Territoires zéro chômeur de longue durée est un projet anti-chômage atypique, issu du monde associatif rejoint par des politiques. Initié par ATD Quart Monde, il est aussi soutenu aujourd'hui par Emmaüs, le Secours catholique et le Pacte civique, ainsi que par plusieurs fondations – la Fondation de France, La France s'engage, Eiffage... Retour sur cette expérimentation qui doit se mettre en place cet automne et part d'une conviction forte: l'emploi est un droit pour tous.
"Je sais poser des antennes", "je peux former au numérique", "je sais travailler le bois", "ce que j'aime, ce sont les espaces verts, je connais tout", "j'ai un diplôme d'animation", "je bricole, je peux apprendre aux autres", "je me vois bien faire des ateliers avec les personnes âgées", "je sais monter des murs en pierre", etc. Ils sont une douzaine de chômeurs alignés face au public, debout au pied de la tribune. Ils se passent le micro de main en main pour dire ce qu'ils savent faire et ce qu'ils ont envie de faire. Hommes et femmes de tous âges, venus des quatre coins de France, ils ont tous une chose en commun : sans emploi depuis au moins un an, ils souffrent de cette mise à l'écart et de ce sentiment d'inutilité qui grandit avec le temps. Ils n'ont plus qu'une envie : retravailler, et par là même, retrouver une place dans la société.Une "utopie réaliste"
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Gâchis humain
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L'emploi, un droit
Le projet s'appuie sur une conviction : on n'a pas tout essayé contre le chômage. Et il pose trois grands principes. Le premier : l'emploi est un droit. Tous, sans que l'on trie ou sélectionne, doivent y avoir accès. Le second : il existe des emplois non pourvus dans les territoires. Mais on ne les crée pas car ils ne sont pas solvables. Troisième et dernier principe : il y a de l'argent – toutes les dépenses liées au chômage qui seraient mieux utilisées à créer ces emplois. Concrètement, il s'agit de proposer des CDI payés aux Smic à des chômeurs volontaires, en fonction de leurs compétences et des besoins locaux. Pour cela, on crée des "entreprises à but d'emploi" appartenant à l'économie sociale et solidaire. A elles d'identifier, au niveau d'un territoire, les besoins non satisfaits – déboisement, jardins partagés, recyclage de déchets, travaux d'isolation, services à la commune, aux personnes, etc -, puis de trouver parmi leurs salariés (c'est-à-dire les ex-chômeurs) ceux disposant des compétences nécessaires.Financer la création d'emplois plutôt que la privation
L'autre grande idée du projet est qu'il ne doit rien coûter, ou presque, à la société. Et voici comment : ces entreprises polyvalentes seront financées par le transfert des dépenses actuellement induites par chômage – le RSA (revenu de solidarité active), l'allocation spécifique de solidarité mais aussi le manque à gagner en impôts et cotisations. ATD Quart Monde a calculé que cela atteignait 15 000 euros par an et par personne. Or un Smic, avec les charges, revient à 20 000 euros annuels, et un emploi à 25 000 euros. L'entreprise complétera avec ses propres revenus, générés par ses activités. Il est toutefois prévu que l'Etat finance, la première année, en bonne partie l'expérimentation.Optimisme
A Mauléon, dans les Deux-Sèvres, l'un des territoires précurseurs, Thierry Pain a été recruté il y a un mois pour diriger la future "entreprise à but d'emploi". Ancien DRH d'une grande entreprise de la région, il n'a pas hésité longtemps avant d'accepter l'offre, enthousiasmé par le défi. "Actuellement, je rencontre les chômeurs intéressés par le projet, explique-t-il, je leur demande ce qu'ils ont envie de faire et ce qu'ils ne veulent pas faire, ce qu'ils pourraient apprendre aux autres, combien d'heures ils voudraient travailler car beaucoup, ayant arrêté longtemps, ne se sentent pas de reprendre tout d'un coup à temps plein." Thierry Pain fait aussi le tour des entreprises du territoire : "Je regarde leurs besoins. Comme nous ne voulons pas les concurrencer, je leur parle aussi des activités que l'on voudrait faire. Si ça leur pose problème, je n'insiste pas."Salariés en duo
Thierry Pain ne se fait aucun souci : du travail, il y en aura. Il a rangé par grands chapitres toutes les activités qu'il a déjà répertoriées - dans la transition écologique, les services à la personne, les transports, etc. Pour faire tourner sa future entreprise, il imagine organiser des duos de salariés pour chaque mission. L'entreprise sera polyvalente, les salariés aussi. A ses côtés, Thierry Pain bénéficie de l'expérience de Bernard Arru, qui pilote le projet dans le "Grand Mauléon" – la ville de Mauléon et les 6 communes voisines, soit 8 500 habitants au total. Pour s'y consacrer, il vient de céder sa place de directeur des Ateliers du Bocage, l'entreprise d'insertion d'Emmaüs, installée à Mauléon, qu'il a contribué à créer. Investi dans le projet depuis le début, il y voit une formidable opportunité de "mettre en activité les personnes qui sont exclues."Unanimité
Le projet, qui paraissait un peu fou au début, a fait du chemin. L'Assemblée nationale et le Sénat l'ont adopté à l'unanimité, fait rare en ces temps de divisions. De nombreuses collectivités s'y intéressent. Il faut même freiner les enthousiasmes. La loi prévoit que dans une première phase, 10 territoires au maximum testeront le dispositif durant 5 ans. Puis, après évaluation, il pourra être étendu, mais il faudra alors voter une nouvelle loi. Les cinq territoires précurseurs, tous ruraux, – outre les Deux-Sèvres, en Ille-et-Vilaine, dans la Nièvre, en Meurthe-et-Moselle et dans les Bouches-du-Rhône – estiment avoir de bonnes chances d'être retenus pour la première phrase. Mais ils devront attendre le verdict d'une commission. Des territoires urbains ont aussi pris leurs marques – notamment des quartiers de Lille et de Boulogne-sur-Mer. L'expérience doit en effet être menée sur de petits territoires.Hâte et espoir
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Vertige
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