Dans le cadre de l’enquête Afev-Audirep de l’Observatoire de la jeunesse solidaire portant sur "le regard des français sur les jeunes" publiée en mars 2010, révélant -entre autre- que 51% des français ont une image négative des jeunes, l’Afev a interrogé un certain nombre d’acteurs pour réagir à ces chiffres, et notamment sur leur investissement dans la société.
Entretien avec François Flahault, philosophe, directeur de recherche au CNRS.
Aussi des aspects positifs dans le regard des Français
Je vois dans le regard des Français des côtés positifs, notamment le fait que les sondés apprécient de discuter avec les jeunes. C’est un progrès que l’on mesure mal. J’appartiens à une génération où les échanges avec les pères, notamment, étaient très difficiles. Il y avait un aspect hiérarchique très fort, qui tuait souvent l’échange. Je ne suis pas alarmé par les chiffres plus négatifs. C’est assez classique, à mon sens, que les générations plus âgées trouvent les jeunes pas à la hauteur de comment elles-mêmes se voient... Après, les représentations médiatiques jouent aussi. Ce qui est montré de la jeunesse, c’est celle qui déconne, qui brûle des voitures. Il y a aussi un enjeu social fort : la jeunesse qui fait peur aux personnes plus âgées, déjà installées dans la vie, c’est celle des banlieues. Au lieu de voir les enfants issus de l’immigration comme un investissement, l’opinion -mais aussi les pouvoirs publics- tendent à les ignorer. On gagnerait à aider les associations qui, sur le terrain, veulent au contraire combler les fossés.Qui pour aider les jeunes, la famille ou l’Etat ?
Entre familles et Etat, je trouve dommage qu’on n’interroge pas aujourd’hui le rôle des corps intermédiaires (associations d’éducation populaire ou paroissiales, clubs de sport) qui, il y a trois ou quatre décennies encore, favorisaient l’autonomie des jeunes et facilitaient le passage de la famille à la société. C’est une question liée à celles du lien social et de l’intergénérationnel : dans ces organisations, les jeunes étaient en même temps encadrés par les adultes et nouaient des contacts avec des membres d’autres générations. Aujourd’hui, le risque n’est-il pas que les individus, et les jeunes surtout, soient livrés à eux-mêmes ? On voit en tout cas que dans les milieux sociaux les plus favorisés, ce type d’organisations intermédiaires (clubs sportifs ou musicaux, associations confessionnelles) existe encore - le sentiment d’appartenance sociale y reste plus fort. Je ne crois pas que l’on doive avoir un regard forcément négatif sur cette question de la dépendance financière - cela montre que fort heureusement des solidarités intergénérationnelles existent encore au sein des familles.Rôle du service civique
On envisage un service civique pour les jeunes mais on ne se demande pas ce que pourrait être un équivalent dans la formation des enseignants. Comment un professeur peut-il jouer son rôle de médiateur entre l’enfant et la société si lui-même ne s’est pas immergé dans la société qui l’entoure? La formation actuelle des enseignants est focalisée sur la notion de savoir et de transmission des savoirs, alors qu’il serait intéressant qu’ils puissent passer du temps à découvrir différents lieux de la vie sociale - entreprises, municipalités - où les enfants seront amenés à vivre et travailler ensuite. Il y a un changement de mentalités à opérer au sein de l’Ecole pour l’ouvrir sur le monde extérieur, ce qui aiderait les jeunes eux-mêmes à mieux appréhender le monde qui les attend. Aujourd’hui, l’école est trop souvent vécue comme un fossé, même si on voit ici ou là des enseignants qui font des efforts - notamment dans les lycées professionnels. Propos recueillis par Paul Falzon-Monferran Crédit photo fayardPartager cet article