Mathieu Cahn est président de l'Anacej (Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes), adjoint au maire de Strasbourg et conseiller départemental du Bas-Rhin. Il répondait aux questions de l'OJS, au moment de la publication, le 17 mars, de l'édition annuelle de l'Observatoire du comportement électoral des jeunes de l'Anacej.
Quels enseignements tirez-vous de votre Observatoire 2017 ? Une confirmation des résultats de nos enquêtes depuis 2012, à savoir une homogénéisation du comportement électoral entre les jeunes et l'ensemble de la population : Marine le Pen en tête, puis Emmanuel Macron... La vraie différence peut-être concerne le décrochage massif de François Fillon chez les 18-25 ans, à mettre en lien avec l'exigence de probité qui transparaît aussi dans l'enquête de l'OJS – une probité à la fois financière, morale et éthique. On continue en outre à avoir une abstention extrêmement importante chez les jeunes : 11 points de plus d'abstention probable à l'élection présidentielle par rapport à l'ensemble de la population. Cela dénote une très vive absence de confiance à l'égard du personnel politique, le sentiment qu'il n'y a pas d'écoute, pas de dialogue, pas d'idées ni de prise en compte des besoins des jeunes. La perception du personnel politique apparaît donc très pessimiste, très sombre. Comment analysez-vous leur sentiment d'être tenus à l'écart de la sphère démocratique ? Ils semblent appeler de leurs vœux une démocratie directe, à travers l'outil référendaire, et un dispositif participatif plus efficace. Ceci confirme l'idée de la défiance à l'égard du personnel politique : en vingt ans, la proportion de personnes exprimant une telle défiance a doublé. Le fossé semble s'être clairement creusé. Que dire des attentes des jeunes ? Les propositions sur lesquelles une attente existe rejoignent celles de l'enquête de l'OJS : en premier l'emploi, puis le pouvoir d'achat, l'éducation, la santé et la sécurité / la lutte contre le terrorisme. Un gros questionnement porte sur les questions d'emploi, de formation, et l'intention de vote Marine Le Pen s'avère d'ailleurs particulièrement majoritaire dans la jeunesse susceptible de se sentir la moins intégrée à la société : jeunes ruraux, et/ou personnes à faible niveau de qualification. Quand on interroge les jeunes sur les propositions des différents candidats, un portrait se dessine : une jeunesse plutôt libérale sur les questions de mœurs et de société (favorable à la GPA, opposée à la remise en cause du mariage pour tous et de l'IVG) – y compris, quoique moins nettement bien sûr, dans l'électorat de François Fillon ou Marine le Pen -, mais favorable par exemple en matière économique à la protection des frontières. Ils expriment un souhait de se replier, fermer les frontières, qui crée un paradoxe avec leur attachement très fort, y compris dans l'électorat FN, à l'Union européenne. En quelque sorte, « on sait qu'il faut rester à l'intérieur de l'Europe, mais elle ne nous convient pas, aujourd'hui. » Ceci mis à part, les jeunes semblent attachés aux acquis sociaux, sensibles à la fonction publique – la proposition de supprimer 500 000 fonctionnaires fait un bide total -, mais très partagés sur la question du revenu universel ou de la légalisation du cannabis. Dans l'enquête de l'Afev, nous avons relevé un autre apparent paradoxe : un attachement à l'économie collaborative, mais sans appétence particulière pour le fait de de devenir indépendant ou son propre patron. Qu'en dire ? Dans notre étude, les jeunes sont très massivement favorables – de l'ordre des trois quarts – à l'uberisation de la société, favorables à cette souplesse. Ce qui constitue sans doute l'un des points forts du candidat Macron vis-à-vis des jeunes. Ils semblent souhaiter faire sauter certains carcans, libérer un certain nombre de choses, se dégager d'un certain nombre de lourdeurs, mais restent en même temps très attachés à l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle, par exemple – ils semblent rejeter nettement l'idée que parce qu'ils seraient jeunes, ils devraient travailler beaucoup plus que leurs aînés, en espérant retrouver une qualité de vie plus tard. Un autre enseignement à tirer de votre enquête ? Oui, et une surprise : leur rapport aux médias. Les réseaux sociaux ne sont pas cités massivement en tant que source d'information, alors que c'est le cas des chaînes d'information continue (quand ils parlent de leurs pairs) et même de la presse écrite (quand ils parlent de leurs propres pratiques). Les jeunes se situent donc plus à distance des réseaux sociaux, sont plus critiques à leur égard qu'on a l'habitude de l'imaginer. C'est une bonne nouvelle. Propos recueillis par François PerrinPartager cet article