Colloque KAPS Lille 4/4
Le 16 janvier, au Gymnase de Lille, se tenait une rencontre nationale de l'Afev consacrée à "la colocation solidaire – Une nouvelle façon d'habiter et d'impliquer les étudiants dans le territoire." L'occasion de donner la parole à des élus, chercheurs, responsables de l'association, mais avant tout aux "kapseurs" eux-mêmes, étudiants impliqués dans ce mode original de colocation, venus de toute la France. Retour sur les interventions nombreuses et enrichissantes de ces derniers, pendant toute la journée.
Après l'accueil des participants, l'animateur Claude Costechareyre, « vieux compagnon de route de l'Afev », avait tenu à le rappeler : la journée avait été pensée pour être « la plus interactive possible ; nous comptons donc sur vous pour alimenter la réflexion, l'enrichir de votre expériences, de vos anecdotes... » Aussitôt dit, aussitôt fait : dès la première table-ronde consacrée à la genèse des Kaps, la présence sur scène de Margaux, kapseuse à Villeneuve-d'Ascq, a permis la mise en lumière de cette parole étudiante. Celle-ci a notamment indiqué en quoi « il est évident quand on est étudiant qu'il y a des choses pour lesquelles on peut être formés [sur le bancs de l'Université], et d'autres que l'on ne peut apprendre que sur le terrain, par nous-mêmes. Et même si on peut apprendre sur le papier à découvrir un quartier, y vivre au quotidien fera toujours toute la différence. » Elle a également détaillé les résultats d'une enquête menée sur trois occupants étrangers des Kaps de Nantes et Metz, originaires d'Allemagne, d’Égypte et du Burkina-Faso, et en particulier sur l'évidente dimension « vecteur d'intégration » du dispositif. Une dimension à mettre en parallèle avec sa propre expérience d'étudiante étrangère aux États-Unis, intégrée de fait par son statut de résidente au sein même du campus.
Pauline, kapseuse à Villeurbanne, a aussi profité de ce premier temps pour évoquer l'existence d'un système de « Kaps'Surfing », sur la base du "couchsurfing" et qui permet aux jeunes de visiter et comparer plusieurs modèles de Kaps sur tout le territoire. Se sont aussi exprimés Romain (« Il y a une démarche plus militante à avoir auprès des politiques publiques ») et Nathan (« On sent que parfois les institutions sont faites pour un temps qui n'est plus le nôtre »), respectivement kapseurs à Lille et Paris. Clémence, coordinatrice Kaps sur le pôle nantais (100 Kapseurs, « moitié étudiants moitié "autres statuts" », sur 10 quartiers et 3 villes) a également détaillé les spécificités et l'évaluation en cours de cette action sur le territoire nantais.
Interrogée lors du deuxième temps de la matinée avec la psychologue Joëlle Bordet, Audrène, kapseuse en habitat diffus sur le quartier Pont-de-Bois de Villeneuve-d'Ascq, a tenu à rappeler qu'elle était kapseuse « avant tout parce [qu'elle n'avait] pas d'argent, ce qui [lui] permet de mener une vie étudiante confortable sans devoir travailler 20 heures à côté pour payer [ses] études. » Elle a aussi indiqué que, son frère étant lui-même kapseur sur Grenoble, en résidence, elle avait pu constater que leurs ressentis respectifs divergeaient largement, sans doute du fait de la forme même prise par les Kaps sur les différents (habitat diffus ou résidence). Elle est également revenue longuement sur les nombreuses compétences acquises au fil de cette expérience, au fur et à mesure de l'évolution des projets montés en Kaps (cours de FLE, goûter zéro déchet sur financement "Projet d'initiative citoyenne"... Autant de projets « qui sont venus de nous-mêmes, ou de demandes émises par nos voisins habitant le quartier »). Des compétences face à des interventions « qui allient le formel à l'informel, et sont à destination de familles qui sont [leurs] voisins, et vivent dans les mêmes appartements [que les kapseurs]. »
La question de l'information a été posée à plusieurs reprises, par exemple en matinée par Nathan, kapseur à Paris, qui a raconté avoir été confronté dans ses études à des étudiants n'ayant pas connaissance de ce dispositif, qui aurait pourtant pu les intéresser, voire les aider dans la poursuite de leurs études. Pendant l'après-midi, les interventions de kapseurs ont permis aussi de mettre en lumière divers cas concrets de Kaps, comme celui de la résidence Barcelone au Tonkin-Villeurbanne (composteurs, jardin partagé, ateliers, avec participation progressive et active des voisins), particulièrement active aussi grâce à la mise en colocation de jeunes étudiants ou non, d'âges divers. En outre, les échanges entre kapseurs et Farida Kendri, chargée d'innovation à Est Métropole Habitat, tant pendant la pause-déjeuner que pendant la troisième table-ronde, ont débouché sur une prise de position importante de la part de ce bailleur : organiser chaque année une rencontre formelle entre Est Métropole Habitat et les jeunes qui occupent ses logements. Un exemple qui gagnerait à être généralisé sur tous les territoires...
La dernière table-ronde, enfin, intitulée « les colocations solidaires : quels apports pour les étudiants ? » visait à mettre les témoignages des kapseurs une fois pour toutes au centre de la réflexion. Face à Paul Mondino, Responsable de l'entité Jeunesse à la Métropole européenne de Lille, Emmanuelle Jourdan-Chartier, vice-Présidente Université citoyenne à l'Université de Lille et Xavier Bodard, Responsable du développement pour le secteur privé chez Odalys Group, trois jeunes ont pu détailler leurs expériences et ressentis :
- Ondine, 21 ans, fille d'agriculteurs, qui après un service civique dans son ancien collège de Montpellier, est désormais inscrite en L2 lettres modernes et kapseuse sur le campus Pont-de-Bois de Lille (elle a acquis, en organisant des temps cafés, des ateliers contes, « une capacité à travailler en équipe, de l'autonomie et une meilleur compréhension des autres ») ;
- William, engagé à l'Afev depuis 2013, qui a effectué un Service civique « très enrichissant » dans le Val-de-Marne est ensuite devenu ambassadeur du pôle, formateur pour les volontaires en Service civique, puis Kapseur à Lyon (dans le quartier de la Duchère, où il a mené des actions de nettoyage, impliquant les habitants) et à Lille. Il a donc pu parler de « trois territoires très différents, de pratiques différentes, mais de valeurs communes. »
- Romain, 25 ans, en formation d'éducateur spécialisé, ambassadeur du pôle lillois de l'Afev, qui a étudié de près la valorisation de l'engagement « tant par les employeurs que par les jeunes face aux employeurs ou par les différents diplômes que peuvent passer les étudiants » - avec notamment une réflexion poussée sur la terminologie de l'engagement.
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