Au-delà des nations, les régions sont constitutives de la diversité et de l’identité composite de l’Union européenne. Elles participent de son développement tout en étant traversées par de profondes inégalités économiques et sociales. Dans une interview exclusive pour le Lab’Afev, Martin Schulz – président du parlement européen – donne un éclairage sur le rôle joué par l’Europe vis-à-vis des régions.
Dans quelle mesure les Régions peuvent-elles contribuer au renforcement de l’Union européenne ?
L'Union européenne n'est pas qu'une union d'États membres, c'est aussi une union de régions européennes. Elles sont représentées au sein du Comité des régions qui siège à Bruxelles. La consultation de ce comité, en vue de l'élaboration de nouvelles lois européennes, est obligatoire et, ce, dans de nombreux domaines qui concernent les collectivités locales, comme le transport ou l'éducation. La voix des régions est donc pleinement entendue et les régions européennes participent activement, avec leur expertise, au processus législatif supranational. Si les régions contribuent au renforcement de l'Union, l'Union, à son tour, renforce les liens et les échanges entre les régions européennes. En effet, une partie des fonds dont disposent les régions est spécifiquement réservée à la coopération entre les régions européennes. Ce sont près de 10 milliards d’euros qui ont été réservés à cet objectif parmi les fonds pour la politique de cohésion sur la période allant de 2014 à 2020.Cultiver les particularismes régionaux ne renforce-t-il pas le repli sur les identités nationales, constaté au sein des pays membres de l’Union européenne ?
Moi, je viens d'une ville, Würselen, d'un Land allemand, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, d'un pays, l'Allemagne, et je suis pleinement citoyen européen. Est-ce que ces identités s'affrontent ? Non, elles nous renforcent car elles ne sont pas contradictoires. Elles sont nos richesses, notre identité et je réfuterai toujours ceux qui veulent les opposer, exalter un sentiment national ou local exclusif, pour dresser les Européens les uns contre les autres. L'Union européenne n'a visé, ne vise et ne visera jamais à réduire ou à effacer les particularités locales, les sentiments nationaux. On peut chanter la Marseillaise dans l'hémicycle du Parlement européen en soutien des Français après les attaques de Paris sans que l'Europe n'en soit affaiblie. On peut entonner ensuite l'hymne européen sans que les Français, les Danois ou les Italiens se sentent meurtris dans leur identité nationale. C'est notre grande force à nous, Européens : après des siècles à se faire la guerre, nous faisons la paix dans le respect de l'identité de tous.Au-delà des États, comment l’Union européenne appréhende-t-elle les disparités économiques et sociales des Régions ?
Avec les fonds structurels, et en particulier le Fonds européen de développement régional, l'Union européenne agit au plus près des territoires pour réduire les disparités économiques et sociales entre les régions européennes. Pour la période 2014-2020, ce sont 350 milliards d’euros qui devraient parvenir aux régions européennes pour financer la réduction de ces inégalités. Ces fonds permettront d’agir sur les disparités en améliorant la compétitivité et en créant de nouvelles opportunités d’emplois. On peut aussi mentionner l’action spécifique du Fonds européen social qui s’attache particulièrement à la promotion de l’éducation et tend à protéger les personnes les plus sujettes à l’exclusion sociale et à la pauvreté. Ce fond contribue aussi à l'initiative pour l'emploi des jeunes, un des instruments européens principaux pour aider ceux qui souffrent le plus du chômage. À noter que la plupart des régions participent à la prise de décision sur l'allocation des fonds européens qu'elles reçoivent car ce sont elles qui sont les plus proches des besoins des Européens et des spécificités des territoires. Les régions européennes donc peuvent réduire les inégalités dans un cadre européen. Permettez-moi d'ajouter une dernière chose, en lien avec l'actualité : certaines régions européennes - et pas forcément les plus riches - sont confrontées à des situations très tendues face au flux de réfugiés en provenance de Syrie et d'Irak. L'Union, comme les États membres, doivent aider sans hésiter ces régions et de toutes leurs forces. Propos recueillis par Jérome Sturla Crédit photo : Georges Gobet-Parlement européenPartager cet article