Paul Robert : « En Finlande, tout est fait pour que l’enfant se sente bien »

Un système éducatif qui place les besoins de l’enfant au coeur de son fonctionnement : c’est la description que Paul Robert, principal de collège, fait de l’école finlandaise. Un modèle pour notre pays ?

 

Dans vos analyses de l’école en Finlande, vous insistez sur l’idée que l’enfant est au centre de l’organisation du système…

Paul Robert : Oui, tout est fait pour que l’enfant se sente bien à l’école, et que l’école réponde aux besoins des enfants. Besoins intellectuels mais pas seulement : les besoins d’ordre socio-affectif ne sont pas oubliés. Les relations avec les professeurs sont beaucoup plus faciles qu’en France, les problèmes de discipline sont beaucoup moins prégnants, et la frontière entre familles et école est beaucoup moins marquée.

Revenons sur ces trois points : en quoi les relations avec les enseignants sont-elles plus simples qu’en France ?

Paul Robert : Les enseignants ont une conception totalement différente de leur métier. Ils ne se considèrent pas seulement comme porteurs d’un savoir que les enfants doivent acquérir d’eux, mais se soucient de la façon dont les élèves vont acquérir ce savoir. En termes de pratiques pédagogiques, cela se traduit par une posture différente de l’enseignant : il se place dans le côte à côte avec l’enfant, dans l’accompagnement vers l’acquisition des savoirs, la sollicitude. De même, rien de ce qui concerne l’enfant ne lui est étranger : il n’y a pas de césure entre le domaine des savoirs et le domaine éducatif au sens large. C’est très vrai à l’école fondamentale, qui s’adresse aux enfants de 7 à 16 ans, et souvent encore au lycée. Cette bienveillance se traduit aussi dans l’évaluation, dont on sait qu’elle est un facteur de création artificielle de l’échec scolaire. La Finlande a supprimé toute évaluation chiffrée jusqu’à un âge avancé – vers 12 ou 13 ans la plupart du temps – ce qui n’empêche pas la Finlande de caracoler en tête de toutes les évaluations internationales type PISA.

Cette posture des enseignants expliquerait le faible nombre de problèmes de disciplines ?

Paul Robert : De façon générale, les élèves sont très libres d’être eux-mêmes, qu’il s’agisse de la tenue vestimentaire ou de la circulation dans l’établissement. Il faut dire aussi que les établissements sont spacieux, agréables, sans clôture, ouverts sur l’environnement extérieur. Les relations sont, dans l’ensemble, aussi très agréables entre les enfants. Cela n’exclut pas l’existence, ici ou là, des formes de harcèlement entre pairs (« school bullying »), mais des programmes de prévention ont été développées pour éviter ces phénomènes – d’autant que la Finlande a été marquée par deux massacres commis par des jeunes scolarisés en lycée.

En quoi la place des familles est-elle différente en Finlande, comparée à la France ?

Paul Robert : Les parents ont une place prépondérante dans ce qui serait en France les conseils d’administration, avec 50% des sièges. Ils participent au recrutement des enseignants dans beaucoup d’établissements (le système éducatif laisse une large autonomie à chaque établissement, NDLR). De façon générale, ils sont considérés comme co-éducateurs et prennent toute leur place à l’école ; il n’y a pas cette méfiance envers les parents que l’on peut retrouver en France, et le dialogue avec les enseignants est constant – y compris via des moyens technologiques pour prévenir des absences ou des problèmes de comportement par exemple.

Un pays idéal alors, sans ce qu’on appellerait en France « des parents démissionnaires » ?

Paul Robert : Bien sûr, la Finlande connaît en ce moment une évolution sociale qui produit plus de familles déstructurées, ou des familles monoparentales. Mais l’idée est de régler les problèmes par le dialogue avant tout, pas par la répression.

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