En 1971 était livré sur le quartier du Mirail « un campus incomplet, capable d'accueillir moins de 10000 étudiants et présentant des dysfonctionnements majeurs », selon le site dédié à la rénovation de l'Université – rebaptisée – Jean Jaurès. Suite aux CPER 2000-2006 puis 2007-2013, à des premiers travaux et la mise en place d'un « dialogue compétitif entre l'Université et des groupements d'entreprises », Nicolas Golovtchenko, sociologue et vice-Président délégué au patrimoine immobilier depuis 2009, est désormais en mesure de revenir sur les étapes ayant mené à la reconstruction totale du campus... qui accueille désormais plus de 25 000 étudiants.
« Une multitude de dysfonctionnements dévalorisants et désagréables : pannes de chauffage, chutes d'eaux... » Les mots choisis par Nicolas Golovtchenko, pour décrire les rudes réalités auxquelles étaient soumis les étudiants et personnels de l'Université du Mirail, laissent peu de place au doute... L'image d'un sorte de taudis surpeuplé ne tarderait pas d'ailleurs à émerger dans l'esprit de ceux qui n'en auraient pas fait directement l'expérience. Pour autant, que faire dans une telle situation ? « Deux possibilités, poursuit-il : on se tourne soit vers l’État, mais en ce moment celui-ci nous fait bien comprendre qu'il n'a pas d'argent, soit vers les collectivités territoriales, grâce aux CPER » - à ce titre et dans l'exemple qui nous intéresse, la région Midi-Pyrénées a joué un rôle important. Pour autant, après un premier CPER 2000-2006 puis un deuxième en 2007-2013, une sombre conclusion s'impose : « pour rénover intégralement nos plus de 100 000 mètres carrés, il aurait fallu un siècle. » Heureusement, « le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche nous a proposé, en 2009, un contrat de partenariat public-privé, avec un financement exceptionnel de l'Etat à hauteur de 175 millions d'euros, et pour une fois la prise en compte dans le budget des coûts d'exploitation et de remise à niveau des bâtiments sur une longue durée. » Une opportunité que l'Université, via le président de l'époque Daniel Filâtre, décide de saisir : « Nous avons considéré qu'il n'était ni raisonnable, ni sérieux de refuser le partenariat public/privé, comme l'ont fait pour des raisons idéologiques d'autres universités. » La « machine » se met donc en branle, une étape après l'autre : à l'automne 2010, évaluation des besoins (en termes de mètres carrés, d'équipements techniques) ; puis, pendant un an, « travail de concertation avec les utilisateurs pour objectiver les besoins réels de l'établissement. » L'ensemble de ces démarches est validé par le MESR, le Rectorat et la Mission d'appui au partenariat public-privé (rattaché au Ministère du Budget), puis débouche en juin 2011 sur le lancement d'un dialogue compétitif entre l'Université et les quatre groupements d'entreprises candidats à sa reconstruction : « maîtrise d'oeuvres, architectes, constructeurs, mainteneurs, spécialistes de l'urbanisme, des différents corps de métiers... » Des entreprises comme Eiffage, Bouygues, Vinci, ou le financier Meridiam s'engagent ainsi dans le processus, qui tous affinent leurs propositions au fur et à mesure des échanges menés pendant un an avec l'ensemble des acteurs. « Ainsi, on sort aussi d'une logique où l'Université se voit remettre en fin de construction les clés des bâtiments, avec charge de les exploiter sans disposer des crédits pour le faire... » Or, rappelle le vice-Président, « en quinze ans, le coût d'une exploitation satisfaisante équivaut au coût de construction. » Une information souvent reléguée sous le boisseau par des élus friands de rubans à couper sous les projecteurs..."Ouvrir au maximum la consultation"
[caption id="attachment_2397" align="alignright" width="250"] Nicolas Golovtchenko[/caption] Ces « groupements » sont constitués « d'un binôme agence parisienne / agence toulousaine », tandis que l'Université fait le choix d'intégrer les partenaires du territoire dans la prise de décision. « Nous avons choisi d'ouvrir au maximum la consultation, en y associant nos partenaires habituels. » Une décision consensuelle prise en septembre 2012 – en faveur du projet Miralis porté par Vinci et DIF, validé par trois ministères - engage à la fois l'Université, l’État et les collectivités territoriales dans un projet à dimension urbaine - « pour lutter contre l'enclavement de l'Université dans un quartier défavorisé, et éviter d'enfermer celle-ci derrière des murailles. » Sur ce point, Nicolas Golovtchenko affirme son ambition : « Mettre l'Université en visibilité, et y proposer un ensemble des services permettant aux habitants du quartier de s'y rendre pour faire autre chose que des études de sociologie ou de grec ancien. » Ainsi naissent « La Fabrique » - qui accueille aussi des artistes en résidence et les riverains –, mais aussi un « village solidaire » - 500 mètres carrés financés par l'Université, « disposée à y accueillir des associations et entreprises de forme coopérative pour proposer une épicerie sociale et solidaire, un coiffeur à 5 euros et, pourquoi pas, un réparateur de smartphones ou de vélos, une friperie récup d'occasion... » -, 3000 mètres carrés dédiés au sport au centre du campus - « dont une salle de sports de combat, qui pourrait accueillir des petits jeunes du quartier »... sans oublier 320 logements pour étudiants et jeunes chercheurs, « afin de renforcer le potentiel de population sur place hors horaires de cours et permettre à des commerces et services de s'installer durablement sur le territoire. » En effet, insiste-t-il, « construire des murs c'est intéressant, mais l'essentiel c'est d'imaginer des espaces de vie, en tenant compte de la diversité des publics et usagers. » Du coup, le nouveau campus se voit émaillé d'espaces de convivialité, tandis qu'une « coproduction conceptuelle » entre la mairie de Toulouse et l'Université permet d'envisager le réaménagement de la rue de l'Université : « une jonction imaginée en bonne intelligence entre ville et établissement d'enseignement supérieur, autour d'une place plutôt que des barrières. » Résultat : les travaux débuté dès mars 2013 ont entraîné « aujourd'hui un gros œuvre réalisé sur tout ce qui doit être construit, ne reste plus qu'à affiner l'équipement des locaux et le traitement des espaces extérieurs. » Ces derniers, ouverts à tout le monde, permettent par exemple « aux collégiens de traverser l'Université pour rentrer chez eux. Or ce type d'évolution me semble aller dans le bon sens », c'est-à-dire l'opposé d'une bunkerisation, et la possibilité de multiplier les échanges entre « riverains » et étudiants. Propos recueillis par François PerrinPartager cet article