Le 22 septembre dernier se tenait, en présentiel et en ligne, la 14ème édition de la journée du refus de l’échec scolaire (JRES), organisée par l’Afev et ses partenaires en l’auditorium du journal Le Monde. Son programme était clair : « Après la crise, accélérons la lutte contre les inégalités éducatives ! ». Focus sur le premier temps de cette journée, consacrée aux études - dont celle UNAF/Afev par Trajectoires Reflex.
En introduction de cet après-midi d’échanges et de réflexions, le journaliste du Monde Emmanuel Davidenkoff - co-animateur, en tant que "puissance invitante", avec sa consœur Soazic Le Nevé – a constaté l’invariabilité, dans le temps, des cartes de l’éducation prioritaire, « alors que dans l’intervalle, des centaines de milliers d’enfants et d’adolescents ont bénéficié de politiques publiques, de l’investissement d’associations, de la communauté éducative au sens large du terme, qui ont permis à une grande part d’entre eux de connaître un destin scolaire largement meilleur que celui que leur assignait leur lieu de naissance ou leur milieu d’origine. »
Pour un journaliste comme lui, une question se pose en permanence : « Comment raconter en même temps ces permanences et toute l’ampleur du travail qui est accompli. » Ainsi, « raconter la lutte contre l’échec scolaire, c’est aussi raconter la lenteur, la patience, l’humilité – et ce sans se lasser, de jour en jour et d’année en année -, et percevoir de petites inflexions, conforter tous ceux qui contribuent à allumer de petites lumières au bout du tunnel. » La JRES, à ce titre, permet de montrer « qu’il existe des solutions, et que toutes les associations agissent et produisent des résultats. »
Pourquoi la JRES ?
Pour ouvrir les débats, la Directrice des programmes de l’Afev, Eunice Mangado-Lunetta, est-elle aussi revenue sur l’utilité de la JRES, « journée de refus certes, mais aussi de réflexion et de plaidoyer, qui ne vise pas que l’indignation et la dénonciation, mais aussi l’action. » Ceci afin de « remettre à l’agenda le sort des plus fragiles, tout particulièrement à quelques mois des prochaines élections présidentielles », dans la mesure où « la France est l’un des premiers pays au Monde pour faire exceller les meilleurs, mais aussi l’un des moins performants pour faire réussir les plus fragiles. »
Ainsi, alors que « nous entrons dans la troisième année scolaire percutée, bouleversée par la crise sanitaire », la JRES sert « à écouter ce que nous disent les publics dits bénéficiaires de nos actions (…), à prendre du recul pour comprendre et nommer les inégalités, afin de les combattre efficacement, et enfin à raconter ces histoires de liens humains, de solidarité qui font qu’au terme de cette 14ème édition, nous ne perdons toujours pas espoir. »
Analyse comparée 2008/2021
Après la diffusion du témoignage de Divine (14 ans) et Justine (22 ans) - un binôme mentoré/mentor de l’antenne dijonnaise de l’association -, le chargé d’études statistiques chez Trajectoires Reflex Romain Poncet est venu présenter l’étude réalisée par son cabinet, à la demande de l’Afev et de l’UNAF. Enquête intitulée « Le rapport à l’école des collégiens des quartiers populaires », qui faisait écho à celle réalisée en 2008 dans le cadre de la 1ère JRES, tout en intégrant des items sur la crise sanitaire et le rapport aux réseaux et à l’outil numérique.
Selon lui, il s’agissait ainsi de « mesurer le bien-être des collégiens, variable essentielle lorsqu’il est question de la réussite des élèves. » A ce titre, le malaise général des collégiens accuse par exemple un certain recul, entre 2008 et aujourd’hui, même s’il reste très genré (les filles en étant plus souvent victimes). Concernant le confinement, les deux tiers des élèves interrogés déclarent avoir rencontré des difficultés scolaires pendant cette séquence (tout particulièrement les filles, et tout particulièrement quand les parents ne travaillent pas). Pour autant, ils sont désormais autant à appeler de leurs vœux une école 100% en présentiel qu’à espérer pour l’avenir une école hybride présentiel/distanciel (à condition que les outils soient efficaces, et les sessions de travail bien organisées).
« Les tendances sont assez stables, entre 2008 et 2021, a-t-il conclu, signe peut-être que le confinement n’a peut-être pas rebattu complètement les cartes dans le mauvais sens. » En outre, « quelques indicateurs évoluent dans le bon sens, comme le mal-être à l’école (16% contre 26% à l’époque) ou l’exposition à la violence vis-à-vis des pairs (28% contre 53%). » Le confinement, en revanche, a renforcé les difficultés de certains, ainsi que la peur de l’échec chez les plus fragiles, même si cette expérience a aussi suscité un désir d’hybridation des modes d’enseignement chez certains élèves. « Ce n’est donc pas tant le distanciel en soi qui est problématique, mais la manière dont les choses ont pu se passer concrètement chez les uns et les autres. »
https://youtu.be/Am5MQz0XsJc
Une vision générale
Agnès Florin, professeur émérite de psychologie de l’enfant et de l’éducation à l’Université de Nantes, était aussi là pour présenter une enquête réalisée par une équipe de recherche pour l’UNICEF, sur l’impact de la crise sur des collégiens et lycéens français et vietnamiens. Ses résultats s’avèrent « totalement convergents avec ceux qui viennent d’être présentés », ce qui indique que « les jeunes avec lesquels l’Afev travaille ont des préoccupations et des ressentis assez similaires à ceux d’une population plus diversifiée. »
Elle a aussi rappelé que ces travaux portaient sur « le bien-être subjectif, c’est-à-dire sur une évaluation à la fois cognitive et affective des éléments de leur vie – l’école en constituant un particulièrement important pour leur qualité de vie. » Et qu’après une première étude réalisée avant la pandémie, le même questionnaire - réadapté à ce nouveau contexte – a été relancé auprès d’un panel, pour un comparatif des résultats (avant/pendant/après) à paraître dans le prochain numéro du magazine Enfance.
Pour les principaux résultats, outre le constat que « plus on avance dans la scolarité, moins les élèves se sentent bien à l’école », cette analyse permet de noter une moins mauvaise appréciation des relations avec les professeurs à l’issue des confinements qu’avant ceux-ci (les jeunes ayant senti que leurs enseignants « s’intéressaient plus à eux »), et une meilleure appréciation du bien-être scolaire au collège (par rapport au domicile). En outre, le rapport tendu aux évaluations évolue également : « Ils préfèrent les évaluations à domicile plutôt qu’au collège », notamment parce que le stress et la pression diminuent dans ce contexte. Forte de ces remarques, et pour conclure, elle a insisté sur « la nécessité d’intégrer le point de vue des enfants et des jeunes dans la définition des politiques publiques, y compris dans le domaine de l’éducation. »
François Perrin
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