A l’heure où les aspirations nationalistes progressent de manière inquiétante au sein de l’Union européenne, la Conférence des Présidents d’Universités (CPU) réunissait, à Dijon les 15 et 16 mars dernier, son colloque annuel sur le thème de « L’Europe des universités ». L’occasion était donnée de réaffirmer le rôle essentiel que joue l’enseignement supérieur dans la construction européenne. Cette contribution est fondamentale dans une période où l’Europe est en crise et apparait grandement fragilisée. Pour cela, la relance du processus de Bologne, conjuguée à la volonté politique du président de la République de faire émerger des « universités européennes » apparaissent comme de nouvelles perspectives. Afin de passer des intentions aux actes, il est vital que la communauté universitaire, dans son ensemble, propose des initiatives pour incarner l’ambition de construction d’un véritable espace européen de l’enseignement supérieur. S’il apparait évident que les établissements, les enseignants et les chercheurs sont le pivot de cette indispensable mise en réseau, les étudiants doivent être également les ambassadeurs de cette démarche. Ils représentent l’avenir et au-delà de leurs temps d’études, pour beaucoup, ils sont déjà, en pratique, des citoyens européens. Depuis la sortie du film « l’Auberge espagnole » en 2002, les incitations à la mobilité se sont progressivement institutionnalisées, à travers, notamment, le développement du programme Erasmus. La transformation digitale a également accéléré la connexion de toute une frange de la jeunesse européenne. En ce sens, la création d’une carte européenne de l’étudiant renforcera « la propagation d’une identité numérique européenne » comme le soulignait Monique Ronzeau, présidente du conseil de l’Observatoire de la vie Etudiante (OVE). Ce nouveau support dématérialisera bon nombre de procédures et constituera une nouvelle étape pour faciliter la mobilité étudiante. S’il faut saluer et encourager la mise en œuvre de ce projet il parait important de souligner qu’il doit aussi permettre de démocratiser l’accès à la mobilité pour tous les étudiants. Ceci implique de sécuriser l’environnement de l’étudiant, en matière de logement, de jobs-étudiant... L’objectif est de réduire les discontinuités entre la situation qu’il connait dans son pays d’origine et celle qu’il vivra à l’étranger. Il est donc nécessaire de promouvoir des dispositifs d’accompagnements en amont, par le biais de compagnonnages et d’une valorisation des retours d’expériences. Nous ne devons pas oublier qu’il existe, pour une partie de la population étudiante, d’énormes freins matériels, culturels et sociaux à la mobilité. Cette réalité est source de profondes inégalités qu’il faut prendre en considération et traiter. Dans cet esprit, Jean Russo, délégué général Erasmus Student Network France, a rappelé que « l’obligation institutionnelle de mobilité n’était pas une fin en soi » et qu’il est nécessaire de « valoriser les impacts » de cette mobilité, singulièrement pour l’insertion professionnelle future des jeunes étudiants. En effet, l’acquisition de compétences expérientielles et la découverte d’autres cultures constituent des atouts complémentaires à l’acquisition de compétences académiques. Ainsi, si la mobilité doit faire partie intégrante des cursus universitaires, il y a un impératif de structurer l’accompagnement à cette mobilité. Il pourrait être intéressant, comme le propose l’Afev, de valoriser et d’organiser, à l’échelle européenne, l’engagement étudiant dans le champ de la solidarité pour qu’il soit reconnu dans les futurs « diplôme européens » souhaités par Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. En plus d’un réseau d’universités partenaires, un réseau d’ONG européennes pourrait être partie prenante d’une démarche originale d’implication sociale et citoyenne au niveau de l’Union. Ceci constituerait une formidable ouverture des universités sur les territoires et la société civile. Ce type d’initiative contribuerait à promouvoir une vision plus humaine et plus solidaire de la construction européenne. A l’instar de Frédéric Vidal, nous sommes convaincus que « l’espace naturel de déploiement de la communauté universitaire est l’Europe ». Les étudiants et les apprentis ont tout à gagner à investir ce nouvel horizon. Le bénéfice sera double, pour eux et pour l’ensemble des pays membres de l’Union européenne qui ne peuvent plus se contenter d’être les simples agrafes d’un projet né sur les décombres de la seconde guerre mondiale. Nous avons besoin de transcendances territoriales mais aussi intellectuelles pour redonner sens à notre héritage humaniste et renouer avec l’esprit des Lumières. Comme le disait Jean Russo, « la mobilité des étudiants ne vise pas que l’apprentissage de nouvelles compétences professionnelles. Son but est aussi de renforcer le sentiment européen, la citoyenneté et le partage de valeurs » L’Europe ne doit pas seulement être compétitive, elle doit aussi être solidaire. Jérôme Sturla, directeur du Lab'Afev Cliquez ici pour en savoir plus sur Démo'Campus
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