En janvier 2022, l’Afev lance la troisième promotion de son programme Apprentis Solidaires, qui vise à permettre à des jeunes, "décrocheurs" ou en panne d’orientation, de bénéficier d’une préparation à l’apprentissage au travers d’un engagement solidaire accompagné. Retour sur le processus de sélection qui a poussé la Fondation Air Liquide à soutenir le lancement, en 2022, d’une première promotion sur le territoire messin.
Créée en 2008, la Fondation Air Liquide poursuit aujourd’hui deux missions : « Soutenir la Recherche et Favoriser l’Insertion », comme l’indique dès l’accueil son site Internet. Sur le deuxième volet, elle soutient le lancement du programme Apprentis Solidaires de l’Afev à Metz, au sein du tiers-lieu La Dragonne. Ainsi, une première promotion, implantée sur ce territoire, vient d’être lancée en ce mois de janvier. Retour sur la genèse de ce rapprochement, avec Bruno Leprince-Ringuet, Délégué général de cette fondation depuis 2018.
L’insertion professionnelle, thématique-phare
Si la Fondation Air Liquide s’investit dans le domaine de la science, « plutôt sur des sujets de recherche fondamentale, sur les maladies respiratoires et la qualité de l’air », elle se positionne aussi, depuis 3 ans, sur un tout autre domaine : l’insertion professionnelle. « En termes de positionnement, précise Bruno Leprince-Ringuet, une fondation d’entreprise doit s’engager sur des terrains qui ne sont ni trop éloignés des compétences de ses collaborateurs – pour que son action fasse sens -, ni trop proches de ces dernières – pour éviter de potentiels conflits d’intérêt. » D’où le souhait de « trouver des causes d’intérêt général sur lesquelles nous avons quelque chose à apporter, mais pouvons également mobiliser notre écosystème, nos compétences. » Or, après un large tour de table, une évidence s’est imposée : « L’insertion professionnelle, notamment des jeunes dans les métiers techniques, constitue désormais un grand sujet de société. » Cette thématique répond en outre à une autre préoccupation de la fondation, dans la recherche de causes à soutenir : « Nous souhaitons agir le plus près possible de nos territoires d’implantation. » Il se trouve en effet que, du fait du coût élevé du transport des gaz – matériaux constitutifs de l’activité d’Air Liquide -, « nous sommes très diffus sur les territoires, présents aussi bien au travers de notre activité industrielle que de notre activité santé/santé à domicile. » Les responsables de site s’avèrent donc très intégrés en régions, et susceptibles de faire remonter et de participer localement à toute une série d’initiatives porteuses et innovantes, sur les terrains d’action déterminés. « Aujourd’hui, poursuit le Délégué général, toutes les entreprises sont en recherche de compétences, ne les trouvant souvent pas, alors même qu’un grand nombre de personnes restent professionnellement sur le carreau », peinant eux aussi à être employés. « Notre société marche un peu sur la tête ! » Ainsi, « il nous a semblé que l’insertion professionnelle constituait un sujet sur lequel nous pouvions faire levier. D’abord parce que nous disposons de tout un écosystème de métiers ; ensuite parce qu’implantés dans les territoires, nous connaissons les besoins en compétences de nos clients, fournisseurs, les organisations professionnelles… » Pourquoi, effectivement, ne pas inventer un partenariat vertueux entre « une association comme l’Afev, qui connaît la population qu’elle vise, vivier naturel de talents ; l’Etat, qui propose de nombreux mécanismes de financement ; et nous-mêmes, qui savons monter des projets, et connaissons bien l’écosystème économique local » ?Genèse d’une collaboration
Pour sélectionner les projets à soutenir, la Fondation Air Liquide encourage les collaborateurs du Groupe à parrainer une organisation, en lui recommandant des projets de développement local qui leur tiennent à cœur. D’autres salariés sont responsables d’évaluer et de suivre les projets, pour ceux qui ont été retenus par un comité de sélection indépendant. Dans le cas de l’Afev, le programme messin d’Apprentis Solidaires a été « plus co-construit », suite à des échanges entre la direction de l’association et le Délégué général lui-même. « A priori, j’ai dit à Christophe Paris que nous n’avions pas grand-chose à faire ensemble », vu les domaines respectifs des deux entités. Mais après plus amples explications sur le dispositif et une rencontre avec Frédéric Delattre, initiateur du projet, « j’ai été finalement intéressé par la dimension innovante de ce qu’ils étaient en train d’essayer de faire : utiliser le Service civique pour faire du pré-qualifiant en école d’apprentissage. » En interne, le choix d’implantation s’oriente sur le chef-lieu mosellan, les responsables locaux se trouvant eux-mêmes « séduits », et disposés à jouer le rôle de parrains. De fait, « Metz dispose d’une bonne configuration, pour nous, parce que nous y menons de nombreuses activités différentes, sur trois sites différents (sans même parler de la partie santé), avec des patrons de sites qui sont assez engagés sur ce type d’actions. » Ainsi, « nous avons rencontré ensemble pas mal de monde à Metz, poursuit Bruno Leprince-Ringuet, et sommes tombés sur des responsables de suivi volontaires, qui ont largement facilité les choses. » De fait, « dans la mesure où nous souhaitions construire quelque chose sur plus d’un an, il fallait impliquer les managers. Et là, tout s’est faut très naturellement, sur une base complète de volontariat. »Quels espoirs pour demain ?
« Nous verrons où cela nous mène », taquine-t-il, sans masquer l’espoir qu’Apprentis Solidaires suscite chez lui. « Nous sommes encore sur un petit financement, sur un pilote, mais à terme, l’investissement sera peut-être plus important » - jusqu’à rejoindre le club des cinq projets aujourd’hui plus massivement soutenus par la fondation, avec le plein appui de ses équipes locales ? « Si cela fonctionne, si nous arrivons à nous comprendre, les choses pourraient se développer… » En guise d’évaluation, il s’agira alors de s’accorder sur des critères, « comme le nombre de jeunes qui sortent par rapport au nombre de ceux qui sont entrés » dans le dispositif, ou encore la suite du parcours pour ceux qui auront effectué leurs six mois de Service civique. « Il y a plusieurs formes de sorties positives, qui se mesurent. 70 à 80% de réussite, ce serait une belle preuve de crédibilité. » De manière plus ″fine″, le Délégué général de la Fondation Air Liquide estime que pour répondre à l’ensemble des enjeux, il faudra, d’une part, que cette expérience « permette de faire connaître des métiers qui ne sont pas forcément ceux auxquels les jeunes auraient pensé » (des métiers techniques en tension, par exemple, plutôt que la restauration ou la grande distribution). « Nous avons, dans notre secteur, des métiers qui sont superbes – comme la soudure -, de beaux parcours d’évolution à proposer, mais nous peinons globalement à les valoriser », reconnaît-il. D’autre part, il estime que demain, pour lui, les candidats qui seront les plus précieux ne seront pas forcément les plus diplômés, mais « ceux qui sont motivés à apprendre, qui ont eux-mêmes une perspective, et disposent, bien sûr, des codes nécessaires », aussi simples soient-ils : être à l’heure, savoir se présenter… Soit, tout ce que recouvre la notion de savoir-être… et de savoir ce que l’on veut ! A ce titre, pour diffuser et renforcer ces compétences auprès des jeunes, le site de La Dragonne, qu’il a visité en juillet dernier, lui paraît « particulièrement approprié », même s’il s’agira aussi, bien sûr, de « les faire sortir, de les amener dans les entreprises… »Partager cet article