L’Afev et ses engagé·es : plaidoyer pour une meilleure reconnaissance

Enquête engagés Afev

Ce ne sont pas moins de 2 631 jeunes engagé·es à l’Afev qui ont été interrogé·es de manière approfondie, au cours du premier semestre 2023 et comme l’avaient été leurs aînés il y a dix-huit ans, dans le cadre d’une enquête réalisée par le cabinet Trajectoires/Reflex dont les résultats viennent d’être dévoilés. Des résultats qui ont poussé l’association à lancer un appel aux pouvoirs publics pour un soutien et un encouragement massif à l’engagement des jeunes.

Le 17 décembre 1985, l’ONU créait le International Volunteer Day (IVD), afin de mettre en lumière, tous les 5 décembre suivants, la puissance de l’action collective. « Si tout le monde s’engageait volontairement, a-t-elle déclaré cette année - à l’occasion de cette 38ème édition de la Journée internationale des bénévoles et volontaires -, le monde serait un endroit meilleur (…) Le volontariat est une énorme ressource renouvelable pour résoudre des problèmes sociaux, économiques et environnementaux dans le monde entier. » C’est donc fort logiquement cette date qu’a choisie l’Afev – grâce à laquelle « des milliers d’étudiant-es s’engagent chaque année » - pour dévoiler les résultats de son enquête approfondie, « menée auprès de jeunes engagé·es à [ses] côtés », et pour en appeler, forte de ces résultats « à la reconnaissance concrète de l’engagement des jeunes. »

 

Qui sont-ils ?

Réalisée, entre mars et juin 2023, par le cabinet d’études Trajectoires-Reflex auprès de 2 631 de ces jeunes engagé·es à l’Afev, puis approfondie en septembre au travers d’un « focus group qualitatif », cette enquête présente un double avantage : au-delà de ses résultats à proprement parler, très révélateurs, elle a pu à plusieurs niveaux être mise en perspective avec celle réalisée en 2005 par le même cabinet auprès de 500 étudiant·es, à l’occasion des quinze ans de l’association. Qu’en est-il aujourd’hui, alors que l’Afev vient de célébrer ses 30 ans ? Comment la population de ces jeunes, impliqués via l’Afev sur des actions bénévoles plus variées encore qu’à l’époque, a-t-elle évolué dans l’intervalle ?

Intitulée « Profils, motivations, aspirations… qui sont les engagé·es de l’Afev ? », elle livre pour commencer d’intéressantes informations sur les caractéristiques de cette population. Très majoritairement constituée de femmes (à 77%, soit une presque imperceptible érosion depuis 2005), elle présente une part d’individus de moins de 20 ans (46%) plus de deux fois supérieure à celle d’il y a dix-huit ans (22%). Ce qui s’explique sans doute en partie par le développement ces dernières années des propositions d’action de l’Afev en matière de mentorat lycéen, comme Socrate – les lycéens représentent d’ailleurs aujourd’hui 13% des bénévoles de l’association.

53% des jeunes interrogés sont issus des classes populaires, dont une majorité (32%) enfants d’employés (une part qui a progressé de 5 points en 18 ans). Par ailleurs, si la proportion des enfants d’ouvriers est passée de 14 à 9%, et celle des enfants d’agriculteurs de 4 à 2%, cela semble correspondre à la diminution de la proportion d’ouvriers et d‘agriculteurs dans la population française entre ces deux dates (de 23% à 19% pour les uns, de 2,4 à 1,5% pour les autres). Enfin, 7% des parents sont « sans activité », ce qui correspond peu ou prou au chiffre de 2005 (8%), tandis que les retraités se voient moins bien représentés (de 10 à 6%) – peut-être en partie du fait de la plus grande jeunesse des engagés de 2023…

Comment vivent et étudient-ils ?

Quoi qu’il en soit, 37% d’entre eux vivent seuls, 38% avec leur famille, et presque un quart (24%) en couple (6%) ou en colocation (18%). Ils ne sont qu’un cinquième à être logés en résidence étudiante (dont 13% au Crous), contre 71% « dans un appartement/maison (hors résidences étudiantes », 1% « chez des ami-es (version débrouille) et 8% dans un cadre mal défini (« Autre »). En revanche, ils sont sept sur dix à vivre dans la ville de leurs études ou de leur travail (d’autant que les trois quarts d’entre eux indiquent préférer « en présentiel ») et, si l’on affine, ils ne sont que 7% à vivre dans un quartier prioritaire et 6% dans une zone rurale.

En termes d’orientation post-bac, plus des trois quarts d’entre eux en sont pleinement satisfaits, même ceux qui ne suivent pas la voie qu’ils avaient initialement choisie (10%). La même proportion a d’ailleurs bien vécu son entrée dans l’enseignement supérieur. Pour autant, précise l’enquête, « comme à l’échelle nationale, les filles et fils d’ouvriers ont moins accès à une orientation choisie : c’est le cas pour 62% d’entre eux, contre 72% pour les cadres. »

La moitié de ces engagés se font aider par leur famille pour financer ces études, et un tiers disposent d’une bourse du Crous – seuls 4% déclarent en revanche avoir contracté un prêt étudiant. En outre, si l’on considère ceux qui exercent un job étudiant ou une vacation (23%), un travail salarié (11%), un Volontariat en Service civique (6%) – voire, plus à la marge, un emploi étudiant de l’enseignement supérieur (2%) ou un travail en auto-entrepreneur (2%) -, il faut bien reconnaître qu’un nombre important d’entre eux travaillent en parallèle de leurs études.

Conscience sociale et rapport au politique

« Face à leurs inquiétudes », l’étude a pu révéler « un éloignement du politique » chez ces jeunes. Plus précisément, interrogés sur l’impact qu’a pu avoir la récente crise sanitaire sur leur santé mentale, ils sont 41% à avoir parlé de « démotivation », d’une « perte d’envie », 30% de « solitude » ou de « stress », une part comparable à avoir mentionné « la fatigue », « l’anxiété », « la déprime »… et seulement 29% « aucun impact particulier » ! Ainsi, s’ils sont en moyenne générale 71% à en avoir été affecté, une observation plus fine met au jour certaines populations particulièrement vulnérables pendant cette période : les femmes (dont 74% ont été affectées, contre 58% des hommes), les habitants des QPV (78%), et tout particulièrement les personnes non binaires (qui représentent 2% de l’échantillon, mais dont 91% ont été affectées).

Cette distinction selon le genre se confirme d’ailleurs lorsqu’ils ont été interrogés cette fois sur leur inquiétude face à l’avenir : si en tout 53% disent ne pas avoir confiance en ce dernier, ce chiffre varie de 35% pour les hommes à 57% pour les femmes (et 76% pour les non binaires) ! Par ailleurs, une part très élevée - 59% - des interrogés ont souscrit à l’affirmation « J’ai l’impression de faire partie d’une génération sacrifiée. » Trois champs angoissent tout particulièrement la moitié d’entre eux : le climat, l’éducation et les inégalités. 74% d’entre eux considèrent d’ailleurs qu’il « serait nécessaire de prendre des mesures drastiques en réponse à la crise environnementale », et ils sont 85% à indiquer vouloir « exercer un métier qui ait du sens pour améliorer la société ou le climat. »

En revanche, si la pauvreté/précarité concentre encore 36% des craintes, la santé 31%, d’autres thématiques très régulièrement mises en avant dans les médias et les discours politiques suscitent relativement peu d’appréhension : la sécurité (21%), l’emploi et le pouvoir d’achat (16%) et l’immigration (11%). Ce qui explique – peut-être – le fait que 40% d’entre eux ne se reconnaissent (comme en 2005) dans aucune tendance politique. Dans le cas contraire, ils se situent plus volontiers qu’il y a 18 ans à l’extrême-gauche (13% contre 8%) ou au centre (13% contre 2%) qu’à gauche (39% contre 48%, même si cette tendance reste très largement majoritaire). La proportion (particulièrement minoritaire, en revanche) grimpe par ailleurs de deux points à droite (de 4 à 6%) et même à l’extrême-droite (de 0 à 2%).

En termes de scrutins, ils se sont en 2022 plus volontiers rendus aux urnes pour les législatives que la moyenne nationale des 18-24 ans (46% contre 30%)… mais moins que cette dernière à la présidentielle (65% contre 75%). Avec toujours une nette surreprésentation des femmes et des enfants de cadres sur ces items. Parallèlement, 61% des non-votants ont indiqué « qu’ils n’avaient pas le droit de vote (certainement par non-inscription sur les listes électorales) », 20% qu’ils n’étaient « pas intéressés par les propositions des candidats » et même 17% que… « voter ne les intéresse pas » !

Engagement associatif : hier, aujourd’hui, demain  

Mais alors, comment s’exprime leur engagement, quand ils choisissent de ne pas voter ? La réponse est claire : « A leur échelle, à travers une action qui a plus de sens pour eux. » Comme l’indique l’un d’entre eux, emblématique des 73% qui agissent dans le cadre de l’Afev pour ne pas se sentir impuissants : « Je ne vote pas, ça ne m’intéresse pas. Je préfère agir à mon échelle locale. Au moins, les choses bougent, et je vois des effets concrets avec l’Afev… » En outre, ils sont un quart à s’engager « dans leur mode de consommation », et un sur dix à se rendre à des manifestations. Quant aux réseaux sociaux, s’ils les utilisent à la marge (7%) pour partager leurs valeurs, ils les considèrent surtout « comme l’une de leurs principales sources d’informations. »

Bien souvent, leur souhait de s’engager ne date pas d’hier : 52% d’entre eux ont déjà été délégués de classe (51% en 2005), soit beaucoup plus que les 25% avancés par l’enquête de 2018 du Centre nationale d’étude des systèmes scolaire (CNESCO) sur l’engagement lycéen (et ce même si la participation à d’autres instances dédiées aux jeunes, comme les conseils de vie lycéens ou collégiens, les conseils municipaux des jeunes, n’ont concerné que 20% d’entre eux). Et si pour une part un peu plus faible de ces jeunes qu’en 2005, l’Afev constitue une première expérience associative (56%, contre 60%), ce chiffre indique surtout qu’ils sont presque la moitié à s’être déjà engagé ailleurs malgré leur jeune âge. En outre, 35% d’entre eux cumulent cet engagement avec une action au sein d’autres structures.

Dans le détail des actions, ils sont 80% à intervenir dans le cadre du mentorat en présentiel et 17% dans celui du mentorat à distance, 9% dans celui du Volontariat en Service Civique et 5% au sein d’une Kaps (chaque expérience n’étant pas exclusive des autres). Ils y sont d’ailleurs principalement venus avec un projet en tête : « Aider un-e enfant/jeune en difficulté » (80%) – même si d’autres motivations existent, comme l’acquisition de compétence (45%), l’enrichissement de leur vie étudiante (44%), la participation à la construction d’une société plus égalitaire (43%). Sur ce point, ils sont un petit quart (23%) à déclarer s’être engagé aussi « pour valider [leur] engagement dans [leur] cursus. »

Quant on les interroge sur la poursuite de leur action dans un avenir proche – la prochaine année universitaire-, ils sont un sur deux à hésiter, 13% à répondre par la négative, et 37% par la positive. Et si ces derniers envisagent alors d’être « bénévoles mentors » (78%) ou « bénévoles ponctuels de l’association » (27%), un sous-groupe se distingue ici par ses réponses. Celui de ceux qui habitent au sein d’un QPV, qui sont non seulement 45% à souhaiter poursuivre leur action l’an prochain, mais un sur deux à déclarer explicitement vouloir le faire en qualité de kapseur.

Un nouveau plaidoyer de l’Afev  

Au regard de ces résultats, la Directrice enseignement supérieur et jeunesse de l’Afev, Sandrine Martin – qui par ailleurs a activement participé à l’élaboration et l’analyse de cette étude – en est convaincue : « L’engagement des jeunes est indispensable pour une société plus juste et durable. » Par conséquent, « nous devons prendre en compte la valeur essentielle de leur contribution, en la reconnaissant économiquement et socialement. »

Raison pour laquelle, comme l’indique un communiqué de presse publié par l’association le jour même de la diffusion des résultats de l’enquête, mardi 5 décembre, l’Afev a décidé d’appeler « les pouvoirs publics à soutenir et encourager massivement l’engagement des jeunes, en reconnaissant réellement leurs contributions à la société. La promotion, la reconnaissance et la valorisation systémiques du bénévolat et du volontariat des jeunes sont déterminantes dans leurs parcours individuels et pour la construction d’une société plus juste et solidaire. »

 

François Perrin

 

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