Un sommet du mentorat… à Washington !

congres mentorat

Du 25 au 27 janvier dernier, la Déléguée de l’Afev en Espagne Laia Bernués était présente au National Mentoring Summit, à Washington D.C. (USA). Retour sur une expérience particulièrement enrichissante.

C’est sur l’air de « Dont’ be perfect, be present » (« Ne soyez pas parfaits, soyez présents ») qu’en janvier dernier se sont lancés à Washington des travaux organisés sur deux journées, qui ont permis à 1 462 personnes, venues de l’ensemble des états américains et de 12 autres pays du monde, de se rencontrer en chair et en os… Au programme : une journée passionnante de plaidoyers, 74 ateliers, des discours, des séances plénières, etc.

L’importance des jeunes… et du mentorat

L’occasion, aussi, entre les plénières et les ateliers, d’échanger et de discuter en toute tranquillité, de prendre connaissance d’autres projets et formes de mentorat, mais également de mesurer les différences culturelles transatlantiques. Pour une organisation comme l’Afev, il a été particulièrement intéressant de constater le rôle important occupé par les jeunes (et en particulier les jeunes femmes) tout au long de cet événement : elles ont en effet été des protagonistes agissant et/ou parlant, sur la scène principale, du changement que nous voulons voir dans la société, de la façon dont elles se représentent comme des agents du changement, de ce que le mentorat peut changer dans une vie, de l’entrepreneuriat, de l’impact social… Il a ainsi été question de leadership, de leadership des jeunes, du pouvoir et de l’importance de la place des jeunes dans les processus de prise de décision politique.

Tout ceci figure également dans Who mentored you ?, un vaste rapport de
recherche consacré au mouvement du mentorat outre-Atlantique, et dont l’une des conclusions est la suivante : bien que les jeunes soient plus mentorés que jamais, l’écart de mentorat existe encore et s’est en réalité aggravé – en particulier pour les jeunes les plus vulnérables. Un jeune sur trois y indique n’avoir pas eu de mentor significatif dans sa vie (une situation encore aggravée par la crise sanitaire). Par ailleurs, même lorsqu’ils ont été mentorés, la plupart se souviennent d’un moment où ils ont manqué d’un mentor. Car ces derniers peuvent venir et repartir, et le besoin de mentorat à tout moment resurgir. D’ailleurs, les Américains interrogés attribuent une grande partie de leur succès dans la vie… à leurs mentors, qui leur ont permis de construire leur identité tout en progressant ensemble. Enfin, le rapport pointe un dernier grand défi à relever : le développement du mentorat en zones rurales.

D’inspirants retours d’expérience

Parmi les divers intervenants, on peut revenir sur quelques prises de parole particulièrement riches. Celle de Mentor Canada, par exemple, qui a
présenté le système canadien, et indiqué que les relations ne sont pas l’objectif du mentorat, mais plutôt un mécanisme fondamental, un véhicule, un voyage pour atteindre d’autres objectifs voire servir plusieurs fins. Ou encore celle de Big Brothers Big Sisters Rhode Island, qui a réduit de moitié les binômes de mentorat afin d’effectuer un saut qualitatif dans le projet : baisse du ratio de binômes par personne technique, meilleure sélection des mentors et meilleur matching, allongement des durées de mentorat, meilleur soutien qualitatif à chaque binôme, meilleure anticipation et accompagnement des ruptures de mentorat… Ce qui leur a permis, notamment, de passer en 5 ans de 36% à 13% d’interruptions prématurées des relations de mentorat, ou de 46% à 89% de suivi complet. Ce retour d’expérience a également été émaillé de nombreux et précieux conseils – notamment sur l’importance du « fun factor » !

De son côté, Alexandra Werntz de CEBMentoring a indiqué en quoi la recherche confirme que le mentorat entre pairs, pour les jeunes, est celui qui fonctionne le mieux dans un contexte où le taux d’abandon des étudiants aux Etats-Unis oscille entre 30 et 40% (et près de 25% en première année). Grâce à une application, ils ont pu constater la fluctuation des inquiétudes étudiantes tout au long de leur cursus : d’abord, un questionnement sur quoi faire dans la vie, sur quelle carrière choisir ; puis des craintes et un stress liés aux usages académiques et à l’organisation du temps ; enfin, à la fin du cursus, un retour des angoisses liées à la carrière professionnelle.

Formation, qualité et collaboration internationale

En se focalisant plus directement sur la formation des mentors, Sam McQuilling, du Département de psychologie de l’Université de Caroline du Sud, a également présenté le JITT (Just-In-Time-Training), une forme efficace de formation à la demande, selon les besoins - c’est-à-dire ne mobilisant que ce qui est nécessaire, quand c’est nécessaire, par opposition à une formation plus classique reposant sur le "juste au cas où". La plupart des mentors oublient en effet le contenu de la formation dans les trois semaines qui la suivent, et font souvent ce qu’on leur demande de ne pas faire (ou bien ne font pas ce qui leur est demandé).

Ainsi, proposer des formations initiales plus courtes tout en répétant les contenus (et en ajoutant de nouveaux) tout au long de l’année, par le biais de capsules de formation spécifiques, de tutoriels ou de listes de contrôle, peut constituer un bon moyen de s’assurer que la relation de mentorat conserve sa qualité dans le temps. A contrario, lorsque les mentors sont mal formés, peu fréquemment supervisés, les effets de la plupart des programmes de mentorat s’avèrent peu significatifs ; d’où l’importe de miser sur la pertinence de la formation comme du suivi des relations de mentorat.

Ce congrès a également braqué les projecteurs sur un acteur et un événement. D’abord, sur Mentor, à travers l’intervention de sa Senior Director of Affiliate Impact Joellen Spacek. Cette entité de troisième niveau veille à la qualité du mentorat aux Etats-Unis, en offrant des conseils, des formations et des opportunités de bénévolat à des organisations alignées sur ses critères de qualité (et sur lesquels est basé le label espagnol Qualité en mentorat), en apportant son soutien aux Etats qui souhaitent créer leur propre antenne Mentor, en offrant un soutien financier et en effectuant un diagnostic des besoins, une étude faisabilité et un comité consultatif d’experts.

Côté événement, enfin, il a été question de la première rencontre en personne du groupe de travail pour la collaboration internationale en mentorat : des CEOs, techniciens, directeurs, chercheurs et consultants de huit pays ou entités différents (Etats-Unis, Canada, Salvador, Royaume-Uni, Espagne, Union européenne, Inde, Singapour) se sont ainsi réunis pour relever le défi de créer quelque chose à l’échelle mondiale, afin de promouvoir le mentorat auprès de l’OCDE et des Nations-Unies…


Laia Bernués

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