Dans le pôle lyonnais de l’Afev, de nombreuses forces vives sont mises à profit pour accompagner les élèves des Quartiers prioritaires de la Politique de la ville (QPV) dans leur parcours d’orientation, et démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur – un univers qui peut sembler, à ces derniers tout particulièrement, loin de leur quotidien et de tout ce qu’ils connaissent.
Qu’elles soient collectives, individuelles, symbolisées par des lieux, à destination des parents ou des élèves, toutes ces actions menées à Lyon ont pour objectif de lutter contre les inégalités d’orientation, qui tirent leur source des disparités sociales, économiques et territoriales dont sont victimes beaucoup de jeunes et de familles. Par ailleurs, nombre d’entre elles sont organisées dans le cadre de partenariats avec les Cordées de la Réussite locales. De plus, si la majorité de ces interventions sont menées dans les QPV, l’Afev mène aussi de nombreux ateliers dans les zones rurales de la région lyonnaise.
Les actions de l'Afev Lyon pour l 'orientation scolaire
Mais concrètement, comment l’association apporte-t-elle sa pierre à l’édifice sur le sujet de l’accompagnement scolaire ? En premier lieu, l’Afev Lyon propose l’organisation et l’animation d’interventions collectives dans des collèges de QPV, afin d’aborder les sujets de l’enseignement supérieur, de la vie étudiante, et des différents parcours d’orientation scolaires possibles. Ce sont les ateliers qui forment le parcours du programme Démo’Campus.
Coordonnés par des salariés de l’Afev et animés par Volontaires en service civique très motivés, ces ateliers sont ludiques et participatifs. A Lyon, le premier module aborde les mondes de l’enseignement supérieur et professionnel à travers un débat mouvant - l’un des outils fétiches de l’éducation populaire. Il propose ensuite aux élèves de 4ème et 3ème de rencontrer des étudiant⋅es afin qu’ils puissent écouter leurs témoignages portant sur leur parcours, leur vie dans le post-bac, leurs conseils, etc.
Les parcours des étudiant⋅es bénévoles présent⋅es durant ces ateliers peuvent être très divers. Prenons pour exemple l’intervention du 30 janvier 2024, durant laquelle étaient présentes des étudiantes toutes très enthousiastes d’être là : une étudiante en psychologie à l’UCLY, une bénévole qui étudie l’architecture, une en droit, une en gestion à l’IAE de Lyon. Les différences de parcours, de personnalités et de types d’établissements du supérieur permettent aux collégiens d’avoir accès à des témoignages très variés, et d’étendre donc le champ des possibles dans lesquels ils peuvent projeter pour leur propre orientation scolaire.
Pendant le débat mouvant, les Volontaires en service civique, elles aussi très motivées, ont pu interroger et lancer des sujets de conversation entre les élèves sur différents sujets. A travers les réponses apportées par les collégiens, on sent que les idées reçues sont vivaces, et ce de manière plutôt négative. Ce 30 janvier au collège du Tonkin, on a donc pu entendre des « J’ai envie de faire des études longues parce que mes parents seraient fiers de moi si j’en faisais », des « Je n’ai pas envie de faire d’études supérieures parce que j’ai la flemme », des « Je ne veux pas faire d’études supérieures car ça me forcerait à déménager et être loin de mes parents… »
A la question « Qu’est ce qui est le plus important pour vous, un métier qui gagne bien de l’argent, ou un métier qui est facile à faire ? », une grande majorité des élèves s’est rangée du côté « importance de l’argent », à travers des phrases comme « Madame, l’argent ça fait tout », ou « pour donner l’argent à ma famille. » Le but de ces interventions de l’Afev, en plus d’introduire les sujets liés à l’orientation scolaire dans les esprits de ces collégiens, est également de les faire réfléchir à ces enjeux et déconstruire avec eux les différentes idées reçues et l’auto-censure - qui les éloignent de parcours d’études et professionnels choisis. D’où l’intérêt de les faire échanger avec des étudiants du supérieur, en sous-groupes. Durant cette partie du module, l’implication des élèves a d’ailleurs été considérable, révélant une grande curiosité.
Chaque étudiante devait raconter son parcours, sa vie étudiante, sa filière d’études, mais donner aussi des conseils et répondre aux questions des collégiens curieux. Les regards des élèves étaient intéressés, et parfois tout de même teintés d’inquiétude. Les conseils des étudiantes étaient pédagogiques, personnalisés et rassurants. Chacune revenait sur ses choix et sa vie actuelle, en essayant de montrer que l’important est de trouver un parcours qui correspond à chacun, et que ce n’est pas nécessairement grave si on ne sait pas encore ce qu’on veut faire “plus tard” - même en étant étudiant.
Ce premier atelier, qui a lieu au sein de l’établissement, sert de base aux deux autres ateliers qui suivent, et notamment à l’immersion sur un campus universitaire. En fonction de la Cordée de la Réussite à laquelle le collège est rattaché, les élèves ont ainsi accès à une visite à Lyon-1, Lyon-2, l'UCLY ou Sciences Po Lyon.
Le but de cette immersion ? Permettre aux collégiens de comprendre encore plus concrètement à quoi ressemble le monde de l’enseignement supérieur - et ce en découvrant des lieux clés de la fac : bibliothèque universitaire, restaurant universitaire, salles de classe, etc. Chaque visite est organisée de manière ludique, avec des énigmes, jeux de piste ou autres moyens pédagogiques imaginés pour leur transmettre les informations sur le campus. Un livret d’explications et un diplôme-souvenir sont ensuite distribués à chaque élève, afin d’ancrer dans leurs esprits les connaissances qu’ils ont acquises ainsi que leur participation à cette visite.
Enfin, le troisième atelier proposé par l’Afev aux établissements participant au programme Démo’Campus est, au choix, un module sur la connaissance de soi ou une rencontre avec des professionnels. Ces dernières rencontres, avec des “pros”, ont le même objectif que les interventions d’étudiants : l’échange, la compréhension plus fine de secteurs professionnels, l’ouverture du champ des possibles pour les collégiens.
L'orientation, un sujet-clé des tiers-lieux Truffaut et le Repairs
A Lyon, on se déplace dans les établissements scolaires pour parler orientation et démocratiser l’enseignement supérieur en se déplaçant dans différents établissements scolaires… mais pas seulement ! L’Afev anime également des lieux ancrés et physiques pour que les jeunes puissent venir se poser, se rencontrer, et échanger sur différentes thématiques, et notamment celle de l’orientation.
Il y a le RePairs, local situé dans le quartier de La Duchère, ainsi qu’un autre tiers-lieu, situé dans l’ancien collège Truffaut, sur les pentes de la Croix Rousse, et qui cherche encore son nom. Ces locaux sont ouverts aux jeunes lycéens et étudiant⋅es - qui se sont d’ailleurs bien saisis de l’invitation. Ainsi, à Truffaut, plusieurs dizaines de lycéens viennent quotidiennement (le midi ou en fin de journée) pour déjeuner ensemble, participer à des ateliers, discuter, travailler.
Si la thématique de l’accompagnement à l’orientation scolaire reste un fil conducteur de l’esprit du lieu, est mise en place une programmation mensuelle thématique. L’aide à l’orientation était la star du mois de janvier : entre un quiz sur Parcoursup un mercredi midi, des rencontres avec des étudiant⋅es un samedi matin et un débat sur les études supérieures un autre samedi matin, les jeunes du quartier avaient le choix en ce début d’année.
Ces différents événements, à l’instar des ateliers Démo’Campus, n’ont pas comme objectif de guider très catégoriquement les élèves, mais de créer la discussion et l’échange, de les faire réfléchir, de provoquer la rencontre, de leur montrer l’étendue du champ de leurs possibles.
La sensibilisation des familles
Si l’Afev Lyon accompagne des centaines de jeunes dans leur parcours d’orientation et dans l’accès aux études supérieures, l’équipe sait à quel point les familles de ces jeunes constituent également des éléments-clés dans la construction de leur choix de filières et d’études. Les discussions que les jeunes ont avec leurs familles, les conseils qu’ils reçoivent (ou non) de leur part, le parcours d’études et de vie de leurs propres parents sont autant d’éléments qui guident les élèves dans la construction de leurs propres projets.
L’Afev a conscience qu’au sein des quartiers et des familles les plus défavorisés, la connaissance des différentes filières possibles est moindre, l’auto-censure est plus importante, et l’accès à l’enseignement supérieur est plus compliqué qu’ailleurs. Sur la base de ce constat, l’équipe lyonnaise de l’Afev a alors décidé d’en faire un axe de travail primordial cette année, dans le cadre d’un projet régional. Elle va donc mettre en place nombre d’ateliers et d’événements pour sensibiliser les familles des élèves accompagnés dans le cadre des ateliers Démo’Campus - et ce grâce au soutien de la DREETS d’Auvergne Rhône Alpes.
Le principe de ces événements ? Proposer à plusieurs parents de venir avec leur(s) enfant(s) à une rencontre avec l’enseignement supérieur en soirée - notamment dans les collèges du- ou desdits enfant(s). Ceci afin de les informer sur la diversité des parcours post-bac possibles, sur la vie étudiante, les aides financières. La volonté de l’Afev, en amorçant ces échanges entre les parents, les étudiants et les universités de leur territoire, est de déconstruire les idées reçues et le manque de connaissances que les familles peuvent avoir sur ces sujets-là. En leur proposant de venir participer à ces sessions de présentations et d’échanges informels, il s’agit de créer un climat de confiance entre l’enseignement supérieur et les familles des quartiers populaires, afin de rendre possible une projection vers les études supérieures pour leurs enfants.
En plus d’organiser ces événements en soirée au cours du printemps pour les familles, l’Afev Auvergne Rhône-Alpes réfléchit également à leur proposer des immersions au sein d’une université. En effet, visiter et en s’immerger dans un campus universitaire permet aux parents de comprendre bien plus concrètement en quoi la vie étudiante consiste, comment sont organisés les cours, quelles sont les possibilités d’engagement, d’activités sportives ou culturelles… Le but de ce projet est de rendre l’enseignement supérieur beaucoup moins lointain et impressionnant que l’image qui peut être cultivée dans leurs esprits. Et ce, toujours afin d’ouvrir les horizons et le champ des possibles.
Ainsi, entre ateliers Démo’Campus en établissement, activités collectives au sein de tiers-lieux, sensibilisation des familles et mentorat des collégiens et lycéens, l’Afev Lyon est mobilisée à 100% sur cet enjeu de société qu’est la lutte contre les inégalités d’orientation… et elle n’a pas fini de faire parler d’elle !
Judith Motillon Alonso
Partager cet article