Mentorat en Europe : pour un partage des expériences entre acteurs

Le 24 janvier dernier, l'Afev accueillait en ses nouveaux locaux Szilvia Simon, coordinatrice du European Center for Evidence-Based Mentoring, ainsi qu'un groupe de délégués d'associations et entités venus de toute l'Europe. A cette occasion, une conférence interactive intitulée “Le Mentorat, une dynamique européenne” était donnée par Szilvia Simon et la directrice des programmes de l'Afev Eunice Mangado Lunetta, à l'issue de laquelle deux ateliers d'échanges se sont tenus. Retour sur une soirée riche en enseignements.

Au troisième étage des nouveaux bureaux de l'Afev, une troupe attentive et concentrée était rassemblée jeudi 24 janvier au soir, autour de la personnalité haute en couleurs de Szilvia Simon, coordinatrice du European Center for Evidence-Based Mentoring (ECEB). Parmi eux, des représentants flamands du Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding (VDAB) et de Connect2Work (Belgique), padouans de Mentor-Up (Italie), castillans de Punt de Referència (Espagne), berlinois de Netzwerk Berliner Kinderpatenschaften et hambourgeois de la Hambuger stiftung für Migranten (Allemagne), néerlandais de Echo (Pays-Bas) et pragois de People in Need (République tchèque). Tous étaient venus à Paris pour participer à des journées d'apprentissage et d'échanges entre pairs, afin de construire des partenariats durables autour de la question du mentorat, à l'échelle du continent tout entier.

Plusieurs vocables pour un même concept

Après une brève introduction par les hôtes Eunice Mangado-Lunetta et Christophe Paris, respectivement directrice des programmes et directeur général de l'Afev - qui ont souligné l'importance de la rencontre de leur association avec le réseau du mentorat européen, un véritable « moment de bascule » selon Christophe Paris -, la coordinatrice de ECEB a abordé la question de l'essor du mentorat en Europe, et détaillé un état des lieux des moyens, modes d'action et perspectives du réseau. Pour introduire son propos, elle est revenue sur la diversité des vocables utilisés sur le continent pour qualifier le concept commun de mentorat : « Partnerschaft » en Allemagne, « accompagnement individuel » à l'Afev, etc. Constitué en 2016 au nord des Pays-Bas, le Centre européen pour le mentorat vise à renforcer l'interconnaissance entre des partenaires européens très actifs sur leur territoire, mais souvent mal informés sur les programmes qui existent chez leurs voisins : « Nous étions des centaines en Europe, qui n'étions pas encore connectés les uns aux autres ! » Pour ce faire, il a fallu identifier les différentes communautés malgré les barrières linguistiques, favoriser les rencontres et les échanges, pour ensuite aborder concrètement des questions comme la variété et la qualité des prestations, la recherche sur le sujet (plus de 40 chercheurs aujourd'hui impliqués), puis plaider la question du mentorat auprès de l'Union européenne. Depuis lors, la communauté ne cesse de gagner en importance, avec aujourd'hui plus de 700 personnes impliquées, gérant des centaines de programmes au sein de structures extrêmement variées, et qui se rencontrent une fois tous les deux ans lors de sommets biennaux (aux Pays-Bas en 2016, à Berlin en 2018, prochainement sans doute à Barcelone) ou d'événements organisés à Bruxelles (Mentoring Meet&Match des 18 et 19 mars prochains).

Toutes les problématiques cruciales de l'Union

En Europe, le mentorat existe depuis au moins 20 ans, voire plus pour certains acteurs, selon des modalités et à des échelles très diverses : local, régional ou national, déployé initialement dans la sphère scolaire, communautaire ou professionnelle, il se caractérise néanmoins, la plupart du temps, par une surreprésentation de migrants ou de descendants d'immigrés au sein des groupes de personnes « mentorées ». Ses acteurs sont quotidiennement confrontés à toutes les problématiques cruciales au sein de l'Union européenne : intégration des migrants, chômage, amélioration du niveau scolaire comme de la formation professionnelle, inclusion sociale, promotion des comportements entrepreneuriaux comme de la diversité culturelle, etc. Selon Szilvia Simon, il convient désormais de s'appuyer sur les expériences existantes et sur un partenariat renforcé entre « praticiens » de terrain et chercheurs pour améliorer la définition du mentorat comme sa reconnaissance, renforcer une meilleure évaluation des dispositifs, mais aussi favoriser les « échanges d'étudiants » entre pays et miser sur un solide lobbying à destination de Bruxelles : « We have to be there ! », a-t-elle conclu. Suite à cette présentation abondamment applaudie, Eunice Mangado-Lunetta a présenté son association en rappelant ses origines (création par des étudiants au début des années 90), l'évolution de ses actions (à partir d'une première expérience d'accompagnement à la scolarité à domicile à Nanterre, jusqu'aux 7000 familles aujourd'hui impactées), et le renforcement progressif de son arsenal de programmes ciblés pour lutter contre les inégalités sociales comme scolaires. Dans les faits, avec un réseau de 7000 mentors et autant de mentorés, l'Afev constitue de loin le plus gros réseau de mentorat en Europe – ce dont l'association n'avait pas pris conscience jusqu'à récemment. « Nous avons toujours refusé que le décrochage scolaire soit considéré comme une fatalité, a-t-elle conclu, et tentons de le démontrer par des actions concrètes » - ce que la Journée de refus de l'échec scolaire organisée chaque année le troisième mercredi de septembre vient confirmer. Au niveau européen, elle a également indiqué que dix ans auparavant, l'Afev s'était posé la question de la meilleure manière d'implanter son action à l'étranger – en l'occurrence à Barcelone.

L'Afev espagnole

L'occasion de céder la parole à Laia Bernués, déléguée territoriale de l'Afev Catalunya, qui a à son tour constaté que les actions menées sur place (à Barcelone et depuis cette année à Valence) depuis dix ans l'avaient été sans être consciemment rattachées au concept de mentorat. Désormais baptisé enTàndem (en référence à la pratique du vélo à deux), le dispositif vise comme toujours à s'adapter au mieux aux réalités locales du terrain, tant « la faculté d'adaptation n'est pas contradictoire avec le maintien de l'essence d'un projet. Au contraire, réfléchir à cette adaptation permet souvent de consolider et renforcer les actions. » Après une courte séance de questions, et avant de profiter d'un cocktail bien mérité, les participants se sont enfin réunis en deux groupes, afin que chaque entité représentée puisse se présenter à tour de rôle. L'occasion de constater à quel point, des Pays-Bas à la République Tchèque en passant par l'Espagne ou l'Allemagne, les modèles variaient, tant dans le mode de financement que dans les publics visés par les actions, tant dans l'état de structuration que dans les perspectives d'évolution. L'occasion, surtout, de partager les expériences et pratiques, afin d'initier un salutaire dialogue entre tous ces désormais partenaires de l'ECEB, soucieux de parvenir à se déployer tout en se serrant les coudes. A ce titre, une partie de la délégation (Afev incluse) a participé dans la foulée au sommet national du mentorat à Washington, et des collaborations commencent à se tisser en bilatéral, comme entre l'Afev et l'Université de Padoue. François Perrin

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