Le Service Civique à l'heure du confinement

service civique confinement

Tandis que sur le terrain ou devant leurs écrans, les volontaires associatifs et jeunes en Service Civique sont une majorité à faire leur possible, avec leurs structures d'accueil et leurs tuteurs, pour poursuivre leurs missions malgré la nécessaire distanciation sociale, l'Agence du Service Civique œuvre à l'organisation, à l'information et à l'animation de sa massive communauté dans des circonstances aussi déstabilisantes qu'inédites.

Volontaire en Résidence depuis mi-décembre pour un contrat de six mois, Antoine, 19 ans, est arrivé à l'Afev grâce à une amie, déjà engagée en tant que Volontaire en Service Civique au sein de l'association. Ainsi, avant le confinement général, il passait, par semaine, douze heures bien remplies au Collège Clairs-Soleils du quartier éponyme de Besançon : aide au programme Devoirs Faits, animation du foyer un jour sur deux (« comme une étude, mais en beaucoup plus ludique »), et mise en place d'une équipe d'éco-délégués « pour faire des campagnes de nettoyage du collège, sensibiliser les élèves à l'écologie. » En parallèle, il suivait un jeune deux heures par semaine, dans le cadre du mentorat, et avait la charge d'une équipe de six bénévoles impliqué.e.s dans le même programme.

Aménagements dans la continuité

Il avoue s'être senti « complètement perdu » quand le confinement a été décidé, craignant en premier lieu de perdre son contrat de Volontaire. Heureusement, de visioconférences en visioconférences avec l'équipe du pôle Besançon, les choses, dans le cadre de #OnGardeleLien, « se sont rapidement mises en place », préservant ainsi une forme de continuité : « On a maintenu, à distance, nos réunions du lundi, et les équipes sont présentes en cas de problème, de question... » Si les activités au sein de l'établissement ont logiquement été suspendues, avec peu de contacts maintenus avec l'équipe pédagogique, « nous avons seulement fait passer le mentorat hebdomadaire de deux à une heure, parce qu'il est plutôt complexe de garder un enfant concentré deux heures au téléphone. »  Moyennant aussi quelques aménagements, comme le changement du jour de mentorat, en fonction de la disponibilité des téléphones parentaux (la plupart des familles ne disposant pas d'ordinateurs de bureau). Rentré chez ses parents en Haute-Saône, lui-même poursuit ainsi, comme ses pairs bisontins, son mentorat, « dans des conditions quand même difficiles (notamment quand les familles ne répondent pas, on ne peut qu'attendre qu'ils se rendent disponibles !), mais ça passe ! » A en croire son expérience, « ceux qui ont l'air de ressentir le plus fortement le changement, ce sont les adultes, les familles – les enfants, eux, ne s'en soucient pas outre mesure. »  Au niveau des troupes disponibles au sein de l'association, en revanche, aucun souci : « 150 bénévoles sont arrivés, en plus, du fait du confinement, qui veulent aider les enfants n'ayant plus cours. » Ainsi, dans ce cas précis comme de manière générale, l'Afev vise à maintenir le plus possible, et souvent avec succès, la continuité de ses missions (via ses 8000 étudiants mentors, 1300 volontaires en Service Civique...) : des témoignages affleurent de Brest, Lyon, Avignon, Toulouse, pour en attester.

Tout le Service Civique mobilisé

A une échelle plus large, une autre institution n'a pas chômé, ces dernières semaines : il s'agit de l'Agence du Service Civique, groupement d'intérêt public créé il y a dix ans, qui accorde notamment les agréments à des associations comme l'Afev, et à ce titre s'assure de la bonne poursuite des missions, même en période de crise. Interrogée par le Lab'Afev, sa présidente Béatrice Angrand tient d'ailleurs « à remercier et à féliciter l'Afev, qui a été extrêmement réactive dans cette démarche d'accompagnement des jeunes dans la réinvention de la notion de Service Civique, a publié très vite des kits repensés dans le sens du confinement... On n'a jamais eu autant besoin de cette énergie pour permettre [à ces derniers] de poursuivre leurs gestes de solidarité, leur action au service de l'intérêt général et de la cohésion sociale. » Appréhendant les craintes initiales d'un jeune comme Antoine, l'Agence avait tenu dès le premier jour à « informer la communauté du Service Civique du maintien quoi qu'il arrive des contrats et des indemnités pour tous les jeunes, quel que soit leur statut et leur possibilité ou non de poursuivre leurs missions. » Ceci, tout en prenant soin de sécuriser la situation des 1570 volontaires engagés dans 98 pays du monde (en Service civique international ou dans le Corps européen de solidarité). Il a ensuite fallu « aider les 11 000 organismes d'accueil à imaginer des missions réaménagées pour les 58 000 jeunes concernés, des "télé-missions" dans l'esprit de l'engagement initial qui était le leur. »

 

A terme, un tiers des engagés ont été purement et simplement empêchés de poursuivre leurs actions, dont une partie s'est réorientée vers le bénévolat (Banque alimentaire, Croix Rouge, et tout particulièrement Réserve Civique, etc.) « Nous avons essayé de mettre en relation des jeunes en Service Civique avec des structures d'accueil, des communautés de communes, de grosses associations qui avaient un besoin urgent de bénévoles. »   Guide du Volontaire En plus de ce travail de redéfinition des missions ou de "ré-allocation" dans l'urgence des engagements et énergies, l'Agence du Service Civique a mis sur pied avec toute sa communauté un Guide du Volontaire confiné et solidaire ayant « d'abord pour vocation de rappeler aux jeunes les gestes barrières, le strict respect des conditions sanitaires ; ensuite de montrer comment rester engagé et solidaire en toute circonstance » ; enfin, de préserver le maintien du contact entre volontaires et organismes d'accueil, « même à distance » (notamment pour la réalisation du Projet d'avenir ou la Formation civique et citoyenne).  Autant d'actions menées de front en même temps qu'une grosse campagne de communication tant médiatique (« nous sommes très sollicités par les médias, qui cherchent à valoriser des profils de volontaires qui s'engagent ») qu'en interne. Et pour l'avenir ? Quid si la situation devait se prolonger, ou ces épisodes de confinement se réitérer ? Interrogée à ce sujet, Béatrice Angrand constate deux choses : « D'une part, contrairement à ce que l'on entend souvent, les jeunes veulent absolument se rendre utiles, et agir dans une solidarité de proximité – dont 5% sur le terrain, "au contact" : garde d'enfants de soignants, distributions de repas, aide aux personnes âgés, actions dans les centres d'hébergement ou les camps de roms, etc. » En outre, « le Service Civique a été très réactif, et a montré qu'il était capable de se renouveler. Ainsi, ce que l'on est en train de construire, là, nous sommes tout à fait susceptibles de l'ancrer, très positivement, dans la durée. » Il s'agit précisément, selon elle, d'ancrer les innovations, et de faire connaître les bonnes pratiques, comme celles de ce Fablab de Concarneau, « qui a externalisé ses imprimantes 3D, permettant aux jeunes de fabriquer chez eux leurs propres masques, c'est incroyable ! »    Sa seule crainte réelle, en cas de prolongation du confinement, c'est que « les jeunes en Service Civique, empêchés de faire un projet d'avenir correct, finissent par avoir le sentiment de s'être fait "voler leur contrat", et ce même pour ceux qui acceptent volontiers de faire évoluer sur six semaines leur mission en télé-mission, dans des circonstances particulières. » Un enjeu qui demeure crucial pour l'avenir : « Une fois passé l'élan des premières semaines, certains d'entre eux risquent quand même d'avoir des fourmis dans les pattes... » Il faudra alors, sans doute, leur fournir des solutions acceptables... mais comment ?

François Perrin

Partager cet article