Engagement social/sociétal des entreprises » (ESE), plus dynamique et plus parlant. Interrogée à son tour par Jade Coudert, Laure Vicard a enfin présenté son « Alliance, une association visant à co-construire des programmes grâce auxquels les acteurs privés, publics et solidaires s’engagent pour répondre collectivement aux enjeux prioritaires des territoires », et notamment son programme-phare « Défi jeunesse, partenaire de l’Education Nationale. » Pour ce faire, « nous proposons diverses formules, selon la motivation et les contraintes propres aux collaborateurs des entreprises et fondations avec lesquelles nous travaillons. » S’est ensuivie unediscussion sur le maillage territorial de toutes ces structures, sur le nécessaire « équilibre partenarial » (avec l’importance d’une pédagogie propre à mettre en œuvre à destination des entreprises), sur les questions de gouvernance, avant le détail d’encore quelques actions concrètes menées ces dernières années, puis une séance d’échanges avec la salle. François Perrin

Partager cet article