Juliette Furet : « L'augmentation de la proportion de jeunes dans le parc social est un enjeu. »

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Responsable du département des politiques sociales à la direction des politiques urbaines et sociales de l'Union nationale des fédérations d'organismes HLM / Union sociale pour l'habitat, Juliette Furet souligne combien il importe d'augmenter la part des jeunes dans le logement social qui a diminué depuis trente ans.

Quelles ont été vos réactions à la lecture de cette enquête ?

Juliette Furet : Je ne suis pas experte de la jeunesse mais du logement social. Cela dit, ce qui m'a immédiatement frappée, c'est la grande diversité des situations des différents « types » de jeunesses : en emploi ou en formation, en couple ou non, indépendants ou chez leurs parents... Un jeune en CDI n'est pas un jeune en « phase de construction ». Certains cumulent de grandes difficultés, d'autres en sont plutôt préservés. Il apparaît également que la situation s'améliore peu ou prou avec l'âge, et la stabilisation progressive de la situation des jeunes. Il existe des difficultés structurelles, liées au fait même d'être jeune : j'estime par exemple que même si cette situation n'est pas forcément la plus confortable, un jeune peut s'estimer « vernis » d'être étudiant et logé chez papa-maman. Dès lors qu'il est question d'un ressenti, la plus grande prudence est de mise.

Des difficultés propres aux jeunes existent bel et bien ?

Juliette Furet : Ces difficultés sont en partie le reflet de celles éprouvées par l'ensemble de la population française : 1,7 million de demandeurs de logement social, une sur-occupation des logements, des gens « à la rue »... La crise du logement abordable est profonde, en France, et se loger en Île-de-France avec un SMIC, par exemple, est difficile pour tous. Or les jeunes disposent le plus souvent de revenus modestes, ce qui les place en situation compliquée. On constate d'ailleurs qu'ils accèdent moins qu'avant au parc social : aujourd'hui, 12% des locataires titulaires de ce parc ont moins de trente ans, contre 24% en 1984.

Pourquoi ce constat ?

Juliette Furet : Parce que les situations de mobilité, qui sont le propre de nombreux jeunes (saisonniers, apprentis, accédant à l’emploi…), nécessitent des réponses très rapides et adaptées : nos procédures de gestion de la demande sont assez peu « internetisées » (même si nous y travaillons). Surtout, la réglementation privilégie l’ancienneté de la demande. Les conditions d'occupation temporaire du logement par ces jeunes nécessitent une gestion particulière - appartements meublés, colocation, bail d’un an renouvelable mis en place aujourd’hui. Il en va de même des formules « un peu hôtelières », de type deux jours par semaine pour les apprentis, qui ne disposent pas d’un cadre juridique adapté. La solvabilisation par l'APL présente une forte acuité pour les jeunes (délai de carence, forfait charge très restreint). Et puis les jeunes expriment aussi des exigences, notamment en termes de localisation (proche du centre-ville en l'absence d'un permis de conduire par exemple), qui les poussent parfois à rejeter certaines propositions.

Quelles sont vos pistes de travail, dans ce domaine ?

Juliette Furet : L'augmentation de la proportion de jeunes dans le parc social est un enjeu, pour nous, notamment en termes de mixité générationnelle. A la différence d'autrefois, les gens logés dans le parc social n'en sortent plus, ce qui induit un vieillissement de nos locataires, une baisse de la mobilité. Or, si toute cette jeune génération méconnaît aujourd'hui le parc social, il y a fort à parier que dans vingt ans, il sera encore plus difficile de travailler sur ce terrain... Nous œuvrons donc avec l’ensemble des partenaires, collectivités territoriales, Universités, CFA, associations dont l’Afev, pour bâtir des réponses sur le terrain. Nous souhaitons nous adresser à l'ensemble des jeunes en formation (étudiants de l'université, jeunes travailleurs, apprentis, jeunes salariés...). Nous développons une offre nouvelle adaptée en typologie comme en surface (plus petits logements pour les jeunes par exemple). Il est nécessaire que cette démarche soit assise sur des politiques locales cohérentes, et que les offres soient bien ciblées (micro-résidences, proximité de certaines entreprises, etc.) pour permettre des parcours sur les territoires. De plus en plus, les organismes qui se positionnent sur cette question proposent de nouvelles innovations dans leur politique de gestion - la relation avec le jeune, l’adaptation des procédures, le travail avec des tiers, des prescripteurs nous adressant des gens -, ce qui est fondamental.

Propos recueillis par François Perrin

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