Dans le cadre de l’enquête Afev-Audirep de l’Observatoire de la jeunesse solidaire portant sur "le regard des français sur les jeunes" publiée en mars 2010, révélant -entre autre- que 51% des français ont une image négative des jeunes, l’Afev a interrogé un certain nombre d’acteurs pour réagir à ces chiffres, et notamment sur leur investissement dans la société.
Entretien avec Julien Bayou, fondateur de "Génération Précaire" et "Jeudi noir", élu au Conseil régional d’Ile-de-France, porte-parole d'Europe Ecologie-Les Verts.
Trois quarts des Français soutiennent l’idée d’aides directes aux jeunes plutôt qu’à leurs parents… Qu’en pensez-vous ?
J’ai été surpris de constater qu’une majorité se dégageait pour rediriger les aides familiales vers les jeunes majeurs. Et c’est une bonne surprise ! A « Génération précaire », nous dénonçons depuis plusieurs années le bizutage social imposé à la jeunesse, l’idée qu’il est normal que la transition vers l’âge adulte se fasse dans la douleur et les difficultés matérielles. C’est d’autant plus inacceptable que cette transition, qui se faisait auparavant vers 20/22 ans, se fait de plus en plus tard, vers 28/30 ans pour l’obtention d’un CDI, et dans des conditions toujours plus dégradées. Et tout le monde trouve normal que les jeunes de 18 à 25 ans soient 50% plus pauvres que la moyenne nationale ! Dans les années 70/80, les retraités étaient dans la même situation de précarité, et la société considérait que c’était un problème national. Là, on considère que quand 21% des jeunes vivent sous le seuil de pauvreté – et encore ce chiffre date-t-il d’avant la crise – il faut que jeunesse se fasse… A « Génération précaire » nous sommes naturellement plus impliqués sur la question des stages, un système avec lequel on touche le fond : on accepte que des gens passent plusieurs mois en entreprise sans être payés, sans être considérés, en leur disant que c’est comme ça qu’ils apprendront à s’intégrer dans le monde de l’entreprise… Avec le CPE on avait atteint le paroxysme de cette logique… Mais il est toujours vu comme normal que les pouvoirs publics subventionnent les entreprises pour embaucher des jeunes.Quelles mesures proposeriez-vous pour faciliter l’autonomie des jeunes ?
La question des aides directes est cruciale. Quand nous avons participé aux travaux du Livre Vert de la Jeunesse l’an dernier, nous avions proposé par dérision de reporter la majorité à 25 ans : si à 18 ans vous obtenez le droit de vote, vous payez des impôts mais que vous n’avez pas droit au RMI ou au RSA (1), alors autant être cohérent et dire que l’on n’est pas sérieux avant 25 ans ! Si un jeune a 20 ans et qu’il travaille à temps partiel, il doit bénéficier du complément de revenus du RSA. S’il ne travaille pas, il doit pouvoir au moins toucher l’aide planchée. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler à des actions en justice sur ces dispositifs, pour discrimination sur l’âge. De façon plus générale, notre société a besoin d’une « révolution copernicienne » des mentalités, ne plus considérer que les jeunes sont oisifs par nature avant 25 ans. Certains responsables politiques – de droite comme de gauche – croient encore qu’une aide directe pour les jeunes les inciterait à arrêter les études. Personnellement, je serais en faveur d’une allocation mensuelle, et plutôt sous forme d’investissement que de prêts – certains pays nordiques partagent en effet l’aide aux jeunes entre une part de prête et une part d’aide « d’investissement ». En 2002, une commission parlementaire sur la jeunesse avait estimé à 15,7 milliards d’euros toutes les aides destinées aux jeunes mais qui n’allaient pas forcément dans leur poche – quotient familial, réductions d’impôts - et estimé que cette somme permettrait de distribuer des aides conséquentes aux jeunes. La question politique c’est : « est-on prêt à faire confiance aux jeunes ? » Le sondage aurait tendance à aller dans cette direction. Le problème est que personne aujourd’hui n’ose remettre en cause des associations familialistes, comme l’UNAF, qui gèrent une rente. Les familles aisées bénéficient de gros avantages fiscaux via la demi part fiscale, alors que leurs enfants peuvent être en galère voie à la rue – j’en connais. Et les associations familialistes constituent un lobby puissant en faveur du statut quo, pour maintenir des politiques familiales comparables à celles existants en Italie ou en Grèce – et dont on a déjà fait la démonstration de l’échec. Propos recueillis par Paul Falzon-Monferran Crédit photo Renaud MonfournyPartager cet article