Jules Donzelot : « La RSU est un enjeu de démocratisation de l’enseignement supérieur »

Si aujourd’hui un diplôme de l’enseignement supérieur reste le meilleur rempart contre le chômage [1], une part croissante de la population doit se sentir rassurée : 42% en ont obtenu un en 2009, contre seulement 32% en 1995 et 15% en 1985. Mais cette massification n’équivaut pas à une véritable démocratisation puisque, selon l’Observatoire de la Vie Etudiante (OVE), seulement 31% des étudiants sont enfants d’ouvriers ou d’employés, contre 35% issus des classes supérieures. Pire, la tendance est à l’accroissement des inégalités puisqu’en 2006 les proportions étaient inverses : 36% d’étudiants d’origine défavorisée contre 32% des classes supérieures [2]. Comparativement aux enfants de cadres et de professions supérieures, les enfants d’employés et d’ouvriers sont ainsi encore plus désavantagés qu’auparavant.

Les universités face à leur nouvelle responsabilité : leur territoire

Les phases successives de massification ont contribué à modifier l’identité des établissements d’enseignement supérieur. La fonction traditionnelle d’émancipation d’une frange de la population à visée élitiste disparaît progressivement, au profit d’une fonction de mise en capacité massive à visée sociétale : il s’agit d’accompagner une majorité de la population vers une insertion professionnelle réussie. Pour mener à bien cette fonction, les établissements s’attèlent à une série de chantiers relativement nouveaux : assurer l’égalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur, accompagner les étudiants vers l’obtention d’un diplôme réellement qualifiant et, enfin, faciliter l’accès à l’emploi des étudiants diplômés. Chacun de ces trois chantiers implique de développer des liens avec les établissements secondaires, les collectivités et les entreprises : la nouvelle responsabilité sociale des universités renvoie d’abord à un enjeu de territorialisation.

Des initiatives pour l’égalité des chances

Des trois chantiers évoqués, l’inégalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur est peut-être celui qui pose le plus de difficultés. Le programme national des Cordées de la réussite, lancé en 2008, contribue à faciliter l’accès des classes populaires aux Classes préparatoires aux grandes écoles puisque le taux de boursiers y progresse lentement mais sûrement [3] . En ne ciblant toutefois que les meilleurs élèves des collèges et lycées, il s’inscrit plus dans une optique élitiste que dans une visée véritablement sociale et ne produit pas l’amélioration massive attendue. Il convient donc envisager d’autres actions, en commençant par s’inspirer de l’existant : les initiatives isolées des institutions et/ou des associations. Les innovations les plus remarquables en la matière partagent un point commun : elles se fondent toutes dans une démarche fortement territorialisée. Les actions menées par l’AFEV auprès des jeunes des quartiers populaires, par exemple, opèrent une connexion concrète et vivante entre l’enseignement supérieur, les établissements secondaires et les familles des quartiers populaires. Citons deux autres initiatives qui s’inscrivent dans une logique similaire : les Parcours d’orientation animés par l’Université du Havre et les séjours d’immersion Univ’d’hiver portés par l’Université et la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise.

Des impacts attendus sur la diversité sociale à l’université

Les Parcours d’orientation consistent à mettre en œuvre et à coordonner une large panoplie d’actions : accueil des classes de première et de terminale lors de conférences thématiques dans les locaux de l’université, journées de formation des professeurs principaux, information des lycéens et de leurs familles sur les différents évènements visant à présenter l’offre de formation du territoire (journées portes ouvertes, nuit de l’orientation, forum des enseignants), réunions d’information à destination des lycéens engagés dans une démarche d’orientation active, journées portes ouvertes à l’université, etc. De leur côté, les séjours d’immersion Univ’d’hiver consistent à accueillir à l’université durant quatre jours consécutifs, chaque année au mois de février, cent quarante lycéens de Seconde. Au programme : dialogue avec des étudiants, des universitaires et des professionnels du territoire, mais aussi activités sportives, artistiques, et préparation d’un spectacle présenté à la fin du séjour devant les partenaires de l’action et les parents d’élèves. Ces actions marquent une réelle innovation dans le champ de la responsabilité sociale des universités dans la mesure où des associations, des collectivités et des entreprises rejoignent les établissements d’enseignement supérieur dans un effort conjoint visant à informer, motiver et accompagner les futurs étudiants potentiels. Produits d’un effort de territorialisation des universités, elles sont de nature à avoir un impact réel sur la diversification sociale de la population étudiante. Jules Donzelot, chargé de mission Egalité des chances & Stratégie urbaine à l'Agglomération de Cergy-Pontoise Contribution Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Universités

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