Observatoire de l'engagement des jeunes 2019 : une soirée riche en enseignements (2/2)

Mardi 26 mars, la restitution des résultats de l'enquête annuelle de l'Observatoire de l'engagement des jeunes, à la Halle Pajol, a permis de confronter les points de vue entre jeunes et personnalités présentes – et ce exactement deux mois avant les élections européennes du 26 mai. Après une présentation générale des chiffres, deux tables-rondes en prise directe avec les remarques du public ont en effet assuré des échanges de haute volée. Seconde partie du compte-rendu de la soirée. Suite à la présentation des résultats de l'enquête Afev/CSAet à une première table-ronde donnant la parole à deux jeunes femmes engagées au sein d'Amnesty International (Eden Loubaho et Piruza Antonyan), au journaliste suisse Richard Werly et à la Secrétaire générale de l'OFAJ Béatrice Angrand, un second temps d'échanges était organisé. Portant sur la thématique « Europe de demain : que souhaitent les jeunes ? », il s'est tenu pendant une heure, marquée par de nettes oppositions entre intervenants, une vive participation de la salle, et le récurrent recadrage de la modératrice, la journaliste Nora Hamadi – soucieuse que la vigueur des débats ne fasse pas oublier aux participants le cœur du sujet : les préoccupations des jeunes eux-mêmes. Interrogée sur sa réaction à l'étude présentée, la Déléguée générale de Confrontations Europe Anne Macey (interrogée précédemment par le Lab'Afev s'est enthousiasmée d'avoir pu y lire « une réelle exigence des jeunes pour l'Europe, une quête de sens », même s'il « ne se retrouvent pas aujourd'hui dans le projet européen : 75% des jeunes interrogés ne sentent pas du tout européens, un chiffre à mettre en relation avec les 75% de jeunes électeurs qui n'ont pas voté aux élections européennes de 2014 »- avec comme conséquence possible l'affermissement de la position du Rassemblement national au Parlement européen. « Cela dit, a-t-elle poursuivi, il est à noter que les sujets qui préoccupent tout particulièrement la jeunesse, comme la transition écologique, sont des défis qui ne pourront être relevés qu'à l'échelle européenne. Et que pour eux, la démocratie ne se limite pas au vote, alors même qu'aujourd'hui, nos démocraties sont trop exclusivement représentatives. » Il s'agirait donc, comme l'a exprimé Nora Hamadi, de « passer à une démocratie plus participative, voire collaborative. » Thomas Porcher, quant à lui, a estimé que « les jeunes avaient une vraie lucidité », avant de rappeler la différence entre sa génération et la nouvelle : « Nous, nous voyions l'Europe comme une forteresse, qui accueillait de nouveaux pays de l'ancien bloc de l'Est - soit comme quelque chose qui allait s'imposer face à la mondialisation. Or les jeunes interrogés ici, eux, ont vu la crise de 2018, et ses résultats : "Allons-nous devoir payer pour les Grecs ?", sur BFM ; le Royaume-Uni qui préfère partir ; Orban en Hongrie, Salvini en Italie ; la crise migratoire, avec l'Aquarius que personne ne veut accueillir ; 18 millions de chômeurs dans la zone euro ; des Grecs, des Portugais, des Italiens, des Espagnols, des gens des Hauts-de-France ou du Grand-Est plus pauvres aujourd'hui qu'avant la crise... Comment imaginer, du coup, que l'Europe pourrait les faire rêver ? » Et que dire, aussi, du fait que « des gens comme moi avons voté "Non" au traité constitutionnel de 2005, et quoi ? Ils l'ont passé quand même : une preuve de grande démocratie » ? Il a ensuite détaillé d'autres faits prouvant, selon lui, la mauvaise santé de la démocratie au sein de l'Union européenne. « L'Europe, à la base, n'avait pas pour objectif de créer un citoyen européen, sympathique, qui se tient la main avec un Grec et un Italien, mais de un marché unique, une zone monétaire optimale. Or pour moi, l'Europe, ce doit être celle des jeunes, celle des peuples. » Une intervention vivement applaudie par le public. Le journaliste au Service International du Monde Philippe Ricard a ensuite proposé une analyse plus modérée, se demandant en premier lieu quel avait été l'état d'esprit des jeunes interrogés : « Ont-ils répondu par hostilité envers ce qu'ils constatent, par une forme d'indifférence, ou avec beaucoup d'évidences en tête concernant l'Europe ? »Pour lui, « nous sommes tous citoyens de démocraties, essentiellement nationales pour le moment, avec au-dessus une forme de couche supra-nationale loin d'être aboutie, mais qui dispose d'embryons d'existence démocratique en développement, avec un Parlement qui gagne en importance, et des hommes politiques identifiés. » Pour lui, les institutions européennes sont « à l'écoute des démocraties nationales, des États, mais aussi de la vie des sociétés civiles. Et si tout le monde s'accorde à dire que la crise grecque a été très mal gérée par l'Europe, dans une grande improvisation et avec un grand égoïsme entre États », tout n'est pas systématiquement aussi terrible qu'on peut le dire. Et Anne Macey de rappeler alors que « la Commission européenne propose, mais qui prend les décisions ? Ce sont nos chefs d’État et de gouvernement, au sein du Conseil, et les parlementaires européens. » Ainsi, il est un peu facile de dire, sans cesse, « c'est la faute à Bruxelles. » Et de limiter l'action de l'Union à la sphère économique : « L'Europe, ce n'est pas qu'un marché : c'est un projet politique, avec les quatre libertés de circulation, y compris des personnes, et une solidarité avec des règles communes. Ce n'est pas l'Europe à la carte. » D'ailleurs, comme l'a alors précisé Philippe Ricard : « Si l'Union européenne n'était qu'un vaste marché, les Britanniques seraient les premiers à y rester. » Sur quoi Thomas Porcher a indiqué qu'il savait apprécier la conscientisation citoyenne progressive des jeunes européens, l'idée de plus en plus courante selon laquelle « nous sommes tous sur le même bateau - même si, pour le moment, ce bateau, c'est le Titanic, et ça le restera tant que l'Europe se contentera de n'être que la franchise de la mondialisation. » Ce à quoi Anne Macey lui a répondu : « L'enjeu, ce n'est pas le statu quo, bien sûr, mais que nos préférences collectives soient prises en considération. Reste à ne pas s'enfermer dans un courant – par exemple celui de la gauche radicale - ou un parti. » Après une séquence d'échanges avec la salle, le Directeur du développement urbain à l'Afev Jérôme Sturla est venu conclure la séance, en rappelant : « L'Europe doit aussi s'incarner dans une dimension active. A l'instar de Philippe Ricard, qui a pris conscience de son identité latine en voyageant en Allemagne, l'Afev a réalisé, en dialoguant avec des réseaux de pays voisins, qu'elle constituait le premier réseau européen de mentorat éducatif. Ainsi, c'est par la pratique et les échanges que l'Europe progresse. » Retrouver la première partie du compte-rendu. François Perrin  

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