Le 20 septembre prochain, l’Afev organise la 9ème édition de la Journée du Refus de l’Échec Scolaire (JRES) – en partenariat avec Trajectoires-Reflex et de nombreuses organisations. Cette journée, accompagnant la publication d’une enquête exclusive, sera consacrée à la question du numérique. Afin d’anticiper les débats et découvertes qui marqueront cette journée, le Lab’Afev tenait à diffuser plusieurs contributions émises par des partenaires. Ici, trois questions au parrain de cette édition de la JRES, le journaliste spécialiste des cultures numériques, chroniqueur sur France Culture et essayiste Xavier de la Porte. Pour plus d’informations sur la journée : www.refusechecscolaire.org
"Pourquoi avez-vous accepté de devenir parrain de la Journée du refus de l''échec scolaire ?
Parce que l'échec scolaire est une question essentielle et qui m'intéresse personnellement. Anciennement et brièvement prof dans le secondaire, membre il y a longtemps d'une association de soutien scolaire, et père d'enfants scolarisés dans une banlieue compliquée, j'ai vu et vois encore la mécanique de l'échec opérer sur des jeunes. Avec le cortège de questions posées depuis longtemps par la sociologie, et une plus politique à laquelle je n'arrive pas à répondre : pourquoi, si tout le monde est convaincu que l'échec scolaire est un drame individuel et social, le laisse-t-on prospérer ? Une question qui ouvre plein de sous-questions : pourquoi les Rased ont-ils disparu ou presque des établissements en Seine Saint-Denis ? Pourquoi le récent aménagement du temps scolaire n'a-t-il eu pour effet, dans les lieux les plus sujets à l'échec scolaire, que de voir les enfants sortir plus tôt de l'école ? Pourquoi les profs, associations qui luttent contre l'échec scolaire ne sont-ils pas plus soutenus ? Parfois, on en vient à donner quelque crédit à ceux qui défendent l'idée d'une politique délibérée, ce qui est doublement désespérant.Pensez-vous que le numérique puisse aider à résorber l’échec scolaire ?
Le numérique en lui-même n'est pas d'une grande aide. Excepté de manière marginale, son usage n'ouvre des perspectives nouvelles qu'à ceux qui voient déjà un horizon. On peut rêver qu'un enfant utilise spontanément l'ordinateur familial pour faire des jeux éducatifs, regarder des films de Chaplin et apprendre à coder ; ça doit arriver, mais pas suffisamment pour en faire une croyance. Quant à son utilisation dans le cadre scolaire, je vois mal comment un enfant pourrait être raccroché à l'école parce qu'il n'a plus dans sa main un stylo mais une tablette. En revanche, il est évident que le numérique permet des choses intéressantes. Des tentatives telles que l'école inversée - avec toutes les questions qu'elle pose - sont grandement facilitées par Internet. La prolifération des YouTubeurs de qualité (sur l'histoire, la philosophie, les sciences...) offrent aux enseignants un répertoire nouveau de contenus pédagogiques qui ont pour eux de revêtir des formes peut-être plus accessibles aux élèves.A quelle condition ?
Je ne dis évidemment pas qu'il faut remplacer les cours en présence par des Moocs et autres. Mais sans doute y a-t-il des complémentarités à inventer ? Les ressources d'Internet sont tellement gigantesques en termes de contenus (on peut y visiter des musées entiers...) qu'elles offrent nombre de possibilités. Internet peut aussi être d'une grande aide pour les parents qui veulent accompagner leurs enfants dans les devoirs et peuvent éviter, grâce à quelques clics, de se confronter à l'humiliation de ne pas savoir. Mais dans tous les cas, et au-delà de l'accès (qui est de moins en moins un problème, mais le reste quand même), ces usages exigent, que ce soit de la part des enfants, des enseignants ou des parents, ce qu'on appelle la littératie numérique, c'est-à-dire une maîtrise minimale des outils informatiques et du web. La littératie, ce n'est pas seulement le "lire-écrire-compter" contemporain, c'est le socle fondamental de la culture numérique et qui conditionne la capacité à rechercher, à identifier les sources, bref à utiliser Internet de manière profitable. J'ai l'impression que les enseignants ont beaucoup avancé dans ce travail, mais je me demande si les parents ont le même souci. Fouiller le web avec ses enfants, de temps en temps, c'est instructif." Pour retrouver les autres articles liés à la JRES :-
- Anne Cordier : conférer à chacun-e le pouvoir d'agir sur le monde
- Capprio, contre la fracture numérique
- Pratiques numériques de jeunes en insertion
- Sophie Guichard : Tout le monde avance, à son rythme et dans l'entraide
- Eunice Mangado-Lunetta : Faire du numérique un levier contre les inégalités éducatives
- Contribution de l'UNAF
- Fondation SNCF : le numérique, un outil efficace dans la lutte contre le décrochage scolaire
- Contribution de l'ANLCI
- CRAP : Le numérique contribuera à lutter contre l'échec scolaire... si on y travaille !"
- Fondation AlphaOmega : Le numérique et l'éducation, apprendre à apprendre
- Catherine Chabrun (DEI) : "Des outils numériques au service de tous les enfants"
- Réseau Canopé : "Inscrire le numérique dans les continuité éducatives"
- Gérard Marquié (INJEP) : "Jeunes comme adultes doivent développer une littératie numérique"
- Xavier de la Porte : "Un répertoire nouveau de contenus pédagogiques"
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