L’orientation : reflet de nos choix sociétaux

Depuis 2008, l’Afev organise la Journée du refus de l’échec scolaire (JRES) en faisant valoir, à travers une enquête annuelle, le regard porté par les enfants ou les jeunes sur l’école et en valorisant les pratiques (dans et hors l’école) de lutte contre l’échec scolaire. Pour cette 11e édition, la Journée du refus de l’échec scolaire explore le thème de l’orientation. CLIQUEZ ICI pour vous inscrire au grand débat public à Paris (à La Bellevilloise). A découvrir : le document de présentation, le dossier de presse de la Journée du refus de l’échec scolaire.  

Texte de cadrage de la 11e Journée du refus de l’échec scolaire (JRES)

Dans un contexte de transformation profonde des métiers (60 % des métiers de demain n’existent pas aujourd’hui[1]), l’orientation scolaire est une question sensible, tant du point de vue des individus que du système qui l’organise. Du point de vue de la jeunesse, plusieurs étapes clef liées à l’orientation  jalonnent son parcours scolaire,  en amont et aval des études supérieurs jusqu’à son insertion professionnelle. Pourtant, diverses enquêtes[2], montrent qu’une partie significative de jeunes disent rétrospectivement ne pas avoir bien vécu la première étape décisive à l’issue de la classe de 3e. Pourquoi ? Parce que les jeunes ont le sentiment de subir un processus d’orientation plus que de réellement choisir ; Parce qu’ils ne se considèrent pas outillés pour choisir ou ont eu le sentiment d’être mal ou peu accompagnés ; Parce que ces choix leur paraissent in fine moins révocables que ce qu’ils sont prétendument ; Parce que les orientations leurs semblent trop corrélées au jugement strictement scolaire porté par les enseignants ; Enfin, à « mérite scolaire égal » d’anciens bons élèves de milieu populaire témoignent des effets d’auto-censure qu’ils ont connus, visant des études moins prestigieuses que celles qu’ils auraient pu choisir parce que leurs familles méconnaissaient le système scolaire.  Ce qui confirme l’analyse de la DEPP dans sa note de 2013[3]selon laquelle, à notes comparables, les demandes d’orientation des familles varient fortement selon l’origine sociale, le niveau de ressources ou de diplômes des parents. Dans un contexte où la pression et la compétition scolaire s’est fortement accrue,  les choix familiaux d’orientation apparaissent parfois comme des « délits d’initiés ». Les stratégies scolaires précoces des familles font de la qualité supposée du collège le principal critère de choix d’implantation résidentielle. Ainsi,  les  options au collège puis les filières au lycée sont-elles soigneusement choisies pour faciliter les bonnes orientations,  dans le but d’anticiper in fine les meilleures universités ou écoles du supérieur. Mais au-delà de l’Ecole, il faut aussi prendre en considération l’ensemble du contexte social : chômage persistant chez les jeunes auxquels le diplôme offre une protection mais plus systématique ; inégalités fortes  entre les places sociales, incertitudes devant les mutations de fond du monde professionnel engendrées notamment par la transformation digitale…. La France a ceci de particulier par rapport à d’autres pays, que c’est le destin scolaire qui scelle -et souvent plus tôt qu’ailleurs- le destin professionnel voire social d’un individu. Beaucoup  (trop sans doute) de pression repose donc sur l’école censée qualifier et promouvoir les élèves mais agissant  encore –notamment sur les plus fragiles- comme une trieuse. Cette pression se reporte directement sur le service public d’orientation, lui-même  en profonde mutation qui devrait encore continuer de s’accélérer cette année avec la loi  pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Pour autant, inviter un adolescent de 14/15 ans à se poser des questions sur son avenir, ce n’est pas lui demander de choisir immédiatement un métier. L’objectif est de lui permettre de commencer à construire son propre parcours. Cet engagement précoce dans son parcours est indispensable, surtout pour celles et ceux qui ne possèdent pas dans leur entourage de figure d’étudiant(e) ou d’exemples de professions qui ne soient pas des contre-modèles. Mais il ne doit pas être irréversible, or on sait que l’un des défauts de notre système d’orientation est le manque de passerelles effectives entre les filières. Enfin, la question des choix d’orientations et d’évolution de formation ne devrait pas uniquement se poser dans le cadre du système de formation initial ou supérieur mais intégrer la formation continue pour permettre aux personnes de continuer à construire leur parcours tout au long de leur vie. Comment permettre à des jeunes de s’orienter au 21e siècle, dans un monde complexe globalisé et incertain ? Comment parachever la démocratisation de l’enseignement supérieur, en travaillant le continuum  bac –5 (avant le lycée)/ bac + 3 ; développer les passerelles entre les filières ; garantir aux élèves un droit à l’erreur ? Comment aider les élèves à développer leurs aspirations tout en le faisant de façon raisonnée ? Comment préserver un service public d’orientation alors qu’émergent fortement un marché privé spéculant sur l’angoisse scolaire (cf la prolifération de « coachs d’orientation »)? Comment mieux former les personnels en charge des missions d’orientation (notamment les enseignants qui jouent un rôle déterminant) et diversifier les profils des acteurs de l’orientation dans et hors l’école ? Comment travailler le rapport à l’information numérisée alors que l’offre est saturée, parfois illisible et que les inégalités dans les usages numériques demeurent fortes entre jeunes dont on pense à tort qu’ils sont tous « digital natives » ? Enfin, comment compenser les inégalités d’offre de formation inhérentes aux inégalités économiques territoriales accrues notamment par les phénomènes de métropolisation ? C’est toutes ces questions que nous mettrons en discussion le 19 septembre prochain lors de la 11e journée du refus de l’échec scolaire organisée par l’Afev et ses partenaires. L’orientation sera abordée, au-delà de sa dimension éducative, en tant que sujet éminemment politique, marqueur de notre capacité à  accompagner chaque jeune afin qu’il trouve sa place dans la société. La première étape étant sans doute de le persuader qu’il en a une.   Eunice Mangado-Lunetta, Directrice des programmes de l’Afev   [1]http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-revolution-des-metiers/$FILE/EY-revolution-des-metiers.pdf [2]Notamment l’ETUDE EXPLORATOIRE SUR LES JEUNES DECROCHEURS Afev/ trajectoires-reflex pour la JRES 2012 [3]http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/76/6/DEPP_NI_2013_24  

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