C’est sur la question de "L’expérience étudiante au sortir de la crise sanitaire" qu’ont porté les échanges de la troisième édition des ORSU Talks, organisée par l’Afev le 22 juin dernier. Parmi les trois ateliers thématiques proposés, retour sur celui consacré au logement étudiant.
Cet atelier, intitulé « La colocation solidaire, une nouvelle façon de s’engager au sein de son territoire » et animé par Jérôme Sturla, Directeur du développement urbain de l’Afev, a donné l’occasion de revenir en détail, notamment, sur le projet Kaps, en le considérant comme susceptible d’apporter une réponse sociale pertinente à la problématique du logement des jeunes. Et ce non seulement dans le cadre d’un accroissement fort de la demande de colocation des étudiants, mais aussi parce qu’il active et repose sur une interaction forte (remède évident aux risques d’isolement), favorise aussi une mixité sociale qu’il est indispensable non d’imposer mais de construire dans la durée.
Numérique, mobilités et crise sanitaire
Premier à s’exprimer, Nicolas Delesque, Directeur de la publication d’Universités et Territoires et Délégué général des Rendez-vous du logement étudiant, a fait le bilan « d’un an et demi de ralentissement forcé » dans le domaine du logement jeunes, en centrant son intervention sur « l’avènement du numérique, dans un contexte d’accélération de ce dernier, concomitant à un ralentissement de la mobilité. » Dans ces conditions, a-t-il indiqué, la question suivante se pose, dont doit s’emparer l’Université : « Pourquoi continuerait-on à se rendre sur un campus ? » L’avènement du numérique, de fait, « aura un impact sur les surfaces au sein des universités, avec l’évolution des usages, mais aussi sur les surfaces des logements. » Ces derniers ne conviennent en effet plus « dès qu’il ne s’agit plus que d’y dormir, mais de les habiter. » Or la proportion des logements partagés est bien moindre en France que chez nos voisins européens. De cette crise a aussi émergé « un besoin de sécurité associé à de la bienveillance, qui peut avoir aussi un impact sur le logement étudiant » : au-delà d’un logement, nombre de familles recherchent également « des modalités d’accompagnement, de surveillance au sens positif du terme, d’encadrement... » Ce qui a motivé des bailleurs à travailler de plus en plus avec des associations, à l’instar par exemple de Studéa/Nexity, et des établissements à interagir de plus en plus finement avec les lieux de résidence eux-mêmes, avec un impact très positif sur les familles. Pour lui, enfin, la crise sanitaire a remis en cause en profondeur, sur la question de la mobilité, la tendance lourde à « la métropolisation de l’enseignement supérieur. » Dans ce cadre, les « notions de villes moyennes et d’universités moyennes, dites aussi d’équilibre » peuvent peut-être tirer leur épingle du jeu.Les Kaps : regards croisés
De son côté, l’adjoint au Maire de Toulouse (et Maire du Mirail) Gaëtan Cognard a eu l’occasion de parler de la résidence Kaps de l’Afev implantée sur le quartier du Mirail (qui concerne plus de 80 jeunes, certains depuis 4 ans), et de l’importance pour des étudiants engagés de résider sur le territoire de leurs actions – y compris pendant la crise sanitaire à proprement parler. Il a aussi abordé en profondeur les questions du renforcement de la cohésion sociale et de la mixité sociale, « généralement envisagée en produisant du logement, alors qu’il est aussi facile d’en introduire en passant par les usages. » Pour lui, « ce dispositif Kaps de colocations impliquées dans un immeuble pour pouvoir agir répond à tous nos enjeux. Il a été, pendant la crise, le catalyseur d’une résilience très positive, en permettant de renouer des solidarités. Désormais, nous à la collectivité, nous essayons d’accompagner les associations qui interviennent sur la politique, pour leur fournir des modes d’intervention différents. » Ainsi, « envisager l’Afev comme acteur primordial de la politique de la ville sert non seulement la cohésion, mais aussi la mixité sociale, qui s’entend sur le temps long. » François-Antoine Mariani, Directeur général délégué Politique de la Ville à l’ANCT, était également présent pour livrer une vision plus "panoramique" de la situation (1 500 QPV en France, qui « concentrent beaucoup de pauvreté, des profils assez identiques, beaucoup d’éléments qui rendent difficile des actions sur le temps long »), tout en expliquant pourquoi sa structure avait décidé de soutenir, via Tremplin asso, le dispositif Kaps. Pour agir sur ces territoires, il a identifié plusieurs leviers : la sécurité, la cohésion sociale, les problématiques éducatives et celles liées à l’emploi. Or le dispositif Kaps, à ce titre, « permet à la fois d’offrir une expérience importante aux étudiants eux-mêmes, mais aussi d’agir sur la cohésion sociale, en cochant énormément de cases dans une logique gagnant/gagnant. » Pour ces raisons, l’ANCT « espère pouvoir aider l’Afev à monter en échelle, à grossir pour faire de plus en plus. » Après une collectivité locale, après l’Etat, c’est à un opérateur qu’était tendu le micro, en la personne de Jean-Baptiste Desanlis, Directeur interrégional Sud-Ouest de CDC Habitat – une structure avec laquelle l’Afev travaille dans le cadre d’un partenariat sans cesse renforcé. Au sujet des Kaps il a parlé d’une « idée simple mais très puissante, celle d’une colocation étudiante, à but citoyen, d’une solution logement qui favorise la mixité (…), tout en luttant activement contre l’isolement. » Soit un dispositif forcément intéressant pour une entité comme la sienne, qui est « à la recherche de toute initiative permettant l’accès au logement, favorisant l’inclusion par le logement, et qui de manière générale prolonge et amplifie notre action, au-delà de la capacité inclusive du logement en tant que tel. » A ce titre, il est revenu sur l’expérience commune de CDC Habitat et de l’Afev sur un quartier ANRU de Bordeaux, qui a motivé ces partenaires à signer une convention pour des projets à venir, notamment « sur Grenoble, Marseille et Nîmes. » Pour conclure cet atelier avant une séance fournie de partages d’expériences, Kheira Boukralfa, Responsable nationale du logement à l’Afev, a apporté son éclairage sur la crise sanitaire (en parlant d’un « habiter ensemble qui a pu faire pare-feu » et d’un engagement « qui a pu être remède à l’anomie sociale ») et le développement général du dispositif. Elle a ainsi rebondi sur « la question de l’habiter, de la solidarité, de l’enrichissement de l’altérité dans des quartiers touchés par les stigmates de la pauvreté… » Elle a aussi rappelé que plus de 60 salariés et plus de 150 services civiques travaillaient sur les colocations solidaires à l’Afev, pour une population de « 900 jeunes qui chaque année pratiquent cette expérience particulière d’engagement, en la reliant à leur parcours universitaire » ; et que les Kaps représentaient désormais « 7 à 8% des colocations en parc social diffus dans la trentaine de nos points d’implantation et 30% des colocations étudiantes en résidences universitaires, grâce à des partenariats avec 45 bailleurs. » Ainsi, « nous sommes devenus en dix ans un acteur représentatif de ce choix d’habiter, de ce mode de vie dans lequel les habitants choisissent de faire communauté, et dans cette volonté de fournir des solutions de logement abordable pour les nouveaux arrivants dans une ville donnée. » Il s’agit enfin, pour elle et globalement, de « développer un sentiment d’appartenance positif. » François PerrinPartager cet article