Mardi 26 mars, la restitution des résultats de l'enquête annuelle de l'Observatoire de l'engagement des jeunes, à la Halle Pajol, a permis de confronter les points de vue entre jeunes et personnalités présentes – et ce exactement deux mois avant les élections européennes du 26 mai. Après une présentation générale des chiffres, deux tables-rondes en prise directe avec les remarques du public ont en effet assuré des échanges de haute volée. Première partie du compte-rendu de la soirée.
En introduction générale, avant que le Directeur de clientèle pour l'Institut CSA Cyril Plissonneau ne vienne livrer la synthèse des résultats de l'enquête Afev/CSA, la Responsable de l'OEJ Yasmina Lamaraoui a accueilli les participants et indiqué les trois angles retenus : « Que connaissent les jeunes de l'Europe ? Comment en font-ils l'expérience, en particulier en termes de citoyenneté et de mobilité ? Comment voient-ils l'Europe de demain ? » Une consultation réalisée en partenariat avec Unis-Cités, l'OFAJ, Confrontations Europe, Citizen Campus, le Ministère des Affaires Européennes, le Haut-Commissariat à l'Engagement civique, l'ANACEJ, l'INJEP et la Fondation Hippocrène. Elle a ensuite passé le micro à la très dynamique Nora Hamadi, journaliste et présentatrice de l'émission Voxpop sur Arte.
Dans sa présentation des résultats [A retrouver ici], Cyril Plissonneau a détaillé l'échantillon (1000 jeunes de 15 à 30 ans) interrogé courant février, puis certains chiffres : « Près de six jeunes sur dix se déclarent engagés vis-à-vis de l'Europe, clairement dans la société en général, mais aussi dans un club sportif, culturel, ou dans une association – dans une moindre mesure, dans un parti ou un syndicat. » De même, « pour sept jeunes sur dix, cet engagement se concrétise, et à 41% dans une association »- des chiffres « relativement inchangés » par rapport à l'enquête de 2018. Pour eux, s'impliquer consiste à voter aux élections (55%), effectuer un service civique (45%) ou adhérer à une association, mais aussi, pour un tiers, à participer à des manifestations. Plus intrigant, 73% des jeunes se sentent citoyens français, 5% européens et 20% les deux à la fois – des chiffres qui ont motivé, à deux reprises, le directeur général de l'Afev Christophe Paris à prendre la parole pour exprimer sa stupéfaction.En outre, les jeunes se sentent, à 69%, mal informés sur l'Europe et son fonctionnement. Concernant les enjeux d'avenir, enfin, ils sont entre 40 et 57% à classer les questions environnementales (réchauffement climatique, lutte contre la pollution ou les pesticides) et la lutte contre la pauvreté au sommet de leurs préoccupations, tout en estimant (pour plus de trois sur quatre d'entre eux) qu'à ces titres, « l'Europe n'est pas à la hauteur. »
Ces éléments ont suscité quelques échanges avec la salle, avant le discours du Maire du XVIIIème arrondissement Eric Lejoindre, accompagné de son adjoint Jean-Philippe Daviaud, qui a indiqué que son arrondissement « était devenu petit à petit un arrondissement universitaire, à bas bruit, avec un grand nombre de lieux de vie étudiante », avant de rappeler l'importance qu'il y avait de consolider « une communauté de valeurs autour de la construction de cette plus belle aventure du XXème et du XXIème siècles qu'est l'Europe. » A la suite de ces quelques mots encourageants, la première table-ronde, consacrée aux questions de citoyenneté et de mobilité, s'est mise en place, avec notamment la présence de Eden Loubaho et Piruza Antonyan, respectivement lycéenne et étudiante en droit, membres de la section nivernaise d'Amnesty International. La première, qui à 16 ans n'a jamais eu l'occasion de voyager en Europe, a indiqué qu'elle se sentait « à la fois française, européenne, et africaine par l'origine ivoirienne de [ses] parents. » La seconde, de parents arméniens, née en Russie et élevée entre la France et l'Espagne (et régularisée un an auparavant), a souligné que sa trajectoire, en plus de son activité actuelle consistant à travailler sur les discriminations à l'égard de roms ou de migrants sur le continent, l'a « naturellement ouverte au Monde et à l'Europe. »
Concernant le chiffre de 25% des interrogés se sentant au moins en partie européen, la Secrétaire générale de l'OFAJ Béatrice Angrand a indiqué qu'elle « s'attendait à pire. » Pour elle, « l'Europe doit rendre les choses possibles (et en priorité tout ce qui touche à l'engagement contre le réchauffement climatique) – mais je crois aussi que de nombreux dispositifs existent d'ores et déjà, qui sont insuffisamment connus. » Pour Richard Werly en revanche, journaliste suisse au journal Le Temps, « ces résultats sont préoccupants : 27% seulement des jeunes interrogés considèrent l'Europe comme un symbole de démocratie... En revanche, je trouve intéressant que 28% d'entre eux soient au courant de la possibilité de présenter une pétition au Parlement européen. Aujourd'hui, toute cette génération ne se sent concernée que si elle peut intervenir. » Un point également relevé par Béatrice Angrand : « Beaucoup d'études montrent que chez eux, l'Europe et l'engagement vont de pair. Concernant la démocratie, vous savez, a-t-elle poursuivi à l'attention de Richard Werly, pour beaucoup de gens, l'Union européenne, c'est quand même loin. Moi, du coup, je peux comprendre que certains jeunes ne citent pas immédiatement la démocratie comme item associé à l'Europe... »
Interrogées sur cette question de l'Europe comme institution démocratique, les deux jeunes filles ont souri, avant de répondre « Question piège. J'utilise le joker. » Ce que Nora Hamadi a considéré, à raison, comme « un élément de réponse. » Un sentiment de suspicion générale au demeurant confirmé par une adresse lancée à ce sujet à la salle, puis par l'économiste Thomas Porcher, invité à la deuxième table-ronde, qui s'est permis de rappeler une phrase troublante du Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à destination du peuple grec : « les choix démocratiques ne peuvent pas s'exercer contre les traités européens" – je trouve donc les jeunes interrogés assez lucides sur ce point. »
Sur la mobilité européenne, Eden et Piruza, venues de Nevers, ont également souligné le manque d'informations qui prédomine, en particulier chez les jeunes qu'elles côtoient au quotidien – sans compter qu'avant de se poser la question d'un voyage à l'étranger, celle de l'accès à un lieu d'études même dans l'Hexagone peut poser problème. D'où l'importance, selon Béatrice Angrand de développer « le dialogue par les pairs, pour renforcer le tissu de personnes-ressources – à condition qu'elles soient mieux formées – à disposition de ceux qui cherchent à s'informer. » « Voire,a ajouté Nora Hamadi, permettre à ces jeunes gens de conscientiser le fait qu'ils sont européens », et sortir ainsi, peut-être, d'une approche purement utilitariste (quand elle existe) de l'Union européenne.
Retrouver la deuxième partie du compte-rendu.
François Perrin
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