Louis Maurin : « Aider tous les jeunes, mais pas de la même façon »

Dans le cadre de l’enquête Afev-Audirep de l’Observatoire de la jeunesse solidaire portant sur "le regard des français sur les jeunes" publiée en mars 2010, révélant -entre autre- que 51% des français ont une image négative des jeunes, l’Afev a interrogé un certain nombre d’acteurs pour réagir à ces chiffres, et notamment sur leur investissement dans la société. Entretien avec Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des Inégalités

Relativiser les chiffres

En fait, comme le remarquait le sociologue Pierre Bourdieu, d’une certaine façon la jeunesse n’est qu’un mot… Certains commencent à travailler à 16 ans, et d’autres font des études longues. Sur une même tranche d’âge coexistent des univers et des modes de vie qui n’ont souvent rien à voir… Bien sûr, certains phénomènes sont communs à toute une génération, mais cela doit, à mon sens, nous inciter à la prudence quant à l’interprétation de ces chiffres.

Peu engagés, les jeunes ?

Pour les mêmes raisons qu’évoquées ci-dessus, j’aurais du mal à me prononcer sur ces représentations. La seule chose que je peux dire, c’est que les « nouveaux mouvements sociaux », souvent créés par des étudiants sont l’arbre qui cache la forêt. Mais dès qu’ils sont confrontés à une réforme qui les concerne directement, les jeunes peuvent se mobiliser très fortement – on l’a vu avec le CPE. Lors des émeutes de 2005, une jeunesse des cités avec les nerfs à vif est allé très loin – on a quand même décrété l’état d’urgence ! Mais ce n’est pas une nouveauté : en 1968, on a bien vu ce qu’une jeunesse déterminée pouvait provoquer, alors que juste avant, on disait « la France s’ennuie »... Mais cette faible implication de la jeunesse en dehors de temps forts, pose aussi la question de l’offre politique, syndicale, associative… Les organisations traditionnelles se sont, parfois pour de bonnes raisons, concentrées sur la défense des catégories déjà installées, et d’autant plus avec la crise. Mais la conséquence c’est que certaines luttes, comme celle des précaires, ont peu concerné les partis et les syndicats. Je n’accepte pas le discours selon les jeunes sont égoïstes, pratiquent le chacun pour soi… Beaucoup de jeunes restent mobilisés dans des actions associatives, l’exemple de l’Afev le montre !

Autonomie et justice sociale

Je pensais que les sondés seraient plus nombreux à approuver l’aide des familles. A titre personnel, je pense que c’est une façon de reproduire les inégalités : pas facile quand on touche le Smic de payer un logement à ses enfants qui veulent faire des études. L’entraide familiale est très inégalitaire, sur un  plan financier bien sûr. Notre système est aujourd’hui l’un des plus inégalitaires au monde, notamment via le système du quotient familial de l’impôt sur le revenu. La question politique centrale, c’est de savoir si, en centrant l’aide sur les jeunes, il faudrait aider tous les jeunes de la même façon. Ma position est d’adopter le système le plus simple : accorder un minimum d’autonomie à tous les jeunes, sous conditions. D’abord, un minimum social : il n’y a aucune raison de considérer qu’on est majeur sur le plan civil à 18 ans, mais que sur le plan économique c’est à 25 ans (RSA). Mais ensuite, dans un système où les ressources sont quand même limitées, donner une aide importante à tous les jeunes, quelle que soit leur condition semble problématique : il y a quand même un moment où la situation familiale joue. Où mettre les limites ? Un certain nombre de jeunes issus de familles aisées ne peuvent ou ne veulent avoir recours au soutien familial. On pourrait résoudre cette difficulté en demandant simplement à ces jeunes de s’engager sur l’honneur à ne pas avoir recours à l’aide familiale en plus d’une aide qui serait du coup plus importante. Faisons confiance aux jeunes ! Propos recueillis par Paul Falzon-Monferran Crédit photo 7.8.9 radio sociale

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