Nadine Dussert, directrice générale de l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ), réagit aux résultats de cette enquête en soulignant en quoi cette question du logement ne doit pas être déconnectée des autres sujets qui touchent les jeunes : la formation, l'emploi, la santé...
Ces chiffres corroborent-ils vos impressions ?
Nadine Dussert : Oui, je n'ai pas ressenti d'étonnement majeur. Malheureusement, c'est tout à fait ce que nous constatons sur le terrain, depuis la première crise des années 70. Cette tranche particulière de la population rencontre des difficultés, certes partagées par d'autres tranches, mais qui s'avèrent particulièrement vives puisque la jeunesse est par définition une période de transition, à l'heure actuelle bien trop peu prise en compte. Votre enquête le confirme : le logement est un levier déterminant qui concourt à l'autonomie des jeunes, et il est plus facile de se projeter lorsque l'on dispose du sien propre. Or si tous ne se heurtent pas à des difficultés, la plupart sont concernés. Il y a encore quelques temps, la socialisation se faisait surtout par l'emploi ; aujourd'hui, l'emploi se dérobe beaucoup pour certains et encore plus pour les autres, ce qui renforce le rôle de levier déterminant du logement pour un grand nombre de jeunes.
Pourquoi ces difficultés ?
Nadine Dussert : Le logement peut poser problème y compris chez ceux qui n’ont pas de difficultés apparentes: la crise est assez prégnante, et il existe des injonctions contradictoires, sinon paradoxales, qui aggravent la situation. De fait, comment sécuriser les bailleurs, les propriétaires, les agences, quand les jeunes se caractérisent aujourd'hui par la précarité et la mobilité ?
Quelles sont les propositions de l'UNHAJ pour améliorer la situation ?
Nadine Dussert : Nous comptions beaucoup sur la garantie universelle des risques locatifs, qui aurait permis de donner à tous les moyens d'accéder à un premier logement. Notre déception sur ce point est donc totale. Il s'agirait de ne pas oublier que chaque jeune participe lui aussi à la richesse de ce pays ! En outre, les trajectoires étant rythmées par des ruptures et mobilités (en termes d'emploi, de formation, et même de vie amoureuse), avec parfois même des retours subis chez les parents, il serait important de donner aux jeunes les moyens de mieux les dépasser, par exemple en développant une offre abordable et adaptée à leur situation – aussi bien dans le parc privé que dans le public, sans oublier les résidences, etc. Il nous faut être aussi réactifs que possible, et faciliter les conditions d'accès comme de départ afin que cette population puisse entrer dans un logement comme le quitter le plus rapidement possible. Enfin, il faudrait être capable de permettre aux jeunes qui n’ont pas d’aide de la part de leur famille de disposer de ressources . De manière générale, il faut lier le logement à l'ensemble des questions que se posent les jeunes, adopter une approche systémique englobant aussi les domaines de la santé, de la formation, de l'emploi ou de la mobilité. Ceci afin que tous puissent s'en saisir et disposent d'une sorte de « droit à l'expérimentation ». Les jeunes souhaitent avant tout être reconnus pour ce qu'ils sont, et disposer des moyens de faire leur chemin.
Les jeunes ne vous semblent donc pas particulièrement résignés ?
Nadine Dussert : J'ai eu du mal à saisir le sens cette question. Les jeunes ne sont ni la classe dangereuse, ni les fainéants de service. D'ailleurs la récente polémique sur la dernière chanson des « Enfoirés » confirme bien mon impression : on fait souvent passer les jeunes pour des êtres apathiques, sans combativité ni idéal. Souvenez-vous des arguments avancés par ceux qui s'opposaient à l'octroi d'un revenu minimum pour les moins de 25 ans, et qui craignaient qu'une telle mesure ne « favorise l'inertie ». Or les jeunes comprennent bien les enjeux du monde auxquels ils sont confrontés, ils savent se battre, et se saisir de leur propre destin. Il faut être solide et costaud, pendant ces périodes de transition, par définition compliquées.
Propos recueillis par François Perrin
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