Enseignante et vice-Présidente du Conseil Régional des Pays de la Loire,en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche, Maï Haeffelin précise l'action de la Région en termes de démocratisation. Sur ce point, elle nous parle du programme DEMO mis en place à Nantes, Le Mans et Angers par l'Afev.
Pourquoi mettre à l'honneur, aujourd'hui, la démocratisation de l'enseignement supérieur ?
Maï Haeffelin : Nous visons deux choses : l'accès à l'enseignement supérieur et la réussite. Il ne s'agit pas seulement d'inciter les lycéens à poursuivre les études dans le supérieur, mais qu'ils y trouvent un environnement propice à l'épanouissement. Concernant l'accès, on entend souvent « l'ascenseur social ne fonctionne plus », et localement, on observe un paradoxe : nous caracolons tous les ans en tête en termes de réussite au bac (plus de 90%), mais encore un nombre insuffisant d'étudiants locaux poursuivent après ce diplôme. La formation jusqu'au bac est très efficace, nous pêchons au niveau de la poursuite d'études. Il s'agit donc d'agir au niveau du lycée, quand les jeunes sont « captifs », afin de faciliter une évolution plus positive, au lieu de devoir ensuite mener des actions correctives en essayant d'aller retrouver les décrocheurs. Le but, enfin, consiste à « casser », en quelque sorte, une logique éducative française contribuant à la reproduction des inégalités sociales.Pousser les jeunes à « s'accrocher » plutôt que de craindre qu'il ne « décroche » ?
Maï Haeffelin : Voilà. On apprécie d'ailleurs ce terme, « accrocheurs », à la Région : il faut s'occuper des jeunes au moment où ils décrochent, mais ne pas se contenter de cela, leur permettre en amont d'être plus acteurs de leur propre parcours de formation. Nous avons un rôle plus grand qu'autrefois sur l'orientation et la coordination : les parcours de réussite et les perspectives doivent être plus visibles pour les jeunes.Comment s'explique ce décalage entre la réussite au bac et la non-poursuite des études ?
Maï Haeffelin : Il y a plusieurs raisons, qui ne sont pas toutes négatives. De fait, la région disposant d'une industrie encore active, les gens parviennent à trouver relativement facilement du travail - les bacs professionnels sont d'ailleurs nombreux en Pays-de-la-Loire. Ce qui ne nous empêche pas, en tant que collectivité, de souhaiter emmener plus de jeunes vers l'enseignement supérieur, tout en développant la formation tout au long de la vie, dans la perspective de ce que pourront être les bassins d'emploi demain.En quoi le soutien à l'Afev dépasse-t-il un « simple » cadre financier ?
Maï Haeffelin : Déjà, la Région alloue à l'Afev deux subventions bien distinctes : l'une pour l'ensemble des actions, et l'autre d'aide pour le projet DEMO à proprement parler – un budget qui augmente avec le nombre d'établissements concernés, 10 au démarrage, 22 aujourd'hui. Il était important pour nous que ce projet spécifique entre dans le projet général de l'Afev - notre partenaire privilégié par rapport à cette cible particulière -, mais aussi dans un projet global de démocratisation pour la Région. Ce dernier comporte aussi un axe de démocratisation dans la contractualisation avec les universités ; un financement de l'initiative Brio – devenue Cordée de la réussite – ; une étude de recherche, Prisme, visant à mieux comprendre ce qui se passe dans la tête des jeunes ; l'appel à projets AILES ayant pour but de financier les projets autour de l'accès et de la réussite des jeunes dans l'enseignement supérieur... Nous mentionnons également l'Afev dans le Schéma d'Enseignement supérieur et de la Recherche, notre projet de territoire – nous souhaitons effectivement travailler avec les acteurs, situés sur le territoire, qui travaillent déjà depuis longtemps sur toutes ces questions. Enfin, nous sommes disponibles pour pallier les difficultés susceptibles de se présenter, comme celles liées à la mobilité, et faciliter les contacts avec les établissements et acteurs économiques. Nous travaillons en co-construction avec les partenaires, et apportons un arbitrage politique quand il est nécessaire. Par la suite, nous agissons également en tant que facilitateurs.Vous avez organisé une évaluation des actions menées. Quels en sont les enseignements ?
Maï Haeffelin : Depuis quatre ans, plus de 2200 jeunes ont eu la chance de suivre DEMO, à l'échelle de tout le territoire, mais en zone urbaine exclusivement du fait de la nature de la mission de l'Afev. La question se pose pour les territoires ruraux, et le rectorat a d'ores et déjà mis en place par exemple un « tchat » de lycéens avec des jeunes de classes préparatoires – tandis que l'Afev se retrouve confrontée à des problématiques nouvelles depuis qu'elle travaille également en zones péri-urbaines. Globalement, on a pu constater que les représentations des jeunes concernés avaient évolué, l'effet correctif fonctionne donc à plein. On sent également un effet d'entraînement qui dépasse le cadre ceux qui suivent effectivement le programme DEMO, même si cela est difficile à quantifier. Propos recueillis par François PerrinPartager cet article