Le 26 juin dernier, l'Observatoire de la responsabilité sociétale des universités (ORSU) de l'Afev organisait ses premiers « ORSU Talks » au sein de l'auditorium du journal Le Monde. Une journée pleine consacrée à une thématique aussi vaste qu'essentielle : « Démocratiser la réussite dans l'enseignement supérieur ». Retour sur une fin de journée articulée autour d'une table-ronde.
Avec aux commandes la directrice de l'ESS à l'Afev Élise Renaudin, la table-ronde concluant la journée posait d'abord une question claire : « 60% d'une génération diplômée de l'enseignement supérieur, est-ce possible ? » Interrogée sur les premiers effets de Parcoursup et de la récente réforme du lycée et de l'orientation, la directrice du Centre égalité des chances de l'Essec Chantal Dardelet, elle a parlé d'un « évident besoin de réajustements » mais de programmes ambitieux visant à « permettre à chaque jeune de se connaître et de déterminer comment il peut devenir utile à la société, tout en développant ses compétences – y compris transversales. » Selon elle, les établissements peuvent faire beaucoup (et pour certains, beaucoup plus qu'à l'heure actuelle), en s'appuyant sur « les ressources vives que sont les étudiants, capables de s'enrichir tout en aidant les plus jeunes. » Reste aux établissements à reconnaître ces activités, à les favoriser et à les valoriser. Le système scolaire, quant à lui, « doit évoluer ». Pour évoluer dans le sens de la lutte des inégalités, il s'agit selon elle de travailler sur « quatre dimensions impératives » : travailler en amont, sur les processus d'admission, changer les modalités d'accueil des étudiants et des publics, et repenser les aspects matériels.
Marie-Christine Lemardeley, adjointe à la Maire de Paris chargée de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de la vie étudiante, a ensuite eu l'occasion d'expliquer en quoi une collectivité pouvait prendre en compte et agir sur la massification du nombre d'étudiants à l'échelle locale (350 000 étudiants à Paris). « Un dixième des Parisiens sont des étudiants, a-t-elle rappelé, et les politiques ne s'y intéressent pourtant qu'occasionnellement, à la marge – il s'agit d'électeurs mobiles, indociles. » Une tendance interrompue par le choix politique de Bertrand Delanoë, et Anne Hidalgo après lui, de nommer un adjoint délégué à ces questions, et d'ouvrir des chantiers dans l'ensemble des domaines : logement social étudiant, bien sûr, mais aussi mobilités, offres culturelles, développement d'espaces de travail collaboratifs dédiés, diffusion de la culture scientifique en lien direct avec les universités (« Village des sciences » à Jussieu). L'adjointe s'est aussi montrée très favorable aux Kaps de l'Afev, et à toutes initiatives susceptibles de « transformer les étudiants en citoyens parisiens à part entière », acquérant d'ailleurs par leur engagement des compétences transversales.
Représentant la Présidente de l'Avuf Catherine Vautrin, le délégué général de l'association François Rio a livré la position des villes universitaires notamment sur le sujet du décrochage universitaire - des jeunes « s'évaporant dans la nature, que l'on retrouve souvent dans nos missions locales d'insertion » - et du nécessaire accompagnement de la mobilité des étudiants (« Partir, c'est se donner davantage de chances de faire son chemin dans un monde de plus en plus globalisé ») Sur les territoires, la question de la démocratisation nécessite une concertation raisonnée entre les différents acteurs, à tous niveaux – y compris dits « périphériques » (« 11 universités françaises ont leur siège en ville moyenne, avec des taux de boursiers beaucoup plus importants qu'ailleurs »). Un défi demeure, enfin, selon lui : qu'adviendra-t-il des antennes ouvertes en villes moyennes après « digestion » universitaire du baby-boom des années 2000-2006 ?
Elise Renaudin a ensuite demandé à l'ensemble des intervenants leur position sur la question du numérique : s'agit-il d'un créateur d'inégalités ou d'opportunités ? Pour Chantal Dardelet, « si on ne fait rien, les inégalités augmenteront dans ce domaine ; il faut forcer le destin, avoir une politique résolument volontariste. » Selon Marie-Christine Lemardeley, des initiatives sont mises en place (« mooks », école numérique, cours de codage...), afin de « passer le relais aux millenials ». Pour François Rio, enfin, le numérique « change beaucoup de choses, dans l'enseignement », et qu'il s'agit donc de mieux armer les enseignants sur le digital, même s'il ne s'agit pas là du cœur de métier des collectivités à proprement parler, qui ont pourtant « tout intérêt à ce que les jeunes de leurs territoires réussissent aussi dans ce domaine. »
Afin de lier la question de la démocratisation et celle de la mobilité, les Orsu Talks ont ensuite donné la parole, avant une séance fournie de questions, à trois jeunes femmes : en premier lieu Laurie Timon, arrivée en métropole depuis la Martinique pour ses études, qui a pu ressentir les bienfaits du Service civique à l'Afev et a exprimé son souhait de voir proposer aux jeunes en mobilité des tutorats au sein des Universités, afin de rompre leur isolement. Puis Sarah Holveck, pour ESN France (Erasmus Student Network), un réseau d'associations accueillant les étudiants internationaux et faisant la proposition de la mobilité internationale auprès des jeunes. Selon elle, l'accès à l'information continue à pêcher dans ce domaine en fonction des cursus, et il s'agirait de « faire un pont entre le secteur enseignement supérieur et la jeunesse » pour mieux prendre en compte les désirs de parcours d'apprentissage non linéaires. Élodie Baussand, enfin, associée au sein du cabinet de conseil en stratégie opérationnelle Tenzing Conseil, a expliqué le choix de sa structure de ne pas miser sur l'élitisme mais une ouverture au plus grand nombre, en s'affranchissant du CV pour « porter un autre regard sur les parcours » et les diverses formes d'expériences et de compétences acquises.
Cette première édition des ORSU Talks, dont une nouvelle s'est conclue par une intervention du Commissaire général délégué à l’Égalité des Territoires Sébastien Jallet, puis du Directeur général de l'Afev Christophe Paris ainsi que d'Emmanuel Davidenkoff, rédacteur en chef du Monde Campus. Un nouveau rendez-vous devrait être organisé d'ici six mois.
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