Professeur en sciences politiques à l’université Paris-1, Loïc Blondiaux montre en quoi un intérêt général pour la politique coexiste avec une absence d’engagement dans les lieux traditionnels de la politique. Dans ce contexte de "fin de l'évidence démocratique", cet auteur de "Le nouvel esprit de la démocratie : actualité de la démocratie participative" rappelle que les jeunes ont un rôle à jouer. A condition d'engager de véritable réformes institutionnelles.
Quelles furent vos premières impressions à la lecture de ce sondage ?
Loïc Blondiaux : En premier lieu, de manière très contre-intuitive par rapport à l’histoire politique française, les jeunes qui se classent à droite semblent globalement plus intéressés que les autres. Certes, on peut déceler un effet de conjoncture, du contexte actuel de forte mobilisation de l’électorat de droite, mais la mobilisation massive demeurait, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l’apanage de la gauche. Aujourd’hui, on retrouve à droite un degré de mobilisation comparable à celui de l’entre-deux-guerres. De la même façon, contre tous les discours « de sens commun », je considère comme plutôt favorable le fait que plus de la moitié des jeunes interrogés considère la politique comme « importante » ou « très importante ». Et qu’un cinquième seulement d’entre eux se tiennent volontairement à l’écart de la politique – ce que je qualifierais de seuil d’apolitisme incompressible, chez les jeunes comme dans l’ensemble de la population. En somme, un intérêt général pour la politique coexiste avec une absence d’engagement, d’investissement dans les lieux traditionnels de la politique – l’isoloir en tête. En revanche, en tant que partisan, avec Pierre Bourdieu, de l’idée selon laquelle « la jeunesse n’est qu’un mot » - puisqu’il en existe plusieurs sortes, selon leurs trajectoires d’expérience, catégories sociales, etc. -, j’ai été surpris par un point : il n’y a pas d’écart important selon le niveau d’études, ou du moins un écart très faible dans les réponses en fonction de ce critère. L’échantillon est-il « biaisé par le haut », sa composition reflétant selon moi une relative sur-représentation des plus diplômés ? Je me pose la question.
Les résultats de ce sondage confirment-ils vos analyses sur la « fin de l’évidence démocratique » ?
Loïc Blondiaux : Les propositions soumises aux jeunes interrogés, visant à « améliorer le fonctionnement de la démocratie », ont majoritairement recueilli entre 75 et 90 % d’adhésion : ces chiffres dénotent une volonté de réforme et de transformation importante de la démocratie telle qu’elle est pratiquée de nos jours. Cette sensation s’ancre dans des représentations très contemporaines de notre système politique : aujourd’hui, en France, pour la grande majorité de la population, le système démocratique ne fonctionne pas bien – c’est un fait. Or les jeunes ne font pas exception, vis-à-vis de cette désaffection générale. Ainsi, dans ce sondage comme dans toutes les enquêtes de ce type, les sondés se montrent très favorables à l’idée d’ouvrir, d’élargir l’éventail de la représentation politique, par exemple. Même s’il ne faut pas s’y tromper : les gens sont toujours théoriquement d’accord avec le fait d’avoir plus de moyens d’action. Dans leurs comportements réels, constatés, ils n’en font que très inégalement usage. Se positionner comme ouvert d’esprit, sur le principe, ne mange pas de pain. Ce qui ne nous empêchera pas de constater une réelle adhésion, ici encore, à des propositions de réformes relativement importantes. Seule l’idée du vote obligatoire, historiquement, ne parvient pas à « prendre » en France, alors même qu’elle m’apparaît – à condition d’être accolée à la reconnaissance du vote blanc – comme l’une des solutions positives envisageables pour pallier la crise de participation politique.
Loic Blondiaux à propos de l'engagement...par AFEVTV
Crédit photo Université Paris 1
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