La belle machine à relégation

Lycée professionnel, c’est un drôle de nom. On est au lycée mais c’est pour être un professionnel, connaître le monde du travail, apprendre un métier en l’exerçant presque déjà. Au lycée général, on est censé s’éclairer, se cultiver, pour faire ensuite des études supérieures. Ne pas trop penser à demain. Alors qu’au lycée professionnel, on entre tôt dans la vraie vie... tout un programme. Moi, je ne suis jamais allée dans un lycée professionnel, je n’en connais rien. Avec le temps, j’ai bien glané quelques informations, potassé des brochures, mais que sais-je de ce que vont faire les élèves lorsqu’ils sont inscrits, souvent malgré eux, en Vente, Maintenance, Electrotechnique, Service accueil, Construction, Secrétariat ?

Lui vendre les métiers dont personne ne veut

Ce que je sais, c’est que quand on ne sait pas trop quoi faire d’un élève, on l’oriente vers le lycée professionnel. C’est bien connu. Quand un élève rédige trop mal pour faire des dissertations, quand il ne travaille pas, quand il n’arrive pas à tenir en place, quand il a de trop mauvaises notes en maths, quand il sèche les cours, quand il n’a pas des parents cadres qui trouveraient une solution plus honorable... Alors, le jeune, on le prend entre quatre yeux et on lui dit l’air contrit, pour soulager sa conscience, celle du système : « Tu sais, tu n’es pas fait pour des études longues, des contraintes trop lourdes... Bien sûr, ce n’est pas ton intelligence qui est en cause, tu as de réelles compétences (le mot à la mode), mais pas dans cette filière... Pour toi, il faudrait quelque chose de plus concret, avec de vrais débouchés, où tu aurais à nouveau de bonnes notes, une bonne image de toi, bla bla bla ». Là, l’élève comprend vite : on est en train de lui vendre le lycée professionnel, on est en train de lui expliquer qu’il va apprendre les métiers dont personne ne veut, avec des élèves dont personne ne veut. Il sait qu’on lui ment, qu’on est hypocrite, que le système est en train d’actionner sa belle machine à relégation. Nathalie Broux, professeure au lycée Jacques-Feyder à Épinay-sur-Seine Crédit photo Flickr CC Ikayama

Partager cet article