Depuis la rentrée 2015, le diplôme universitaire Paréo (« Passeport pour réussir et s'orienter ») de l'Université Paris-Descartes vise, à son échelle, à pallier les difficultés d'orientation de lycéens, d'étudiants nouvellement inscrits ou de jeunes peinant à trouver leur place au sein de l'enseignement supérieur, afin de leur permettre de mettre en forme puis en œuvre leur projet éducatif. Retour sur deux années d'expérience innovante avec Marion Petipré, chargée de mission Réussite à l'Université Paris-Descartes et coordinatrice pédagogique Paréo.
Voté en juin 2015 par les instances de Paris-Descartes, le DU Paréo, financé par l'Idex de Sorbonne Paris Cité et sur les fonds propres de l'établissement, se fonde sur des pédagogies innovantes pour contribuer à régler les criants et très actuels problèmes de décrochage à l'Université, « une problématique liée soit au niveau soit à l'orientation, à laquelle nous avons décidé d'apporter une solution parmi tant d'autres ; nous avons en effet tous, par exemple l'Université, une part de responsabilité à prendre », selon Marion Petipré, chargée de mission Réussite à l'Université. Conçue par cette dernière pour le président Frédéric Dardel et la vice-Présidente à la CFVU Marie-Hélène Jeanneret, cette formation vise « à redonner du sens à l'apprentissage et à instaurer un temps de réflexion pour permettre aux jeunes de savoir où ils veulent aller et comment ils souhaitent s'y rendre. Jusqu'à aujourd'hui, l'absence de sas réel rendait très violente la bascule entre "j'ai obtenu mon bac" et "je rentre à l'université"... »
Pour ce faire, une équipe dédiée a été mis en place : enseignants, responsables pédagogiques, et même cette année « un Service civique qui nous a rejoints, responsable dans le cadre des Cordées de la réussite de notre programme "Orientation active" à destination des lycéens de première et de terminale. » En effet, « notre but est d'essaimer cette logique-là, par exemple via notre dépôt d'un projet de serious game, la multiplication des partenariats (35 établissements à ce jour dans tout l'Hexagone, dont des lycées et CFA), de faire prendre conscience à tous de l'urgence du problème sociétal auquel nous sommes confrontés, et de faire connaître la manière dont nous tentons d'y remédier. » Dans le même ordre d'idées, il ne s'agit pas à tout prix de « capter » les étudiants au sein de Paris-Descartes, mais de leur donner les moyens de leurs ambitions... voire d'aider les « étudiants errants » à définir, précisément, cette ambition.
Dès la première promotion de novembre 2015, les responsables s'aperçoivent de la variété des origines des différents candidats – décrocheurs des filières de Paris-Descartes ou de l'ensemble des établissements français, personnes sans affectation, en reprise d'études, etc. Ils réalisent aussi rapidement que certains jeunes, dès l'année du bac, peinent à prendre une décision, et pourraient être intéressés par un cursus les autorisant à « prendre une année pour construire leur projet. » Ainsi, dès janvier 2016, ils demandent et obtiennent d'être éligibles aux bourses du Crous et d'intégrer la procédure APB (Admission post-bac), afin de proposer à tous un cadre cohérent et reconnu pour construire leur projet. Par conséquent, aujourd'hui, une première rentrée intervient en septembre, sur APB (pour 40 titulaires du bac s'étant inscrits en amont, sur les 200 candidats de mars 2016 et les... 900 de mars 2017), et une deuxième, pour un effectif équivalent de « décrocheurs de la Toussaint », en novembre. Le tout pour un montant d'inscription équivalent à celui de la licence, « une décision sociétale, visant à éviter d'introduire une lourde contrainte économique dans le choix des jeunes. »
La pédagogie, sur la base d'un tronc commun puis d'un choix entre « sciences » et « sciences de la société », s'organise via des stages et des immersions (en novembre et février), mais aussi beaucoup par projets, et les équipes insistent auprès des étudiants sur la dimension décisive de leur implication ; « Il s'agit de les sortir d'une passivité où ils se sentent spectateurs de leur vie. Nous sommes assez clairs avec eux sur le fait que s'ils ne sont pas eux-mêmes acteurs de leur orientation, notre aide ne leur sera pas d'un grand secours. Il faut préciser ce qu'on souhaite faire, puis se donner les moyens d'atteindre son objectif : il s'agit de développer une capacité à s'auto-orienter, avec élaboration d'un schéma d'orientation propre, envisageant des plans A, B, C ou D. » Ainsi, quand il s'agit de mettre en place un forum des métiers, on les incite à trouver des professionnels ; ils sont également envoyés sur les salons, ou dans les classes de lycées partenaires (BTS ou classes préparatoires) pour parler du dispositif. De la même façon, « un travail très important est accompli avec l'Afev ou Zup de Co : nous estimons qu'une personne qui est en train de chercher à injecter du sens dans sa vie a besoin de pouvoir se projeter et de donner aux autres ce qu'il reçoit lui-même. Devenir responsable d'élèves en difficulté les place dans une posture où ils acquièrent des compétences complémentaires à celles enseignées à l'Université, et établit une chaîne de solidarité qui les responsabilise. »
De la même façon, les diplômés des premières promotions sont incités (ou décident par eux-mêmes) de témoigner quant à leur expérience, quel que soit le cadre : vidéos Youtube, participation aux ateliers d'écriture de la Zone d'expression prioritaire (ZEP), etc. Certains étaient « des pages blanches, titulaires par exemple d'un bac S ou ES dont on leur a dit qu'il "menait à tout", mais qui n'avaient vraiment aucune idée de ce qu'ils voulaient », d'autres sont arrivés avec une idée à peu près précise mais ont évolué en cours de cursus, se sensibilisant à l'alternance ou évaluant mieux le niveau requis pour telle ou telle formation, voire l'existence d'une autre ou la variété de l'éventail des professions envisageables en fonction de leurs préférences. « Décrire leur parcours leur fait du bien, et les sort là encore de cette passivité. »
Propos recueillis par François Perrin
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