Parrain de la 7ème édition de la Journée du Refus de l'échec scolaire, François Taddei initie depuis 2005 des projets novateurs en matière d'éducation et d'interdisciplinarité. Ce directeur du Centre de recherches interdisciplinaires (CRI) démontre en quoi la lutte contre les inégalités scolaires passe par des innovations pédagogiques qui ne soient pas imposées mais initiées par chacun sur tous les terrains éducatifs.
Une école française moins inégalitaire, est-ce possible ?
C’est assez évident pour moi parce que l'échec scolaire est une grande cause nationale sur laquelle on devrait tous s'engager. La France est le pays qui a les moins bons résultats en terme de capacité à corriger les inégalités. Le fait que d'autres pays y arrivent nous fait penser que c'est possible. On peut s'inspirer des meilleures pratiques internationales, qui allient généralement la recherche sur ces questions-là. Mais il faut inclure les enseignants eux-mêmes, à mettre idéalement en position de recherche. Si les enseignants prennent ce sujet à bras le corps, on avancera beaucoup plus vite, parce qu'on peut toujours trouver des causes aux difficultés. On ne peut pas nier les causes exogènes (difficultés familiales, etc.), mais on peut tout faire pour en diminuer le poids et le fatalisme. L'enseignant ne peut pas les corriger, mais il peut adapter sa pédagogie à chacun. On peut aller vers une pédagogie personnalisée et préventive au maximum. Et plus on agit jeune, mieux c'est.Quelles seraient selon vous les changements prioritaires à engager ?
Il faudrait transformer l'école en un milieu apprenant. Il faut donc adopter une démarche de recherche, avec pour objectif de chercher à s'améliorer, mais aussi de partager ses expériences. Je suis convaincu que l’on peut toujours mieux comprendre le cœur de la difficulté de l'enfant et essayer de lui apporter une réponse plus opportune. Si les approches top down et bottom up se rejoignent, c'est forcément mieux. Si on met plus de ressources dans l'éducation, ça ne peut pas faire de mal, et en particulier pour ceux qui ont des initiatives intéressantes. Mais si on attend de l'Etat toutes les solutions, on risque d’attendre longtemps. En revanche, si chacun à notre niveau, parents d'élèves, enseignants, responsables associatifs, responsables de collectivités, on contribue à créer une dynamique de partage des bonnes expériences et d'investissement, on peut y arriver.En quoi l’innovation pédagogique peut-elle contribuer à réduire les inégalités ?
Prenons l’exemple de l’expérimentation de Céline Alvarez dans une école maternelle à Gennevilliers, avec une pédagogie issue des sciences cognitives. Elle a montré que la maitrise des savoirs fondamentaux peut être acquise dès la grande section. Si on s'en donne les moyens, on peut y arriver. Cela suppose un certain nombre de réformes dans la pratique des enseignants, et il existe pleins de conditions à la réplique de ces pratiques. Il faut avant tout un effort de documentation et de formation à ces pratiques, puis de partage de ce que l’on fait. Le rôle des ESPE va être clé pour repérer les innovations pédagogiques et contribuer à les diffuser. Il faut essayer ces nouvelles pédagogies, pour voir si elles s'adaptent, si oui, comment et dans quelles conditions, car il y a toujours des nécessaires adaptations aux réalités locales. Aujourd'hui, personne ne sait ce qui semble marcher à part les acteurs locaux. Des analyses comparatives poussées et bien utilisées permettent d’extraire ce qui marche et d’y former des gens, puis d’offrir à tous ceux qui la souhaitent la possibilité de mettre en œuvre ces pédagogies. Pour s'imposer, les meilleures pratiques ne doivent pas être imposées mais suggérées pour que chacun se les approprient.Partager cet article