REET : 1ères Rencontres de l’expérience étudiante et des territoires

Rencontres expérience étudiante et territoires

Le 29 juin dernier se tenaient au Centre universitaire Clignancourt/Sorbonne Université, à Paris, les premières REET, pour Rencontres Expérience étudiante & Territoires, organisées par l’Afev et sa Directrice de l’enseignement supérieur et de la jeunesse Sandrine Martin, en partenariat avec l’Association des villes universitaires de France (AVUF), le programme Mentor your Future et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Elles posaient la question suivante : « Quelles évolutions de la reconnaissance de l’engagement étudiant en France et en Europe ? », à laquelle un grand nombre d’intervenants impliqués ont apporté des éléments de réponse pendant toute la journée.

Accueillis par Myriam Bellehiguen, maîtresse de conférences et Directrice du Centre Universitaire Clignancourt / Sorbonne Université, puis Christophe Paris, Directeur général de l’Afev et Président du Collectif Mentorat, les plus de 200 participants ont pu entendre la première souligner « l’extrême variété et vitalité des engagements de [ses] étudiantes et étudiants, dans des champs très divers », au cours desquels « ils donnent beaucoup, mais reçoivent aussi en retour » (il s’agit donc « d’une dynamique vertueuse, qui fonctionne dans les deux sens »), et le fait que « la reconnaissance de ces engagements gagne en intensité chaque année. »

Le second, quant à lui, a insisté sur la structuration de la journée, « avec deux temps qui se répondent », et rappelé que la raison pour laquelle son association développe l’engagement, « ce n’est pas simplement parce que cela apporte quelque chose aux étudiants ou aux jeunes, mais aussi parce que c’est utile à la société. D’autant que plus notre action est utile, plus l’on apprend. » Pour lui, il s’agit désormais de se demander « comment le mentorat peut devenir, encore plus, un élément intégré au parcours – plutôt que quelque chose ″à côté" », et donc de « construire des outils, des méthodes, pour faciliter ce travail », puis de questionner plus avant, dans une relation fine avec la sphère universitaire, « la question de la valorisation de cet engagement » - pour parvenir, à terme, à mobiliser plus massivement les étudiants, afin de parvenir à « refaire société ensemble. »

Mentor your future et le mentorat

En matinée, les projecteurs étaient braqués sur le dispositif Mentor your future, qui rassemble depuis trois ans six partenaires dans toute l’Europe ( Big Brothers Big Sisters of Bulgaria, NHL Stenden University of Applied Sciences, Coordinadora de Mentoria social, University of Nicosia, The Accreditation Council for Entrepreneurial and Engaged Universities et l’Afev) autour de la promotion de l’engagement étudiant comme outil pour lutter contre les inégalités sociales et éducatives. Les échanges ont été introduits par Anne Rudisuhli, Conseillère départementale des Bouches-du-Rhône, Déléguée aux Affaires européennes et membre du Comité européen des régions, puis Thibaut de Saint Pol, Directeur de la Jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) au Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse.


La première a rappelé tous les bénéfices du mentorat, et affirmé qu’il est « de notre responsabilité de donner aux étudiants les clefs et opportunités pour parvenir » à s’engager dans de bonnes conditions. D’autant que « le mentorat constitue un outil puissant de résolution des problèmes auxquels l’Europe est confrontée. » Pour autant, il reste « très fragmenté, avec des inégalités entre les acteurs et les Etats », d’où la nécessité de créer « un réseau européen pour favoriser les rencontres et les formations », et pourquoi pas… de mettre en place un CV européen, « qui permettrait d’accentuer la culture de l’engagement au sein de l’UE » ? De son côté, Thibaut de Saint Pol, revenant sur les enseignements déjà tirés du plan 1 jeune 1 mentor, a expliqué que « proportionnellement au nombre total d’habitants, les étudiants sont plus engagés que les actifs », et insisté sur l’importance de « mettre en lumière des innovations et de bonnes pratiques. »

Eunice Mangado-Lunetta, Directrice des Programmes à l’Afev, a quant à elle indiqué qu’il « n’y a pas d’engagement étudiant sans l’engagement des universités », et qu’il faut donc « réfléchir à la manière dont ces dernières peuvent créer le cadre d’un engagement systémique. » Se sont ensuite ouvertes deux tables-rondes. L’une, dédiée à la place du mentorat étudiant en France et en Europe, réunissait l’anthropologue et Coordinatrice du Programme de Volontariat du Département Communauté & Equité de l’Universitat Oberta de Catalunya Aina Villalonga Vadell (« Le mentorat permet aux étudiants de considérer la communauté universitaire comme inclusive (…), souvent d’initier un engagement de long terme (…), et aux étudiants d’être de véritables acteurs du changement social »), la Déléguée régionale de l’ Afev Catalogne Laia Bernués (« En Espagne, le mentorat permet aussi et surtout de démocratiser l’enseignement supérieur »), et deux bénévoles étudiants du Projet Rebond (qui organise des interventions groupées en centres de détention), Swanie Juret et Achille Francheteau.

La seconde, exclusivement féminine et intitulée « Comment transformer l’ambition de Mentor your future ? », rassemblait Eunice Mangado-Lunetta, la Coordinatrice internationale de la NHL Stenden University Afke Bruinsma, la Déléguée générale d’ Animafac Sarah Bilot, l’étudiante et ancienne de l’Afev Emma Germain-Leclerc et la volontaire en service civique à l’Afev Tayssir Najar (qui a participé à la formation européenne). Les deux dernières ont témoigné du fait que « le mentorat permet de développer la conscience de soi, des autres et l’empathie », et que la formation européenne constituait « un moment riche de partage d’expérience avec d’autres mentors étudiants. »

Puis Afke Bruinsma a présenté le guide stratégique européen élaboré par Mentor your future, qui répond à « trois objectifs : définir le mentorat étudiant comme un engagement civique à fort impact social ; le reconnaître comme un atout pour la réussite académique et professionnelle des étudiants ; mettre en œuvre et évaluer un programme de mentorat étudiant de qualité. » Enfin, Sarah Billot a donné les clés d’une harmonisation des pratiques de mentorat dans les différents pays : fournir des « ressources et pratiques inspirantes » aux universités ; « diffuser et inciter les acteurs à s’emparer des bonnes pratiques »… voire envisager, comme en Belgique, un soutien financier individuel à destination des étudiants qui souhaitent s’engager.

La question de l’engagement

Au cours de l’après-midi, il a plutôt été question, sous la houlette de Sandrine Martin, d’interroger les évolutions et enjeux de la reconnaissance de l’engagement – « dans l’enseignement supérieur, certes, mais aussi au sein d’entreprises, de collectivités locales, etc. » Le grand témoin de ce temps d’échanges était Valérie Becquet, Professeure des Universités en Sciences de l’éducation et de la Formation à l’INSPE de Versailles / Cy Cergy Paris Université. Rappelant qu’il y a « quelques années, les activités bénévoles étaient souvent disqualifiées par les universités », elle s’est réjouie du fait qu’ensuite, « l’agenda des politiques publiques a commencé à insérer la notion de reconnaissance de l’engagement », notamment autour de la question des soft skills ou compétences sociales. Puis elle a défini plusieurs types de parcours d’engagement (capitalisation, transfert, "braconnage" et recherche d’espaces de liberté, parfois autogérés).

Là encore, deux tables-rondes thématiques ont permis de prolonger la réflexion. La première, qui se demandait, « Six ans après la loi Egalité et citoyenneté, quelles sont les évolutions en matière de validation des compétences acquises via l’engagement des étudiants ? », donnait la parole à la vice-Présidente chargée des affaires académiques ESR à la Fage Miryam Bercher (pour laquelle la reconnaissance de l’engagement est encore très inégalitaire sur le territoire, d’où l’intérêt de l’intégrer au sein du cursus – y compris à destination des employeurs), au Directeur de l’Ecole nationale supérieure de Mécanique et d’Aérotechnique (ISAE-ENSMA) Majdi Khoudeir (qui « préfère recruter quelqu’un qui est prêt à embarquer tout le monde dans son monospace que quelqu’un qui conduit une Formule 1 tout seul », et pour lequel l’engagement renforce le sentiment d’appartenance au collectif), puis au Président de PJ Consulting et administrateur de l’Afev Patrick Jeantet (qui estime que cette association « doit jouer un rôle facilitateur pour accompagner les universités dans la reconnaissance de l’engagement »).

La seconde, intitulée « La reconnaissance de l’engagement, un outil au service de la citoyenneté des jeunes ? », était structurée autour de quatre prises de paroles. Nadia Bellaoui, Présidente de l’Agence du Service Civique , a ainsi expliqué que « la reconnaissance publique du service civique a été une condition-clé, qui a contribué à sa réussite notamment en touchant des publics qui n’étaient pas engagés », mais regretté que « la loi de 2017 ne se traduit pas, dans les faits, suffisamment » - ce qui est d’autant plus regrettable que « l’existence du texte donne des marges de manœuvre. » Pourtant, « on souffre d’un problème de portage du sujet. »

Bastien Bernela, Maître de conférences à l’Université de Poitiers, vice-Président de la Communauté urbaine de Grand-Poitiers et membre du bureau de l’Avuf, a ensuite indiqué que « les collectivités locales aujourd’hui sont dans une politique d’ancrage des étudiants » et insisté sur le fait que « le service civique a un impact sur l’insertion professionnelle des jeunes – et d’autant plus pour ceux qui sont éloignés de l’emploi. » Sarah Billot a alors rappelé l’importance de « faire confiance aux jeunes, en les traitant de la même manière que n’importe quel autre citoyen », avant qu’Ilyas Kenadid, Responsable de la stratégie et des grands projets à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC), ne confirme le fait que « l’étudiant est un citoyen acteur de sa trajectoire. »

En conclusion de ces travaux, Sandrine Martin est revenue sur un élément mis en lumière plus tôt par Sarah Bilot : la question de l’année de césure, « qu’il est également important de défendre lorsque l’on parle de l’engagement étudiant, notamment dans une période post-Covid où la question de la "pause" s’appréhende différemment. » De manière plus générale, selon elle, « l’expérience étudiante, dans sa globalité, constitue un élément essentiel pour le développement des territoires. » Or, si l’on dispose aujourd’hui d’un grand nombre d’outils susceptibles de la renforcer et de contribuer à sa plus grande reconnaissance, il ne manque peut-être plus que « l’indispensable volonté politique de les mettre en œuvre »…

Aurélie Guine / François Perrin

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