Nouvelles formes d'urbanisme et nouvelles « fabriques urbaines » : Trois questions à Nicolas Détrie, directeur de Yes We Camp

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  Directeur de Yes We Camp, Nicolas Détrie évoque les nouvelles formes d’occupation de l’espace public en matière de logement. Il constate qu’à travers la mise en oeuvre de logements temporaires, inscrit et encadrés dans le cadre d’un projet spécifique, émerge un urbanisme collaboratif ne faisant pas l’objet de planification et d’appropriation par la puissance publique. Celui-ci cristallise de nouveaux modes de vies intégrant les notions de coproductions en matière : d’espace public, d’éducation, d’activités économiques, de prise en compte de la question écologique tout cela, bien sûr, étant boosté par le numérique. Son expérience l’incite à proposer un récit différent de notre époque à partir du lien social et du vivre ensemble. L’ambition qu’il propose est de faire cohabiter les gens et de créer une incitation à s'investir. Lors du colloque organisé par l’Afev le 20 novembre prochain sur le thème « logement des jeunes : un enjeu d’innovation sociale et urbaine » nous aurons le plaisir d’entendre une communication d’Aurore Rapin en charge du projet des Grands Voisins à Paris piloté par Yes We Camp.

Pourquoi émerge-t-il une nouvelle forme d’urbanisme ne faisant pas l’objet de planification et d’appropriation par la puissance publique ?

Il nous semble que le déploiement de cet urbanisme interstitiel et citoyen s’explique par la rencontre de deux tendances. La première, qui est la principale, vient de la société civile, c’est l’envie de pouvoir s’impliquer de nouvelles manières dans les espaces que l’on traverse chaque jour. Nous sentons tous que le monde change vite, pas toujours pour le meilleur car les dynamiques de fragmentation et de défiance sont très fortes, mais il existe aussi cet élan à vouloir essayer, entreprendre, aller au-devant de nouvelles rencontres, produire localement… Cette dynamique s’épanouit particulièrement bien dans les espaces urbains interstitiels, et il nous semble que c’est face à cette attente des riverains, des acteurs locaux et associatifs, que les décideurs, aménageurs et propriétaires publics ont commencé à bouger. La deuxième tendance que nous sentons à l’oeuvre est la prise de conscience de la puissance publique qu’ils qu’ils ont le devoir de laisser de la place aux initiatives locales, surtout lorsqu’ils ont de fait des espaces disponibles, ce qui est toujours le cas lors d’opérations de transformation urbaine. Les aménageurs ont par ailleurs compris qu’ils ne pouvaient pas seulement travailler à la fabrication d’un morceau de ville qui ne sera exploitable qu’à la livraison dans 10 ans. Le temps présent compte et l’urbanisme tactique ou transitoire trouve une place en contribuant à préfigurer et activer le projet urbain désiré.

Est-il source de nouvelles formes d’implication citoyennes ?

Oui, c’est formidable de voir combien l’espace partagé peut être un outil d’épanouissement, de lien et d’apprentissage. Les projets d’occupation temporaire (comme ils sont souvent nommés) sont souvent reconnus pour des qualités qui sont pour moi des externalités : faire économiser des frais de gardiennage, créer une destination, augmenter l’attractivité, préfigurer des futurs usages urbains… Alors que le coeur et l’immense intérêt de ces projets, c’est plutôt tout ce qui se passe au présent, et la quantité de possibilités d’implications immédiates qu’ils permettent. Les Grands Voisins ont réussi à être un espace où chacun se sent invité à proposer et réaliser, souvent de manière collective, toujours en lien avec les valeurs de générosité et innovation portées par le projet.

Son caractère temporaire n’est-il pas problématique ?

C’est un ingrédient de la recette. Parce que c’est temporaire, les occupants vont vite, se déploient. Il faut tester en réel, oser, se lancer ! Le caractère temporaire permet aussi davantage de souplesse de la part des autorités réglementaires. Il permet enfin de mettre entre parenthèse les enjeux financiers liés à l’utilisation d’un foncier. Et il ne faut pas croire que le temporaire ne dure pas. Ce qui a existé et émergé aux Grands Voisins aura des prolongements, des suites, dans d’autres lieux, et dans les trajectoires de ceux qui l’ont vécu. A Yes We Camp, nous aimons croire que ces espaces communs temporaires sont des prototypes de la manière dont pourraient s’épanouir les relations inter-humaines, et que la multiplication de ces expériences suscitera davantage d’ambition sociale pour les politiques publiques de conception et gestion des espaces urbains partagés. Photo : lesgrandsvoisins.org

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